Fraude dans le vin : au royaume du buzz, les impulsifs sont rois
La filière viticole a été pointée du doigt par la majeure partie de la presse, pour cause de fraudes massives. Qu'en est-il réellement ? Nous faisons le point.
La filière viticole a été pointée du doigt par la majeure partie de la presse, pour cause de fraudes massives. Qu'en est-il réellement ? Nous faisons le point.

Début juillet, la polémique a enflé comme un ballon de baudruche. « Fraude massive dans le secteur viticole : la répression des fraudes lève le voile », a alerté Capital. « Fraudes dans le domaine du vin : erreurs sur les étiquettes, flou sur la traçabilité… Plus d’un tiers de « manquements » signalés », a de son côté titré Le Parisien. « Fraude dans le domaine du vin : plus de 30 % des producteurs ont des pratiques œnologiques déloyales », a renchéri France Inter. Mais derrière ces titres chocs, qu’en est-il ?
Ces articles font suite à la publication d’une enquête de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur des prélèvements et contrôles effectués en 2022 et 2023 auprès de 7 800 « établissements sur la traçabilité des vins, les pratiques œnologiques et la loyauté de l’information délivrée aux consommateurs », plante le communiqué de presse de la DGCCRF.
La majorité des établissements sont en conformité
L’une des premières phrases de la répression des fraudes insiste sur le fait que « lors de ces contrôles menés à la production et à la distribution, la majorité des établissements sont en conformité ». Une assertion peu propice à faire le buzz et donc laissée de côté par nos confrères généralistes. Par ailleurs, si ces journalistes avaient lu le communiqué jusqu’au bout, ils y auraient découvert que sur les 7 800 établissements contrôlés, seuls 1 600 étaient issus de la production (récoltants, caves coopératives, négociants et négociants vinificateurs, mais aussi fabricants de produits œnologiques, tonneliers, transporteurs) et surtout que le taux de manquements important « s’explique notamment par l’efficacité du ciblage pratiqué par les enquêteurs de la DGCCRF, et ne saurait refléter l’importance de la fraude sur le marché ». Une nuance primordiale, totalement absente des articles en question.
Beaucoup de défauts mineurs d'étiquetage
Dans le détail, les « manquements » sont aussi bien « des non-conformités mineures en matière d’étiquetage », « des défauts de traçabilité ou des présentations confusionnelles » que « des pratiques plus graves telles que la falsification des registres de production ». « Quand on regarde dans le détail, on se rend compte que la grande majorité des 'fraudes' sont des non-conformités d’étiquetage ! » a d’ailleurs réagi Jérôme Bauer, président de la Cnaoc. Et de poursuivre : « La filière a un pied à terre et l’État nous terrasse définitivement en nous traitant de fraudeurs, alors qu’on parle de défaut d’étiquetage ! Alors que cela fait cinq ans que la filière attend de la part de la DGCCRF un guide étiquetage, c’est tout de même un comble ! »
Mais au-delà du rapport, on retiendra surtout l’emballement médiatique qui a entouré sa sortie. Preuve de l’écart entre le monde viticole, qui fonctionne sur un temps long, et la société de consommation et de zapping actuelle. Aucun des médias susmentionnés n’a pris le temps de mettre les informations en perspective, de les analyser. Sus à la réflexion ! Vive la réaction et l’impulsion ! Bien triste époque.