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Des vins garantis sans pesticides

Dans un contexte où l’usage de produits phytosanitaires fait figure de véritable enjeu sociétal, certains vignerons anticipent en ayant recours à des analyses de résidus. Retour sur cette démarche.

L’analyse des résidus de pesticides s’est largement démocratisée au sein du monde viti-vinicole. Et pour cause. Aujourd’hui, la question des traitements phytosanitaires s’invite dans le débat public. Le recours aux intrants chimiques inquiète de plus en plus de consommateurs. Et cette situation s’est encore aggravée depuis la diffusion de Cash Investigation. Face à ce constat, certains vignerons prennent les devants. Ils font analyser les résidus de pesticides dans leurs vins afin de garantir à leurs clients une qualité sanitaire parfaite. À l’heure actuelle, de plus en plus de laboratoires œnologiques proposent ce type de prestations. C’est notamment le cas de l’enseigne languedocienne Dubernet, qui s’est lancée sur ce créneau en 2010, suite à des requêtes de clients. Depuis, la demande ne cesse d’augmenter, avec une fourchette de 2 000 à 3 000 analyses par an. Roger Bertrand, vigneron au domaine de Longueroche, dans l’Aude, compte parmi les clients. « Nous ne nous interdisons rien mais nous employons des doses minimales et nous optons pour des produits qui laissent peu de résidus », assure-t-il. Pour le producteur audois, ces analyses sont avant tout le moyen de prouver ses efforts aux consommateurs. « Aujourd’hui, beaucoup de clients recherchent le label bio. Or, il faut savoir qu’aucun seuil n’est imposé en agriculture bio. Pour ma part, je sais que je peux garantir des vins sans résidus de pesticides et je le mentionne d’ailleurs, sur mes fiches techniques et dans le caveau », indique Roger Bertrand.

Un impact commercial mitigé

De son côté, Basile Saint-Germain, vigneron au domaine des Aurelles dans l’Hérault, fait analyser ses vins par le laboratoire Excell, depuis plus de dix ans. Au total, 140 molécules sont dosées dans chacune de ses cuvées. « C’est une garantie solide pour le consommateur. À sa place c’est celle que j’aimerais avoir. Mais malgré tout, cela demande beaucoup d’explications. Même si j’en parle à mes clients, il arrive qu’à la fin du compte certains continuent de me percevoir uniquement comme un non bio », déplore-t-il. Pour le vigneron, qui se passe d’intrants sans pour autant être certifié bio, ces analyses sont avant tout le moyen de vérifier toute absence de contamination extérieure. « Je sais quelles sont mes pratiques mais je ne sais pas ce que peuvent me laisser mes voisins », assure-t-il. En règle générale, les vignerons bios se sentent moins concernés par le problème et sont peu demandeurs, selon Étienne Carre, du laboratoire de Touraine. Mais certains d’entre eux se tournent vers le label Bio Cohérence. La marque, déposée par la Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique) impose des conditions de production drastiques, avec notamment l’interdiction de dépasser 5 mg/kg de résidus cumulés. « Il s’agit d’une démarche militante, qui va plus loin que le bio », observe André Chatenoud, vigneron au château de Bellevue, à Lussac Saint-Émilion. « Une analyse doit être réalisée par cuvée et par an, à la charge du producteur, explique Cécile Guyou, déléguée générale de la marque. La liste de résidus à doser peut varier d’une année sur l’autre et surtout, elle n’est pas connue à l’avance par les vignerons. » L’analyse, réalisée par le laboratoire Phytocontrol à Bordeaux, concerne en moyenne près de 200 molécules. « Aujourd’hui, le label n’est pas trop connu par les consommateurs. Personnellement, je n’ai pas vu de répercussion sur ma commercialisation », souligne André Chatenoud.

Un frein économique

Le gros point noir demeure le coût des analyses. Selon les laboratoires contactés, il faut compter entre 80 et 380 euros pour une analyse, en fonction du nombre de composés dosés. « Nous proposons plusieurs formules, c’est aux professionnels de choisir selon les molécules qui les intéressent. Pour les négociants par exemple, il est plus intéressant de cibler une analyse large », commente Stéphane Boutou, responsable technique au laboratoire Excell. Mais quel que soit le choix final, la démarche reste onéreuse. « Cela revient beaucoup plus cher que la certification bio, calcule Basile Saint-Germain. Au final, on paye à la bouteille ce que l’on paierait pour tout le domaine. » Pour le vigneron héraultais qui analyse toutes ses cuvées, cela peut représenter jusqu’à vingt centimes par bouteille. Pourtant, il a fait le choix de ne pas répercuter ce surplus sur ses prix de vente. « Cela rentre dans mes frais globaux, c’est une recherche avant tout pour moi-même », commente-t-il. Un avis que partage Roger Bertrand, pour qui « la santé du consommateur n’a pas de prix ». D’ailleurs, les deux producteurs voient déjà plus loin puisqu’ils ont choisi de faire doser les phtalates, dès 2016, moyennant quelques centaines d’euros supplémentaires.

Une différence d’approche entre laboratoires

Les méthodes analytiques peuvent varier selon les laboratoires œnologiques. S’il y a peu de différences au moment de l’extraction, les méthodes d’identification des molécules divergent. Les échantillons peuvent être analysés par spectrométrie de masse et par chromatographie, gazeuse ou liquide. Or, le nombre de composés détectables est justement lié à la méthode employée. En fonction des laboratoires et du matériel disponible, cela peut varier de quelques dizaines à plus de 250 molécules. « Sur vin fini, les composés que l’on retrouve en majorité sont les fongicides, et notamment les antibotrytis », observe Vincent Bouazza, des laboratoires Dubernet. Selon cette société, les principaux pesticides identifiés sont le boscalid, le pyriméthanil, le fenhexamid, l’iprodione et l’iprovalicarbe. En ce qui concerne les seuils de résidus, la question fait débat au sein de la profession. Actuellement, il n’existe aucune LMR (limite maximale de résidus) pour le vin et la plupart des experts se réfèrent aux LMR autorisées sur raisin. Cependant, le laboratoire Excell a décidé d’aller plus loin en imposant ses propres seuils, pouvant être jusqu’à 1 000 fois inférieurs aux LMR fixées sur raisin. Cette approche est loin de faire l’unanimité au sein de la filière, certains allants jusqu’à dénoncer l’emploi de seuils n’ayant aucune valeur juridique.

Avis d’expert

« Il y a aussi une question de marketing »

« Lorsque l’on vend à l’export, il vaut mieux faire analyser les résidus de pesticides en amont, afin d’éviter tout problème. En revanche, en France, il n’y a aucune obligation. Néanmoins, la qualité de l’environnement et du produit final font de plus en plus partie des préoccupations. Cette problématique est assez nouvelle mais aujourd’hui, on est en plein dedans. Dans un tel contexte, l’analyse de résidus présente forcément un intérêt commercial pour les vignerons. Même si beaucoup de viticulteurs sont dans une démarche de réduction des intrants, en ce qui concerne l’analyse, je pense qu’il y a aussi une question de marketing. »

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