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Grêle : cinq solutions à l'épreuve du vignoble

Cinq techniques de lutte contre la grêle sont disponibles. Voici ce qu'en pensent leurs utilisateurs.

Les filets paragrêle protègent efficacement les vignes.
Les filets paragrêle protègent efficacement les vignes.
© Filpack

Le filet paragrêle, « indiscutablement efficace »

Vigneron sur 13 hectares en appellation crozes-hermitages à la Roche-de-Glun dans la Drôme, Grégory Chardon s’est intéressé aux filets paragrêle il y a quelques années. « Au début des années 2010, je m’étais équipé de filets de protection pour mes vergers », explique-t-il. Pour tester les filets sur ses vignes, le vigneron en avait équipé deux rangs pour la saison 2019. « Dès la première année de mise en place, cette parcelle d’essai a subi un orage d’une violence que je n’avais jamais connue jusqu’alors, rapporte-t-il. La parcelle a été entièrement ravagée à l’exception des deux rangs protégés. À la fin de la saison, on a récolté 3 hectolitres à l’hectare, quand la moyenne de l’appellation était autour de 45 hectolitres à l’hectare. »

L’année suivante, Grégory Chardon investissait pour protéger 6 hectares, puis 2 hectares par an. « À terme, l’intégralité des vignes sera couverte. » L’investissement se monte à 6 000 euros par hectare, auxquels il faut ajouter le coût d’installation, que le vigneron a réalisé lui-même et évalue à 1 500 euros par hectare. Le retour sur investissement s’effectue dès le premier gros orage de grêle. Et le filet reste intègre, comme a pu le constater le vigneron sur une parcelle touchée en 2021.

Par rapport à un palissage classique, le filet demande du temps pour sa mise en place en début de saison, ainsi que lors du relevage du filet avant la vendange, que le vigneron réalise à la machine. « Mais on récupère ce temps perdu par celui gagné qu’on ne consacre plus au relevage », précise Grégory Chardon. Autre observation du vigneron, le filet génère un peu d’ombrage qui protège légèrement contre les gros coups de chaud… sans pour autant protéger de la sécheresse.

Selon Philippe Augénie, directeur de la société Filpack, le coût à l’hectare varie de 6 000 à 12 000 euros : « cela dépend principalement du nombre de mètres de rangs à palisser », indique-t-il.

Le canon antigrêle a une efficience ressentie

Connu depuis longtemps, le canon antigrêle est une solution sujette à discussion quant à son efficacité. Le système se compose d’une station, alimentée par des bonbonnes de gaz acétylène, envoyant des ondes de choc toutes les sept secondes vers le ciel, qui ont pour vocation de déstructurer les grêlons en formation afin de les rendre plus inoffensifs pour les cultures. Devant être actionné 30 minutes avant chaque épisode de grêle, chaque canon couvre une surface de 500 mètres de rayon.

« C’est difficile de juger de l’efficacité du canon antigrêle de manière pertinente », observe Virginie Sallette, directrice technique du château Gruaud Larose, à Saint-Julien-Beychevelle, dans le Médoc. L’exploitation dispose depuis vingt ans d’un canon au cœur des 82 hectares de l’exploitation. « On ne peut pas comparer les deux scénarios, avec et sans canon, sur un même orage, poursuit-elle. Néanmoins, nous restons convaincus de son efficacité. Cela a été confirmé l’année dernière, au cours de laquelle nous avons subi de gros dégâts lors d’un épisode de grêle concomitant à un dysfonctionnement du canon. » Selon la directrice technique, ce ressenti est globalement partagé dans le voisinage, où l’on constate régulièrement des dégâts de grêle plus importants en dehors du champ d’action des canons de la région.

 

 
Le canon antigrêle envoie des ondes de choc vers le ciel pour casser les grêlons.
Le canon antigrêle envoie des ondes de choc vers le ciel pour casser les grêlons. © Spag
La grosse problématique autour du canon antigrêle reste néanmoins le bruit occasionné. « Nous avons la chance d’avoir un canon au milieu de notre vignoble, assez éloigné des habitations, décrit Virginie Sallette. Qui plus est, même les grosses années, le canon ne fonctionne pas plus de 7 à 8 épisodes dans l’année, épisodes qui ne durent que quelques dizaines de minutes à quelques heures. » Sur ce point, le château Gruaud Larose entend faire évoluer son canon en l’équipant d’un silencieux, qui atténue le bruit, ainsi qu’en ajoutant les dernières technologies (images satellites et intelligence artificielle) à la détection par radar utilisée aujourd’hui.

 

Côté investissement, il faut compter « 45 000 euros par canon, livré et installé, auxquels il faut ajouter 20 000 euros si on le dote d’un silencieux et 2 500 euros par an pour les bouteilles d’acétylène et l’abonnement au service météo pour la détection des orages », détaille Laurent Héritier, responsable France de Spag, une société italienne qui construit des canons antigrêle.

Le Viti-tunnel protège mais subit des dommages

En expérimentation dans plusieurs vignobles, le système de protection par bâche amovible Viti-Tunnel, testé pour la lutte antifongique, a montré ses atouts en termes de protection contre la grêle. « L’année dernière, deux sites expérimentaux ont été touchés par la grêle, avec des diamètres de grêlon pouvant atteindre celui d’une balle de golf », relate Christophe Marange, de la société Mo. Del qui développe Viti-Tunnel.

