La lutte anti-grêle en viticulture progresse
Les filets anti-grêle donnent de bons résultats en Bourgogne, et pourraient bien débarquer en AOC. D’autres moyens de lutte, à l’aide de ballons et de radars, font leur apparition.
Les filets anti-grêle donnent de bons résultats en Bourgogne, et pourraient bien débarquer en AOC. D’autres moyens de lutte, à l’aide de ballons et de radars, font leur apparition.
Pour le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), l’intérêt des filets anti-grêle est désormais clair. Bien que les expérimentations ne soient pas encore terminées, les premiers résultats sont satisfaisants, selon Christine Monamy, responsable agro-météo de la structure. « D’après les observations des deux premières années, les filets n’ont aucune répercussion sur la maturité », assure-t-elle. Il faut dire que cette problématique, existante en arboriculture, était la grande crainte des viticulteurs. « Il y a effectivement un impact sur le rayonnement solaire, qui diminue, poursuit la technicienne, mais la photosynthèse atteint quoi qu’il en soit un palier. » Ainsi, même s’il y a eu quelques décalages dans les paramètres en début de maturation, il n’y a pas eu de différence significative sur la composition chimique et sur les équilibres au moment des vendanges, ni même sur le microclimat. « Nous avons dégusté les vins de 2015, et les conclusions vont dans le même sens : il est impossible de distinguer un vin issu de parcelles à filets, ajoute Christine Monamy. Toutefois, les millésimes 2015 et 2016 ont bénéficié de beaucoup de soleil et de chaleur en été, qui a pu atténuer les effets potentiels. » De son côté, la chambre d’agriculture de Côte-d’Or n’a pas non plus constaté d’impact sur la qualité sanitaire des vignes. Par ailleurs, le BIVB a pu vérifier en 2016 l’efficacité du système, la grêle s’étant abattue sur l’une des parcelles expérimentales. Le résultat est probant, puisque seulement 6 % des baies contenues sous les filets ont été touchées, alors que les dégâts atteignaient 60 % dans les rangs non équipés.
Parallèlement, une enquête a été menée chez les vignerons sur l’aspect pratique. Il en ressort un gain de temps sur les travaux, malgré la nécessité de manipuler les filets en début de saison. En effet, même s’ils peuvent ralentir légèrement la vitesse de travail du sol, ils ont le gros avantage de s’affranchir du relevage et du rognage latéral.
Les filets bientôt autorisés en AOC ?
« Le seul frein important que nous ayons constaté est le coût, relève Christine Monamy. Cela ne pourra pas convenir à tout le monde, notamment aux appellations régionales qui sont moins valorisées. Nous avons toutefois la volonté de pouvoir autoriser ces équipements. La demande sera transmise à l’Inao dès la fin des essais, l’an prochain. »
Du coup, dès cette année, le BIVB va tester un autre système innovant dans la lutte contre la grêle. Il s’agit d’un radar, mis au point par la société Selerys et déjà adopté par la maison Chapoutier ainsi que la chambre d’agriculture du Gard. « Skydetect scrute le ciel et prévoit l’arrivée d’un orage, explique Lucile Lallié, responsable commerciale de la firme. L’idée est de ne plus se laisser surprendre. » Cette technologie, développée depuis une dizaine d’années, calcule la densité des nuages et caractérise la cellule orageuse grâce à un algorithme, afin de prévoir où et quand tombera la grêle, et cela à 150 mètres près. Le système comprend une interface logicielle, permettant de voir l’évolution en temps réel, sur laquelle il est possible de paramétrer des alertes. « Ainsi, le viticulteur est informé du danger 30 minutes à l’avance, ce qui lui laisse le temps de mettre en œuvre ses moyens de lutte active, poursuit la responsable commerciale. Cela lui permet aussi de lever l’alerte si le risque disparaît. » Selon l’entreprise, la prévision est sûre à 100 %. Une donnée que le BIVB souhaite vérifier, notamment sur les petites cellules isolées. Un tel radar permet de couvrir une zone vaste de 60 kilomètres de diamètre, bien que les parcelles à protéger doivent être incluses dans un diamètre de 30 kilomètres. « Ce système permet également, grâce aux images, de se justifier face aux assurances ou face aux voisins lorsque l’on utilise des systèmes bruyants comme les canons », ajoute Lucile Lallié. L’investissement, de l’ordre de 60 000 euros, est lourd pour un viticulteur seul, mais peut convenir à un groupement de producteurs ou encore à un ODG. Selerys propose également un abonnement au service, au tarif de 800 euros par an, à condition d’être dans une zone couverte par les radars existants. Pour l’heure, ils sont près d’une vingtaine à être installés en France, principalement répartis sur la vallée du Rhône.
