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Gel 2021: Les vignobles méridionaux trinquent

Les premières estimations de pertes de récolte dans les vignobles de la moitié sud de l’Hexagone se font connaître après un épisode de gel inédit cette semaine. Mises à part les Charentes qui sont pour le moment relativement épargnées, la situation est catastrophique.

 

Les dégâts de gel dans les vignes audoises sont visibles à l'oeil nu.
© Yann Kerveno

En Gironde, le volume de la récolte 2021 sévèrement impacté

La viticulture de la Gironde a été touchée par un gel dont l'ampleur n'avait pas été prévue sur les deux nuits du 6 et du 7 avril . Toutes les zones viticoles du département ont été touchées mais certaines plus que d'autres comme les Graves, le Sauternais et une grande partie de l'Entre deux mers ou encore la zone des Côtes. Même s'il est encore trop tôt pour chiffrer la totalité des dégâts, il ressort déjà que pour certaines parcelles l'impact est comparable à celui du gel de 2017 avec des conséquences sur la récolte 2021.« On reçoit des mauvaises nouvelles de toutes les zones du territoire des Graves, explique jeudi matin Mayeul l'Huillier, directeur de l'ODG des Graves. Même des parcelles normalement préservées et celles proches des habitations ont été touchées par cette gelée noire provoquée par un front nord-est. Par endroits, les températures sont descendues jusqu’à – 6°C, voire- 6,5 °C. A ce niveau de froid, les moyens de lutte que l'on peut avoir sont dérisoires. On a été totalement démunis par rapport à la violence de la nature. » Dans un communiqué publié le 8 avril, le Comité Interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) déclarait que « cet épisode de gel vient d’anéantir une partie significative du travail des vignerons et de la récolte dans une période déjà très éprouvante à la fois moralement et économiquement ». Et indiquait que « la meilleure réponse à donner pour soutenir la viticulture, c’est d’acheter du vin… "

Lire aussi " Ce que l’on sait des dégâts de gel dans les vignobles septentrionaux "

Un épisode d’une ampleur inédite dans le quart sud-est

Jacques Rousseau, responsable des services viticoles à l’Institut coopératif du vin (ICV) était lui aussi abasourdi après sa tournée dans la vallée de l’Hérault et les échanges avec ses collaborateurs de l’arc méditerranéen et de la vallée du Rhône. « Une telle ampleur dans la région c’est inédit, partout le même spectacle de désolation, raconte-t-il. Tous mes collègues ont vu la même chose, des symptômes graves à très graves, parfois à 100 %. Les dégâts sont hétérogènes mais généralisés. Seule la Corse a véritablement été épargnée. » Dans les plaines du Gard, de l’Hérault, du Vaucluse, de Provence, les dégâts vont généralement de 50 à 100 %. Des dégâts d’autant plus visibles que la végétation était avancée. Dans les côteaux, les impacts sont variables, certaines parcelles n’ont rien, là où d’autres ont vu leurs récoltes détruites. C’est ce que constate Cédric Laugé, vigneron au Mas des Capitelles. « J’ai énormément de chance, je n’ai quasiment rien perdu car la température jeudi matin est descendue seulement à 0,1°C. En revanche, j’ai des collègues quelques kilomètres plus bas, dans la plaine de Béziers qui savent déjà qu’ils ne récolteront rien cette année », déplore-t-il. Souvent le gel a frappé de façon très hétérogène, et sans grande logique de secteur gélif ou non. « L’effet cultural de l’enherbement ou du travail du sol était peu marqué », remarque également Jacques Rousseau.

Lire aussi " Gel : les élus de la vigne et du vin demandent « un plan de sauvetage » de la viticulture"

Au Comité interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL), on parle de 30 à 50 % de perte attendue sur la récolte, et parfois jusqu’à 90 %. Les IGP sont davantage touchées, et pourraient perdre deux tiers de la récolte. Selon l’interprofession, certaines zones ont été frappées cette année alors qu’elles n’avaient pas été touchées par le gel historique de 1956. Dans la vallée du Rhône, en zone septentrionale, certains auraient réussi à sauver une partie de la récolte grâce aux moyens de lutte, comme à Tain l’Hermitage, mais les viticulteurs non équipés ont payé le même tribut que dans les plaines. Si le cœur n’est plus forcément à l’ouvrage, le consultant de l’ICV encourage à poursuivre les efforts culturaux pour ne pas impacter les millésimes futurs.

Lire aussi notre dossier  " Investir en collectif contre le gel "

Situation catastrophique dans l’Aude

Fort et imprévu, ou presque. Ce sont les mots qui reviennent ce 9 avril. Alors oui le gel était bien prévu, mais pas dans ces proportions-là. « Il n’y a pas une commune où il y a de la vigne qui ait été épargnée » résume Pierre Ninville du syndicat des vignerons de l’Aude. Les températures ont été comprises entre -1°C et -8°C selon les endroits. La première carte de dégâts réalisée par la Chambre d’agriculture est couverte de rouge, couleur retenue pour signaler des dégâts à plus de 50 %. Seule une petite frange côtière sur le terroir de Fitou et Leucate, plus le piémont de la montagne noir, ont été plus légèrement touchés. Du côté de Limoux, les dégâts sont aussi importants, en particulier sur les cépages les plus précoces, chardonnay et chenin. L’ampleur des dégâts laisse craindre une année particulièrement difficile avec peu ou pas de vendange. Dans le département voisin des Pyrénées-Orientales, le gel s’est surtout concentré dans les bas-fonds, les bords de cours d’eau, mais n’a laissé aucune chance à la vigne. C’est sur le secteur de la vallée de l’Agly que les dégâts sont les plus impressionnants entre Maury et Perpignan. Ailleurs, les dégâts sont cantonnés à des zones plus restreintes, à l’exception du terroir de Banyuls où le thermomètre est resté positif au long de cette funeste nuit.

Lire aussi " Vignes, fruits, betteraves anéantis par le gel : des agriculteurs témoignent "

Dans les Charentes, le pire attendu pour la semaine prochaine

Comme ailleurs, le vignoble charentais a déjà vécu deux jours d’angoisse maximum. Mais selon Didier Bureau, vigneron à Saint-Sulpice-de-Cognac, membre du bureau de l’UGVC (Union générale des viticulteurs pour l’AOC cognac), ce n’est pas encore la catastrophe car « le vignoble était encore à 50% de débourrement ». Reste que certains secteurs sont touchés plus que d’autres. Les 93 tours antigel et les chaufferettes de la Cuma Viti Cognac, dont Didier Bureau est vice-président, se sont activées. Le vignoble est aussi équipé d’une cinquantaine de tours privées. Tout ce dispositif s’activera encore la semaine prochaine car le pire est attendu avec des gelées blanches annoncées pour mardi et mercredi matin prochain alors que la pluie prévue pour dimanche soir va installer de l’humidité dans les vignes.  Entre temps, la végétation aura encore avancé de 5 jours. Le vignoble a déjà connu des épisodes traumatisants en 2017 et 2019.

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