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Système de culture
Conjuguer bio et raisonné sur la même exploitation

Viticulture raisonnée ou viticulture bio ? Entre les deux, Daniel Bideau a choisi de ne pas choisir : il mène les deux systèmes de front sur son exploitation.

Daniel Bideau, viticulteur, produit des muscadets version bio et version raisonnée.
Daniel Bideau, viticulteur, produit des muscadets version bio et version raisonnée.
© M. Ivaldi

Qui a dit que l’on était bio ou raisonné, mais pas les deux à la fois ? La cohabitation de ces deux systèmes de culture sur une exploitation est plutôt rare, car souvent le reflet d’un engagement pour l’un ou l’autre des systèmes. Daniel Bideau, lui, a choisi les deux. À la tête, avec son épouse Marie-Béatrice Giraud, du domaine Bid’gi (35 hectares dans le muscadet), il a converti en bio, il y a quatre ans, cinq hectares de son exploitation labellisée Terra Vitis depuis les années 2000. Au même moment, il a acheté trois hectares exploités en bio depuis plus de dix ans.


Inspiration bio, pragmatisme raisonné


“ Il y a des choses intéressantes à prendre dans tous les systèmes et même dans ce que propose la biodynamie ”, ajoute Daniel Bideau dont la curiosité pour l’environnement s’est manifestée très tôt, au début des années 1990. “ Au village, mon père était le seul à pratiquer le désherbage mécanique ”, se souvient le viticulteur. Cette tradition familiale le pousse à aller s’intéresser à des systèmes de culture plus respectueux de l’environnement. “ J’ai suivi de nombreuses formations sur la viticulture bio et même biodynamique. ” Et ces systèmes sont sa source d’inspiration. Il participe ainsi à la création et l’écriture du cahier des charges de Terra Vitis. Il s’agit de “ protéger le sol, la vigne, le raisin, le client et nous-même ”, résume-t-il. La conversion bio vient tardivement : “ il s’agissait surtout de répondre à une demande du marché ”. Avec un peu de recul, raisonnée et bio cohabitent plutôt bien, constate le vigneron, même lorsqu’il s’agit d’organiser les travaux d’entretien des sols et la protection phytosanitaire. Ce choix de double conduite a néanmoins été minutieusement réfléchi, à l’instar de parcelles converties en bio, situées sur des ortho-gneiss, des terrains qui ressuient bien et où l’herbe pousse plus difficilement. Ce climat plus sec rend l’îlot moins sensible aux maladies et limite dans une certaine mesure le travail du sol. “ Reste que ce sol siliceux et caillouteux use beaucoup les outils ”, nuance-t-il.

 

Entretien du sol, le bio doit faire ses preuves


Le vigneron, qui s’intéresse de très près aux sols, reste relativement circonspect sur l’impact de la conduite bio sur leur qualité. “ Les labours peuvent produire des tassements qui provoquent des dégâts. Il faut alors oxygéner le sol. Par ailleurs, les labours à répétition stressent la vigne ”, précise-t-il. En référentiel Terra Vitis, toutes les méthodes d’entretien étant autorisées, il est plus facile d’adapter les pratiques aux contraintes pédologiques et climatiques. Daniel Bideau trouve de quoi protéger au mieux son sol tout en limitant la concurrence de l’enherbement. Il a ainsi formé quatre îlots suivant les terroirs (ortho-gneiss, mica schiste, amphibolite, argile sur serpentinite ou ortho-gneiss). Chacun d’eux reçoit un entretien adapté.
En matière de protection phyto, question efficacité, les différences ne sont pas flagrantes. “ Cette année, j’ai utilisé 3,8 kg/ha de cuivre en onze passages sur les parcelles bio. Sur ces onze passages, neuf ont été réalisés en association avec du soufre (entre 2 et 4,5 kg/ha). Nous commençons à des doses très faibles de 180 grammes ”, précise Daniel Bideau qui estime que onze passages “ c’est beaucoup ”. Pour la protection raisonnée, il a réalisé huit passages en traitement mildiou en privilégiant les produits de contact et en terminant avec deux passages de bouillie bordelaise. Un seul passage a été réalisé avec un pénétrant car les risques de pluie étaient importants au moment du traitement. “ Cela ne sert à rien d’appliquer un produit de contact pour le retrouver par terre ensuite. ” Seulement quatre passages de soufre (en association avec les traitements mildiou) ont permis de maîtriser l’oïdium : “ notre melon de bourgogne est un cépage qui y est peu sensible ”, souligne-t-il.
À la vendange, côté rendement, les écarts sont très variables : de l’ordre de 5 à 6 hl/ha les belles années, les différences peuvent atteindre 11 hectolitres par hectare les années compliquées. Les différences se voient plutôt sur les maturités. “ Les parcelles en bio ont tendance à bloquer un peu sur les maturités ”, reconnaît-il.


Des investissements importants


La conduite des deux pratiques nécessite de disposer d’un parc matériel important. Le domaine Bid’gi dispose ainsi de quatre tracteurs enjambeurs : un tracteur a été acheté au moment de la conversion en bio ainsi qu’un outil de décavaillonnage. “ Le travail du sol nécessite d’intervenir au bon moment, avec souvent des fenêtres d’intervention très courtes au printemps. Le décavaillonnage prend deux semaines sur les parcelles bios. Si dans ces deux semaines, j’ai besoin de réaliser un griffage ou une tonte, il me faut pouvoir le faire ”, explique Daniel Bideau. Par ailleurs, la conduite de l’exploitation occupe cinq temps pleins. “ Je pourrais facilement faire l’économie d’un temps plein si toute l’exploitation était en viticulture raisonnée ”, reconnaît Daniel Bideau. Le coût de production moyen est de 5 300 euros par hectare. Daniel Bideau n’a pas comparé les coûts bio versus raisonnés mais il en est certain : “ les charges en bio sont supérieures au raisonné ”.
Alors lequel préfère-t-il ? Entre les deux son cœur balance, mais il a du mal à cacher un petit penchant pour la viticulture raisonnée. L’année prochaine il devra se déterminer : soit passer toute son exploitation en viticulture bio, soit créer deux entités juridiques pour pouvoir continuer à exploiter selon les deux modes de conduite. Il n’a pas encore pris sa décision.



" Une traçabilité à la pointe "

Grâce au référentiel Terra Vitis, la traçabilité des vins est parfaite sur mon exploitation, de la parcelle jusqu’à la bouteille. Ainsi à chaque mise correspond un numéro de lot qui permet de retracer le suivi des fermentations et les opérations de traitements de protection du vignoble réalisés. J’ai mis en place le même système de suivi en bio, même si le cahier des charges ne m’y oblige pas. Cela permet notamment d’être transparent au chai.

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