Des ballons intelligents chargés en sels hygroscopiques
Parallèlement à cela, la société Selerys lance cette année une nouvelle méthode de lutte active, par ballons, qu’elle propose de coupler avec son radar Skydetect. Suite à l’arrêt de fabrication des fusées anti-grêle par Lacroix Défense, les deux sociétés ont décidé de s’unir pour développer une solution de remplacement. C’est ainsi qu’est né Laïco, un ballon en latex chargé en sels hygroscopiques, équipé d’une torche et d’une carte électronique. Les sels utilisés ont la même fonctionnalité que l’iodure d’argent, à savoir faire précipiter les gouttes de vapeur des nuages avant qu’elles ne se transforment en grêlons. « Lors d’une alerte, le vigneron va sur la zone de lancement avec sa mallette et sa bombonne d’hélium, explique Lucile Lallié. Lorsqu’il enclenche le processus, le ballon se gonfle puis se détache seul. » Il monte dans les airs, la micro-puce embarquée calcule le temps parcouru ainsi que certains paramètres météorologiques, et déclenche la libération du principe actif une fois arrivé dans le nuage. « La torche s’embrase et fait éclater le ballon. Les sels sont donc apportés au dernier moment, au plus près de la cible, contrairement aux fusées. » Selon Selerys, de nombreux verrous en termes de sécurité ont été levés, ce qui en fait un système plus efficient mais aussi plus sûr que les fusées. « Les ballons ne font pas de bruit et peuvent être stockés sans soucis d’une année à l’autre s’ils ne sont pas consommés », précise la responsable commerciale. Une zone de lancement permet de couvrir une superficie de 4 km2. Toutefois, il est nécessaire de faire plusieurs lâchers sur le territoire, ou bien de réaliser des tirs de barrage. « Un viticulteur seul peut s’équiper, mais il lui faudra plusieurs gonfleurs pour faire opérer la chimie », admet Lucile Lallié. Le prix d’un gonfleur est de 1 200 euros. C’est l’investissement initial. Ensuite, le lâcher de chaque ballon coûtera dans les 350 euros. Le BIVB va également tester ce matériel lors des trois prochaines campagnes.
Les générateurs ont toujours le vent en poupe
De son côté, l’Association nationale d’études et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa) continue de miser sur les générateurs à iodure d’argent. « Qu’il ne faut pas confondre avec les canons », précise Claude Berthet, directrice de l’association. Ces générateurs diffusent, par combustion, des noyaux de particules qui ensemencent les nuages, trois heures avant le début du risque. Cela dans le but de limiter les facteurs de congélation, et ainsi le grossissement des grêlons. Selon les études menées en France, ce système permet de réduire de 41 % le dommage des cultures. « Dans les zones bien ensemencées, on constate une baisse de l’énergie cinétique des grêlons, mais aussi moins d’intensité, de l’ordre de 50 % », commente la directrice. Pour la campagne 2017, le réseau national de générateurs va s’agrandir de 130 équipements. En Gironde, tout d’abord, où l’ensemble des AOC bordelaises, sous l’impulsion de la Fédération des grands vins de Bordeaux, ont décidé d’adhérer à la structure départementale (Adelfa). Cela se traduit par une cotisation obligatoire de 0,63 euro par hectare pour les vignerons, et l’installation d’une quinzaine de générateurs supplémentaires. « La cotisation obligatoire nous permet de stabiliser le réseau, qui était menacé de disparition », se réjouit Dominique Fidier, président de l’Adelfa 33. En Bourgogne, de nouveaux équipements seront installés dans l’Yonne et le sud de la Saône-et-Loire. Le Beaujolais s’est associé avec la structure bourguignonne, et verra une première campagne de couverture, avec des installations dans le nord du Rhône. Le val de Loire n’est pas en reste, avec la création d’un nouveau réseau départemental en Indre-et-Loire (34 générateurs) et l’extension des réseaux du Cher et du Loir-et-Cher.