 

 
Le Viti-Tunnel (à gauche) a protégé les feuillages et grappes lors d'un épisode de grêle au Château Dillon en juin dernier, avec des grêlons de la taille d'une balle de golf.
Le Viti-Tunnel (à gauche) a protégé les feuillages et grappes lors d'un épisode de grêle au Château Dillon en juin dernier, avec des grêlons de la taille d'une balle de golf. © S. Aveline
Si le système a en partie protégé les vignes couvertes, la bâche a parfois souffert, selon l’intensité de l’épisode de grêle et de la nature des bâches. En juin 2022, l’installation sur le Château Dillon, à Blanquefort, en Gironde, est celle qui a la plus souffert. « Les bâches sont gondolées au point d’impact, voire légèrement percées », résume Sébastien Valette, le directeur technique du château. « Si deux tiers des grappes ont été légèrement touchées sous le Viti-Tunnel, contre la totalité dans les autres rangs, la destruction de la récolte n’est que de 6 % à l’abri, contre 40 % pour le reste, enseigne Nicolas Aveline de l’IFV, qui suit les essais avec le Viti-Tunnel. À la vendange, le poids moyen de grappes par cep était deux fois plus élevé sous le Viti-Tunnel. »

 

L’ensemencement par iodure d’argent doit être collectif

Le système de lutte à l’iodure d’argent consiste à ensemencer des particules très fines d’iodure d’argent, en s’aidant des courants ascendants qui adviennent lors des épisodes orageux. Ces particules servent de noyaux durs nécessaires à la formation de petits cristaux de glace, la grêle, qui tombe au mieux fondue lors de sa chute, au pire sous forme de grêle fine. L’idée est de précipiter la formation de grêlons, qui auront une petite taille, afin d’éviter la formation, plus tardive, de grêlons de plus grosses dimensions. La réussite du système, orchestré par l’Anelfa (Association nationale d’études et de lutte contre les fléaux atmosphériques) et des réseaux départementaux, s’appuie sur un maillage de systèmes de chaufferettes disposées tous les 10 kilomètres. Celles-ci doivent être allumées trois heures avant l’épisode d’orage.

À la suite d’un message d’alerte émis par le spécialiste des orages Keraunos, un SMS est envoyé, une heure avant l’allumage, à toute une liste de bénévoles. En l’absence de réponse des premiers bénévoles sur la liste, un SMS est envoyé aux seconds sur la liste, voire au troisième si besoin. Viticulteur sur 75 hectares à Ségonzac en Charente-Maritime, Bernard Georgeon est coprésident de la section interdépartementale des Charentes de l’Anelfa. « C’est un système qui fonctionne, car il s’appuie sur un maillage pertinent et des bénévoles qui répondent à l’appel », estime-t-il. Pour étayer ses impressions sur l’efficacité, le viticulteur s’appuie sur son expérience. « Il n’est pas possible d’ensemencer en mer, rappelle-t-il. On constate régulièrement des dégâts plus importants en bordure de côte lorsque l’orage vient de la mer. Autre exemple, lorsque nous faisions appel à un autre spécialiste de la météorologie, il y a eu un épisode orageux qui n’a pas été détecté. Il en a résulté de gros dégâts sur les vignes. »

L’Anelfa confirme ces ressentis. « Lorsque nous avions accès aux données des assurances, les zones couvertes par notre solution affichaient 42 % de dégâts en moins que les autres zones, explique Claude Berthet, directrice de l’Anelfa. De plus, notre réseau de grêlimètres placés partout en France montre une réduction de l’intensité des grêles de 50 % dans les zones couvertes par l’iodure. » Côté tarif, compter 2 000 à 2 500 euros par dispositif loué par l’Anelfa, fournitures de matières premières et logistique comprises.

L’envoi de sels hygroscopiques évite la formation de glace

L’appellation condrieu fait l’expérience depuis cinq ans de la solution Sélérys, qui consiste à envoyer un système de torches qui vont diffuser, au cœur de la cellule orageuse, des sels hygroscopiques. « Ces sels vont favoriser la formation de gouttes d’eau et empêcher que cette humidité ne monte en altitude et ne se transforme en glace », décrypte Christophe Pichon, vigneron à Chavanay, dans la Loire. Lorsque le radar détecte une cellule orageuse, tout un réseau de « tireurs » est informé par SMS pour lancer une demi-heure plus tard les ballons d’hélium qui emmènent les torches de diffusion à 600 mètres d’altitude.

 

 
Les sels hygroscopiques favorisent les précipitations et empêchent l'humidité de monter en altitude lors d'épisodes orageux et de se transformer en glace.
Les sels hygroscopiques favorisent les précipitations et empêchent l'humidité de monter en altitude lors d'épisodes orageux et de se transformer en glace. © Selerys
« Tout le système est organisé pour les orages qui viennent de l’Ouest ou du Sud-Ouest, note le vigneron. Depuis sa mise en place, nous n’avons subi qu’une grêle, qui venait du Sud, ce qui arrive très rarement. C’est bien la preuve de son efficacité. » Pour financer cette solution, le coût est de 120 euros par hectare et par an. Précisons que cet outil n’influe pas sur la répartition des précipitations, mais juste sur leurs formes.

 

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