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La filière vitivinicole dévoile ses ambitions

Sortie des herbicides, mise en place d’e-étiquettes ou encore développement de la bannière France : tels sont les engagements pris par la filière dans le cadre des EGA. Des engagements qui nécessiteront une réelle revalorisation des cours et des aides conséquentes de l’État.

Mieux vaut tard que jamais ! Le 29 janvier, les responsables professionnels viticoles ont enfin rendu le plan filière, demandé par le gouvernement à l’issue des EGA (États généraux de l’alimentation). Une remise effectuée suite à la réception d’un courrier officiel de la présidence de la République, attestant que l’objectif du gouvernement est « de lutter contre les consommations excessives et à risque, ce qui nécessite d’investir en amont dans la prévention », stipule le communiqué de presse. Il ne serait donc pas question d’assimiler le vin aux drogues et autres substances illicites, ni de dénormaliser sa consommation. « La consommation dite raisonnable a bien été distinguée de la consommation excessive », confirme Jean-Marie Barillère, président du Cniv. Voilà donc la filière rassurée.

Mais ne se réjouit-elle pas trop vite, endormie par les propos du président, la flattant d’« âme de la France » ? Car, à l’heure de notre bouclage, aucune information n’avait filtré sur une éventuelle modification du plan national Santé. « Nous devons avoir une réunion sous peu avec les ministères de la Santé et de l’Agriculture, concède Jean-Marie Barillère. J’ai bon espoir que la politique de santé nous prenne en compte. Dans son courrier, le président nous demande de participer à la prévention. Mais nous serons vigilants. »

Plusieurs centaines de millions d’euros

Quoi qu’il en soit, la feuille de route est à présent dévoilée, bien que ce ne soit encore qu’un grand schéma directeur non chiffré, devant ensuite être décliné dans chaque région. Une estimation budgétaire globale est d’ailleurs attendue pour courant mars. Elle sera de l’ordre de « plusieurs centaines de millions d’euros », estime Jean-Marie Barillère.

Et pour cause ! Les responsables professionnels ne manquent pas d’ambition pour la filière. Comme nous vous l’avions annoncé le mois dernier, le plan prévoit quatre grands axes, dont un concerne l’adaptation de la filière aux nouvelles donnes : changement climatique, transition écologique et attentes sociétales. Avec une évolution de taille : une sortie des herbicides à terme, et l’arrêt des désherbants sur au moins 50 % des surfaces, hormis les vignobles de pente, d’ici trois ans. De même, les responsables professionnels entendent bien tirer un maximum de domaines vers une certification environnementale, que ce soit la HVE (haute valeur environnementale), le bio ou autre, et vont jusqu’à fixer un objectif de 50 % des exploitations en HVE d’ici 2025. L’utilisation de pulvérisateurs limitant la dérive (objectif de renouvellement de 66 % du parc d’ici cinq ans) est également au programme, ainsi que le développement de l’usage de produits phytosanitaires alternatifs. Enfin, la filière souhaite pouvoir faire évoluer les cahiers des charges des indications géographiques pour intégrer les variétés résistantes.

Mais, s’ils sont louables, ces engagements ne sont pas sans soulever certaines questions. Car, si les responsables professionnels indiquent que des aides financières seront nécessaires pour mener à bien cette transition, il y a fort à parier qu’elles ne soient pas suffisantes. Tous les autres secteurs d’activité ont en effet chiffré leurs actions. Rien que pour la filière céréales, « Ie coût global de transformation » se monte à... 13,9 milliards d'euros ! Et ce, alors même que l’enveloppe gouvernementale, dans le cadre du grand plan d'investissement, est de  5 milliards d'euros. Dès lors, il semble difficile de satisfaire tout le monde et, vu sa santé économique, la filière viticole ne sera certainement pas prioritaire…

Les responsables professionnels restent néanmoins optimistes. « Il faut que des aides accompagnent les vignerons dans les investissements », prévient Jean-Marie Barillère. Et de poursuivre : « il est hors de question de passer à un modèle plus onéreux pour les vignerons, si cela ne crée pas davantage de valeur. Cela reviendrait à tuer le vignoble ». Selon lui, le marché a déjà accepté des hausses de prix sur le bio. Il devrait donc être possible de répercuter ces nouvelles hausses de prix. « Nous vendons une image, insiste-t-il. Il faut que la hausse des coûts de fonctionnement soit amortie grâce à la valeur immatérielle supplémentaire. » Reste à savoir quelle sera la réaction des consommateurs.

