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L’Atelier Paysan professionnalise le bricolage

Il devient facile de créer son propre matériel et de se perfectionner en bricolage grâce à l’Atelier Paysan. Focus.

Aider à la conception et à la diffusion de matériel autoconstruit, tel est le credo de l’Atelier Paysan. Créé sous sa forme actuelle de société en 2014, ce groupement militant issu du tissu associatif maraîcher fait de plus en plus d’émules chez les viticulteurs. Et pour cause. Cela leur permet de réaliser leurs propres outils dans un cadre de travail adapté. « L’idée principale que porte notre structure est de redonner aux agriculteurs et viticulteurs une autonomie technique et financière », explique Nicolas Sinoir, animateur national de l’Atelier Paysan.

Plusieurs groupes de vignerons ont déjà fait appel aux services de la Scic (Société coopérative d'intérêt collectif), et planché sur différents matériels viticoles. « Cela a commencé en 2014 avec des viticulteurs de Saint-Joseph, en vallée du Rhône, se remémore l’animateur. Nous avons mis au point un outil de travail du sol pour les parcelles en dévers, baptisé Dahu. » Si ce matériel n’a pas été reproduit, il a toutefois lancé une dynamique, et a motivé des vignerons de tout l’Hexagone. Le Gest (Groupement d’études et de suivi des terroirs) en Bourgogne, par exemple, vient tout juste de cocréer avec l’Atelier un semoir pour engrais vert pour vignes étroites, adaptable sur un enjambeur.

Dix semoirs à engrais verts construits en deux semaines

L’association Vignes vivantes, en Alsace, a récemment profité de son expertise pour construire une série de doigts de binage en caoutchouc, sur le modèle des étoiles bineuses de Kress. Avec quelques producteurs languedociens et le soutien du Civam de l’Hérault, ce sont des rolofacas qui ont été étudiés. « Et avec AgroBio Périgord, nous avons réalisé pas moins de dix semoirs pour vignes larges lors d’une session de construction de deux semaines ! » complète Nicolas Sinoir.

En pratique, la formule principale proposée par la structure repose sur une période de formation chez un hôte, d’une semaine en règle générale. À l’issue, les participants repartent avec le matériel qu’ils ont eux-mêmes créé. Cette période inclut des sessions théoriques, où les stagiaires apprennent à lire des plans, à gérer un chantier, à souder et percer dans les règles de l’art, et une partie pratique qui est la construction de l’outil. Ceux qui connaissent déjà les bases aident les autres, les débutants arrivent avec leur regard neuf : peu importe le niveau de chacun, le tout est de créer une émulation.

Le coût de la formation est pris en charge par le fonds de formation agricole Vivéa. Seuls le transport, l’hébergement et les pièces de construction restent à la charge du vigneron. Pour ceux qui n’auraient pas la possibilité, ou l’envie, de consacrer une semaine à la formation, l’Atelier Paysan propose également d’envoyer les pièces nécessaires.

Une liste de pièces toute prête, en libre accès sur internet

« Les plans sont en diffusion libre, et nous avons même mis en ligne un fichier source avec toutes les informations utiles pour la découpe laser des pièces, pour ceux qui voudraient les faire réaliser par un artisan local », ajoute Nicolas Sinoir.

Passer par cette structure revêt de nombreux avantages. Tout d’abord, cela procure un certain confort et une facilité d’organisation, puisque tout a été réfléchi en amont. « Commencer avec la liste des pièces et le kit de base, c’est déjà un gain de temps énorme », glisse l’animateur. Il s’agit de surcroît d’outils qui ont été éprouvés sur le terrain, corrigés et validés pour supprimer les petits défauts, courants dans l’autoconstruction. Ce sont entre autres des matériels qui sont étudiés pour être robustes et durables. Mais c’est aussi un moyen de travailler en sécurité. « Cet aspect est réellement primordial dans notre accompagnement », poursuit-il.

