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Ils ont créé un site de vente en ligne

Pour surmonter les pertes liées à la grêle, Olivier et Véronique Cadarbacasse, vignerons bordelais, ont créé un site de vente de vin en ligne. Bilan deux ans après.

Cauchemar. Le 2 août 2013, en quelques minutes, la grêle s’abat sur les vignes du Château Moulin de Beauséjour, à Saint-Jean-de-Blaignac, en Gironde. La récolte est perdue à 95 %. "Pendant plusieurs semaines on a été comme des zombis !" se souvient Olivier Cadarbacasse, dans un rire bref et nerveux. Sur le terrain, des réunions sont organisées et plusieurs mesures annoncées. La Safer propose le report d’une année de l’échéance de l’annuité du portage foncier. "Heureusement, poursuit Olivier Cadarbacasse, on avait aussi souscrit une assurance qui nous a permis de couvrir la trésorerie, le remboursement d’emprunt et le salaire des deux employés. En résumé, on a payé les charges vitales d’une année pour que l’exploitation ne disparaisse pas. " Mais tout cela ne remplace pas une dynamique commerciale, et le marché américain de 125 000 bouteilles est définitivement perdu.

Fin 2013, l’idée de lancer un site de vente de vin commence à germer, d’autant qu’une société de négoce, adossée à l’exploitation, a déjà été créée en 2005 pour répondre à la demande de certains clients. Olivier Cadarbacasse ébauche un premier plan d’action. Il voudrait constituer une gamme de vins de différentes régions et mettre en avant d’autres vignerons, qui travaillent avec la même passion et proposent des vins de qualité. Son épouse, Véronique Cadarbacasse, ne s’emballe pas. En professionnels de la consolidation financière pour lui et de l’audit financier pour elle, ces deux diplômés de Skema Business School sont à leur affaire. Ils commencent par analyser les bilans et les résultats des autres sites de vente sur internet et recoupent les informations. La conclusion est peu encourageante. Ils persistent malgré tout. Ils savent que leur projet se situera dans une catégorie différente, avec des niveaux de charges et de marges inférieurs. Olivier Cadarbacasse fait donc les comptes. "On avait déjà le lieu de stockage, donc pas d’investissement nouveau à faire de ce côté, poursuit-il. De même, on avait déjà le personnel pour la préparation des commandes puisque l’exploitation était à l’arrêt."

Goûter avant d’acheter, un service original

Restait à trouver une idée pour se différencier. L’idée se porte rapidement sur les wine in tube, WIT pour les initiés, dont Véronique Cadarbacasse a déjà entendu parler. "En utilisant ces tubes qui permettent aux professionnels du vin d’envoyer des échantillons dans le monde entier à moindre coût, on pouvait proposer à nos clients un service original : goûter avant d’acheter", argumente-t-elle. Renseignement pris, la machine à remplir les échantillons WIT coûte environ 3 000 euros HT. Début 2014, la décision de créer le site est donc prise. Le plus gros investissement sera l’emprunt à la banque, pour constituer le stock. "Pas de dépôt-vente, on assume le risque de cette activité de négoce, précise Olivier Cadarbacasse. On est avant tout vigneron donc on sait que le problème majeur des exploitations est la trésorerie." Pour y voir plus clair sur la mise en route pratique de leur futur site, Olivier et Véronique Cadarbacasse sollicitent un conseiller en marketing digital. Côté pratique, ils décident de créer le site eux-mêmes. Ils pensaient y consacrer deux mois. Il leur en faudra finalement plus du double. Pour cela, ils travaillent avec l’appui de Store Factory, une plateforme dédiée à la création de sites de boutiques en ligne. "Au début, confie Véronique Cadarbacasse, j’appelais leur hotline plusieurs fois par jour. Ils nous ont aidés à personnaliser le site et à créer toutes les fiches des producteurs. Nous avons voulu un site rassurant où l’on comprend très vite que derrière l’écran, se trouve un vrai couple de viticulteurs qui vend ses propres vins et ceux d’autres vignerons 'amis' rencontrés en diverses occasions." Une photo d’Olivier et Véronique Cadarbacasse est donc visible au centre de la page d’accueil. Et le numéro de téléphone indiqué à côté n’est pas un "0800" mais bien un numéro "normal" avec lequel on arrive chez quelqu’un.