Mentionner les ingrédients mais pas les auxiliaires

Autre modification en vue, au niveau sanitaire, le plan prévoit la mise en place d’e-étiquettes. Une idée qui a germé suite à la demande de l’Europe de proposer une manière d’informer les consommateurs. « Il s’agit d’apposer un QRcode ou tout simplement de mentionner l’adresse d’un site internet sur les étiquettes papier, rassure Jean-Marie Barillère. Pour éviter d’engendrer des coûts supplémentaires, les PME pourraient tout simplement renvoyer vers un site généraliste. » À l’instar de celui du négoce (www.info-calories-alcool.org). Sur ce type de site, figureraient les informations nutritionnelles (calories) et la liste des ingrédients (raisin/moût, sulfites), mais pas les auxiliaires technologiques. Une proposition qui reste soumise à l’acceptation par Bruxelles.

Parallèlement à cela, les responsables professionnels ont refait part de leur volonté d’être associés à la politique de prévention sur les conduites à risque et abusives, et de leur souhait « d’entamer une démarche de labellisation des fêtes vinicoles responsables et de formation des futurs professionnels du vin aux bonnes pratiques ».

Les interprofessions aux manettes économiques

Le plan filière comprend également un aspect économique. Il s’agirait de mettre en place un suivi du chiffre d’affaires, piloté par les interprofessions, et de pouvoir « appliquer la formule de révision des prix ». Le secteur demande que ces structures « pilotent la valeur créée par chaque filière régionale », et « rendent plus attractive la contractualisation ». De même, il compte proposer à la distribution de créer une structure nationale de concertation.

Le plan s’attaque en outre à un vieux serpent de mer : la promotion de la bannière France à l’étranger. En projet et en discussion depuis des années, ce dossier n’a jamais débouché, faute d’intérêt de la part des opérateurs. Dès lors, on ne peut qu’être dubitatif sur son aboutissement. Ce à quoi Jean-Marie Barillère rétorque que « les Français ont compris qu’il faut exporter pour survivre. Or, il n’y a que trois appellations qui peuvent se passer de la bannière France à l’étranger. Toutes les autres en ont besoin ».

Le dernier volet concerne l’engagement « social », destiné à « favoriser un environnement de travail préservant davantage la santé et la sécurité des travailleurs ». Il intègre un engagement à ne plus employer aucun produit nécessitant le port d’équipement de protection individuelle après les délais de ré-entrée, et à demander le non-renouvellement de ces produits. Par ailleurs, cette feuille de route engage les vignerons à travailler de concert avec la MSA, pour réduire les trouble musculo-squelettiques et les accidents du travail. Enfin, il prévoit une promotion des métiers de la vigne et du vin, et l’engagement d’un dialogue avec les riverains. Un dialogue déjà bien initié dans nombre de régions…

Une sortie des herbicides à terme, et l’arrêt des désherbants sur au moins 50 % des surfaces, hormis les vignobles de pente, d’ici trois ans.

voir plus loin

Des demandes fiscales

La feuille de route comprend également quelques demandes. En prévision de la réforme de la fiscalité agricole annoncée par Bruno Le Maire, la filière indique que le dispositif assurantiel doit être rendu plus attractif et que la fiscalité des entreprises viticoles doit être remise à plat. Et de citer différents chantiers : les taxes foncières, la fiscalité de la transmission du foncier, la fiscalité des stocks et de l’épargne de précaution.

Retombées des EGA, ça avance

L’exécutif a présenté le projet de loi issu des EGA sur l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable en conseil des ministres fin janvier. Il prévoit notamment le relèvement de 10 % du seuil de revente et l’encadrement des promotions à 34 % en valeur. Les discussions parlementaires devraient débuter en mars-avril.

Par ailleurs, le gouvernement a lancé une concertation sur les propositions de plan d’actions sur les produits phytos, visant notamment à diminuer l’utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement et à renforcer le plan Ecophyto 2.

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