Accessoirement, cette démarche donne également la possibilité d’avoir du matériel à moindre coût, d’autant plus que l’Atelier Paysan dispose de tarifs négociés pour le métal et les pièces agricoles. Pour avoir un ordre d’idée, un semoir direct à engrais vert viticole revient à environ 3 000 euros, contre près de 15 000 dans le commerce. « Si la formation n’est pas obligatoire, je la conseille toutefois, car elle permet de ne pas se disperser et le côté collectif est enrichissant », ajoute Nicolas Sinoir. Pour lui, le processus de l’autoconstruction permet de mieux maîtriser son outil, mais aussi ses impacts agronomiques, en se posant les bonnes questions et en adaptant son matériel à sa situation.

Des ingénieurs en génie des matériaux pour réfléchir aux projets

Bien souvent, les projets naissent d’un matériel astucieux existant chez un producteur, que l’Atelier Paysan s’affaire à optimiser. Mais c’est parfois aussi à l’initiative de groupes ayant d’ores et déjà une idée en tête pour créer un nouvel outil. « Nous partons alors d’un besoin, puis nous faisons un cahier des charges et imaginons tous ensemble ce que devrait être le rendu », explique Nicolas Sinoir. À la suite de quoi, une équipe de recherche et développement de l’Atelier, composée d’ingénieurs en génie des matériaux, réfléchit au projet et propose un prototype, qui devra être éprouvé par les commanditaires.

La sécurité est d’ailleurs un élément largement pris en compte. « Il nous arrive d’être sollicités pour des matériels animés lourds, projets que nous refusons car c’est trop dangereux pour le futur utilisateur », illustre l’animateur. Là encore, les viticulteurs ne sont pas en reste. Le Gest, tout comme un groupe de Savoie et du Jura, travaillent en ce moment sur des épandeurs à compost adaptés à leurs vignobles respectifs. « Les vignerons représentent un public très intéressant, estime Nicolas Sinoir. Ils sont pointus et exigeants. Ce serait bien que nous en ayons davantage dans le réseau. Il y a encore trois ans, nous ne pensions pas arriver un jour à ce niveau de technicité à l’Atelier Paysan. »

Pour preuve, les formateurs interviennent maintenant chez les viticulteurs Alsaciens pour les initier à la soudure inox, et un nouvel ingénieur propose même des formations en électronique de base, de type Arduino. Pour la Scic, l’objectif maintenant est de donner un cadre clair à l’autoconstruction. Elle travaille pour cela avec la MSA, la FNCuma et participe à des projets européens. Et pourquoi pas un jour explorer le domaine de la politique publique pour lui donner une existence légale et un cadre réglementaire…

" J’en parle à tout le monde "

" J’ai connu l’Atelier Paysan alors que je cherchais à acquérir un semoir à engrais vert. Lorsque j’ai contacté l’association Vignes Vivantes, qui a fait un test comparatif de plusieurs machines il y a quelques années, elle m’a instinctivement dirigé vers l’Atelier. J’ai donc sauté le pas et me suis lancé dans une formation en février 2017 dans le Jura. Je n’avais alors aucune compétence en bricolage, je ne savais pas même souder. Mais le cadre proposé m’a rassuré, ils sont très pédagogues et organisés.

C’est un moment privilégié où l’on discute également d’agronomie avec des personnes qui ont beaucoup de recul et d’expérience sur le sujet. J’ai réalisé un semoir que je partage avec deux autres vignerons, et nous sommes très satisfaits du matériel, qui est robuste et simple d’utilisation. Nous avons semé une trentaine d’hectares avec l’automne dernier, sans souci. Et il n’y a rien à redire sur la pousse des couverts. Du coup j’ai renouvelé l’expérience cette année avec un rolofaca que je vais tester très prochainement, et je leur ferai un retour s’il y a des pistes d’amélioration. "

Olivier Cohen, vigneron à Argelliers, dans l’Hérault
 

Découvrez les autres articles de notre dossier consacré à l'autoconstruction :

Autoconstruire dans les règles de l’art

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Attention à la sécurité !

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