Après une petite année de maturation, le site unvindeproducteur.com est officiellement lancé. Nous sommes en octobre 2014. Au quotidien, la formation se poursuit : animation du site, utilisation des différents outils du web marketing. Aujourd’hui, après deux ans de fonctionnement, le site compte 550 inscrits et propose 120 références, dont 35 % de la région bordelaise. Une particularité qui a d’ailleurs drainé un soutien financier du conseil départemental. Sur 2015, avec un rythme de deux à six commandes par jour, le site a généré un chiffre d’affaires de près de 40 000 euros, dont la moitié est réalisée par la vente des vins du domaine. Le port est gratuit dès six bouteilles et le panachage est possible. Une commande sur six en moyenne contient un WIT. "On les propose pour tous les vins au catalogue sauf les effervescents et les vins sans sulfites, précise Véronique Cadarbacasse. Ils sont préparés sur place au fur et à mesure des commandes. Ce service est davantage un atout commercial qu’un produit d’appel qui se transforme en achat de bouteilles. De nombreux clients nous font confiance et achètent directement sans passer par les échantillons."

Au final, les ventes du domaine ont augmenté grâce au site

Mais surtout, le site a permis de développer un nouveau réseau de distribution : celui de la vente directe aux particuliers. Un réseau délaissé jusque-là par Olivier et Véronique Cadarbacasse par manque de temps pour les visites. Pour les autres vignerons, ce site est une vitrine. Cohérence commerciale oblige, les prix de leurs vins sur le site sont légèrement plus élevés qu’à la propriété. "Notre marge est très faible, c’est un choix, répète Olivier Cadarbacasse. Ce site n’est pas notre activité principale. Nous cherchons à inciter les clients à aller voir les autres propriétés. On a toujours été clairs sur ce point avec nos collègues vignerons. Pas de concurrence entre eux et notre site."

Depuis quelque temps, Olivier et Véronique Cadarbacasse sont à nouveau accaparés sur la propriété, au point qu’ils manquent de disponibilité pour l’animation du site. Preuve que la notoriété est déjà installée, les commandes continuent malgré tout d’arriver. Pour ne pas tarir ce flux commercial, ils ont décidé d’embaucher. "Ce site a créé une vraie dynamique commerciale, mais il a surtout été un pansement pour nous", concluent-ils. Leur exploitation était à l’arrêt et cette nouvelle activité leur a aussi permis de penser à autre chose.

Le site compte 550 inscrits, propose 120 références et en 2015, il a généré un chiffre d’affaires de près de 40 000 euros
repères

Château Moulin de Beauséjour

AOC bordeaux et bordeaux supérieur

2002 installation hors cadre sur 12 ha (ventes 100 % vrac)

2007 agrandissement et achat de 3,6 ha en AOC saint-émilion

2012 31 ha exploités

2013 grêle au mois d’août et récolte de 200 hl cette année-là

avis d’expert

"Actionner tous les soutiens possibles"

"En 2013 en Gironde, deux orages de grêle ont ravagé près de 24 000 hectares de vignes dont 5 000 à plus de 80 %. Avec le recul, il apparaît que les viticulteurs touchés ont plutôt mieux résisté que ce que l’on aurait pu craindre au départ, avec des stratégies différentes. Les coopérateurs ou ceux qui vendaient en vrac, grâce à la remontée des cours sur un marché en demande, s’en sont dans l’ensemble sortis, surtout s’ils avaient des stocks. Les viticulteurs en vente directe bouteilles ont tenté de garder leurs clients en valorisant au mieux leur gamme avec les stocks restants. Les VCI et les CMD (conventions de mise à disposition) de la Safer ont permis de trouver quelques volumes à vendre. Les viticulteurs assurés ont pu couvrir leurs frais de culture. Toutes les mesures, même les plus petites ont été bienvenues : baisse de cotisations MSA, prêt de trésorerie avec prise en charge d’intérêts par l’État, exonération de taxes, remises sur cotisations, etc. Tous les opérateurs de la filière se sont impliqués. Les exploitants ont fait des sacrifices et réfléchi avec bon sens à une stratégie pour résister : développement d’activités œnotouristiques, décapitalisation, réduction de salaire, blocage des investissements. Quatre ans plus tard certaines exploitations sont encore fragiles, notamment celles qui n’avaient pas beaucoup de stocks. Des décisions de vente ou de départ à la retraite un peu anticipé ont certainement été prises, mais je crois que très peu d’exploitations ont dû cesser totalement leur activité."

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