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Détecter les maladies par drone

Plusieurs acteurs du monde viticole se sont lancés dans la détection de maladies des vignes par drone.

Carbon Bee, Chouette Vision, Scanopy, VineView, Vingineers… Plusieurs start-up se sont intéressées à l’utilisation du drone comme support d’acquisition pour la détection des maladies de la vigne. Pour nombre d’entre elles, les drones apportent une finesse suffisante dans la résolution des images afin de détecter certaines maladies, tout en permettant de capturer les informations de grandes surfaces sur une échelle de temps contenue. Selon ces acteurs du marché, les drones évoluent à des hauteurs de 4 à plus de 120 m au-dessus des vignes, pour une résolution dont le pixel équivaut à un carré de 1 mm à plus de 6 cm. Plus la hauteur est faible, plus la résolution sera fine, plus le temps de mesure sera important, plus il sera difficile d’avoir une bonne lumière sur toute la durée. Or, c’est la main-d’œuvre qui compte pour beaucoup dans le prix de la prestation.

Plusieurs types d’informations collectées

Le drone embarque à son bord un ou plusieurs capteurs. Ces derniers enregistrent les images correspondant au spectre du visible, mais également certaines plages de longueurs d’onde spécifiques dans le proche infrarouge (NIR, autour de 800 nm) et dans le Red Egde (autour de 735 nm). Ces informations permettent de calculer certains indices multispectraux, comme le NDVI, qui renseignent sur l’état végétatif de la culture, notamment la vigueur ou un stress. À partir de deux passages de mesure, il est possible de voir apparaître un stress. Le vigneron n’aura plus qu’à se rendre in situ sur les pieds concernés pour diagnostiquer si c’est un stress hydrique ou lié à des maladies.

Dans le service proposé par Chouette, le drone est acheté par le viticulteur, qui le pilote lui-même à une hauteur de 4 m au-dessus des vignes. Le viticulteur pourra dans un premier temps zoomer sur les images à haute résolution enregistrées et éventuellement établir un premier diagnostic depuis son bureau. Une trentaine de drones acquis par des vignerons indépendants ou des coopératives volent à des fréquences mensuelles ou à des rythmes plus répétés. " Nos clients sont encore dans une phase d’appropriation de l’outil, explique Charles Nespoulous, président cofondateur de Chouette. Certaines maladies à évolution lente sont facilement repérées par notre système d’analyse Gaïa. C’est le cas de l’esca, avec les tigrures caractéristiques sur les feuilles, et de la flavescence dorée (feuilles rouges). Nous pouvons également détecter le mildiou, pour peu que des feuilles atteintes soient visibles du dessus. Pour cette maladie, les clients restent encore très prudents et préfèrent continuer à travailler comme ils en ont l’habitude."

Collecter plus d’informations pour enrichir les connaissances

Ex-Avidordrone, VineView est proche de commercialiser une solution pour détecter les maladies du bois, comme l’esca et la flavescence dorée. Certaines longueurs d’onde sont caractéristiques de ces maladies et permettent d’en obtenir une signature spectrale. Jusqu’à maintenant, VineView travaillait avec des capteurs multispectraux, mais tend à se diriger vers un système hyperspectral enregistrant un nombre beaucoup plus élevé de bandes spectrales, pour gagner en fiabilité. La branche américaine de cette société commercialise déjà une solution pour la détection de la virose de l’enroulement.

Vingineers y est également parvenu. " Nous avons acquis de nombreuses données en France, en Roumanie et en Afrique du Sud, explique Alan Ames, son président. C’est dans ce dernier pays que nous avons mis au point un algorithme pour détecter cette virose sur cépages rouges et bientôt sur cépages blancs." Cet algorithme s’appuie sur une vue 3D de la plante pour visualiser le maximum de feuilles. Cette vue est permise par le grand champ de vision du capteur. Alan Ames entend compiler le maximum de données récoltées sur le terrain, car la signature spectrale des maladies dépend de leur stade d’évolution, du stade végétatif de la vigne, du terroir. "Plus on collecte de données, plus on pourra être précis", explique-t-il. Vingineers dispose d’une plateforme web participative, où toutes les données sont anonymisées. " Quand un viticulteur diagnostique une maladie sur le terrain, il en informe la plateforme en géolocalisant son observation, explique Alan Ames. Si l’algorithme observe une signature similaire à proximité, il pourra alerter le propriétaire concerné d’une suspicion de maladie, qu’il confirmera ou infirmera. Tout cela contribue à enrichir les connaissances et à améliorer l’outil."

Basée à Quincy dans le Cher, Scanopy est un acteur de projet collaboratif Vinodrone, impliquant notamment l’IFV et le CNRS. Étalé sur trois ans, le projet a débuté en 2018 et vise à suivre l’état sanitaire des vignobles en couplant imagerie par drone et analyses de terrain. " Nous travaillons à la détection de deux types de maladies, explique Charles Gallet, son dirigeant. Dans un premier temps, nous nous intéressons aux maladies de dépérissement de la vigne (flavescence dorée, esca, chlorose). Nous sommes d’ailleurs bien avancés sur l’esca, que nous devrions proposer en prestation l’année prochaine." Le NDVI permet également de localiser très facilement les ceps souffrant de chlorose. Scanopy s’appuie sur des photos aériennes — une bande de 20 m de large est enregistrée à chaque passage — pour recomposer des images 3D en stéréoscopie.

La détection des maladies fongiques (mildiou, oïdium) reste encore en phase de test. Charles Gallet relève plusieurs limites à l’usage du drone pour ce type de maladies. " Il y a la difficulté d’analyser les images lorsqu’il y a un côté à la lumière et l’autre à l’ombre. De plus, les premières feuilles touchées sont souvent enfouies dans l’épaisseur et donc non détectables par drone. Enfin, il reste un frein technologique, quant aux outils de pulvérisation capables de pulvériser rang par rang avec un minimum d’automatisation (modulation buse par buse). Avec les maladies de dépérissement, les actions restent simples. "

Du drone aux outils embarqués ou à l’avion

Pour Alan Ames, de VineView, d’autres supports de mesure peuvent se combiner au drone, notamment avec des capteurs embarqués sur des robots.

De son côté, Carbon Bee a abandonné l’usage du drone pour "embarquer les capteurs sur des outils qui correspondent davantage aux usages du quotidien du viticulteur, comme le tracteur ou le quad, explique Colin Chaballier, son directeur général. Le drone ne fonctionne pas toujours et il y a la question de la réglementation des vols. Les viticulteurs interviennent régulièrement dans les vignes avec les outils du quotidien. Nous travaillons au développement de capteurs hyperspectraux embarqués facilement transposables d’un outil à l’autre, et qui permettront d’avoir une vue beaucoup plus précise".

De même, VineView tend à s’éloigner du drone, privilégiant les avions, pour leur capacité à cartographier rapidement des grandes surfaces, tout en essayant de garder le même niveau de précision que le drone.

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