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Concilier qualité et environnement

L’outil Qualenvic permet d’évaluer conjointement l’impact d’un itinéraire technique sur la qualité et l’environnement. La méthode est en cours de simplification par les scientifiques, et pourrait apparaître bientôt au vignoble.

Trouver le meilleur compromis entre la qualité du raisin et le respect de l’environnement, c’est ce que nous promet le programme Quanlenvic. Depuis 2013, des chercheurs de l’École supérieure d’agriculture (ESA) d’Angers, de l’Inra, des techniciens de chambres d’agriculture et de lycées viticoles collaborent dans le cadre d’un projet Casdar pour répondre à cette double problématique. Il en résulte une méthodologie d’évaluation croisée des pratiques viticoles. « L’approche est assez inédite. Jusqu’ici on avait cherché à savoir quelles sont les répercussions des actions environnementales sur la rentabilité, mais jamais sur la qualité, commente Christel Renaud-Gentié, enseignant-chercheur en viticulture à l’ESA d’Angers. L’objectif de l’étude Qualenvic est de définir des méthodes pour évaluer et schématiser les pratiques de production en fonction des critères qualitatif et environnemental, puis de les mettre en parallèle. » Avec à la clé un outil manipulable par les techniciens, et proposant aux vignerons des itinéraires pour maintenir leur qualité tout en diminuant leur impact sur l’environnement.

Pour arriver à ce diagnostic, les scientifiques ont sélectionné et suivi quatre lots de cinq parcelles. Trois cépages du Val de Loire, à savoir le melon de Bourgogne, le cabernet franc et le chenin, ainsi qu’un alsacien, le riesling, ont été étudiés. Avec, pour chaque lot, cinq itinéraires techniques distincts, allant du biologique au conventionnel. De même, les stratégies de fertilisation, d’entretien du sol, de traitement phytosanitaire, de palissage et de matériel étaient diverses. « Dans un premier temps nous avons utilisé la méthode de l’analyse du cycle de vie, l’ACV, afin de caractériser chaque action », détaille Christel Renaud-Gentié. Leurs répercussions, classées en quatorze catégories pondérées par un expert en environnement, ont été agrégées pour donner une note finale sur dix. D’un autre côté, les scientifiques ont défini les critères de qualité, en fonction du produit souhaité. Comme pour l’impact environnemental, plusieurs résultats d’analyse de baies tels que le taux de sucre, la qualité sanitaire ou encore l’indice de polyphénols totaux pour les rouges, ont été pondérés puis agrégés pour donner une note unique de qualité. « En croisant les deux notes, cela crée une matrice d’éco-efficience qui permet de visualiser comment les itinéraires techniques étudiés se situent les uns par rapport aux autres », conclut la chercheuse.

Combiner performances environnementales et qualité du raisin, c’est possible

Lors de l’expérimentation, un cas de figure s’est révélé, sur le millésime 2011, avoir un très bon ratio qualité/environnement. Il s’agissait d’une exploitation conduite en agriculture biologique, avec enherbement semé permanent, travail de l’intercep, fertilisation organique et minérale, piquets en bois et utilisation d’un tracteur vigneron. « On ne peut toutefois pas porter de conclusion trop rapidement, tempère Christel Renaud-Gentié. La même parcelle sur le millésime 2013 a été beaucoup moins bien notée, que ce soit en qualité ou en environnement. » S’il ne se profile pas encore un itinéraire idéal, les scientifiques observent quelques tendances. Par exemple, le poids du palissage sur l’impact environnemental. Alors qu’il n’y a pas d’impact sur la qualité entre un piquet en bois et un en métal, le bilan d’ACV est bien plus négatif dans le deuxième cas. « D’où l’importance de bien raisonner son palissage, et de diminuer autant que faire se peut l’emploi du fer et du zinc », conseille la scientifique. De même, le travail du sol qui entraîne une forte hausse des gaz à effet de serre, pose question.

Car le point fort de l’outil est de pouvoir remonter l’arbre de notation et identifier là où le bât blesse. « L’idée n’est pas de stigmatiser mais de regarder où sont les marges de progrès », assure l’enseignante. Des pistes de travail concrètes ont d’ailleurs été proposées à certains viticulteurs du projet, telles que la diminution du désherbage mécanique, ou encore l’échange d’un tracteur pour un quad. Pour Alain Treton, responsable du pôle viticulture à la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique, l’outil amène une valorisation évidente pour ses services. « Grâce à Qualenvic nous serons mieux en mesure d’approfondir la thématique environnementale. Je trouve intéressant par exemple de pouvoir évaluer les nouvelles pratiques, dans le cadre Ecophyto, grâce à cette méthode. Car jusqu’à présent nous ne regardons que la pertinence technique et l’efficacité économique. » Il faudra toutefois attendre encore un peu avant que les techniciens puissent s’approprier pleinement l’outil. « La méthode actuelle est beaucoup trop lourde, et n’est pas transmissible telle quelle. Mais nous travaillons à la simplification » affirme Christel Renaud-Gentié. À terme, elle espère développer la notion d'« écoqualiconception », afin que les viticulteurs puissent, tout en visant le maintien de la qualité, diminuer leurs impacts sur l’environnement. Il est néanmoins dommage que la notion de qualité ne repose que sur des critères analytiques du raisin, et que le vin fini ne soit pas pris en compte dans la réflexion… L’ajout d’un critère économique, prenant en compte les coûts de production, est en projet pour compléter la méthode.

voir plus loin

Pour les vignerons intéressés par la démarche, l’École supérieure d’agriculture d’Angers et la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire organisent une conférence le 17 janvier, lors du prochain Sival à Angers.

témoignage

" Déceler les points faibles et s’améliorer de façon continue "

" Je suis sur une exploitation en Terra Vitis, et cette relation entre qualité et environnement est un axe de travail qui nous manque dans la certification. La démarche Qualenvic permet d’entrer dans une logique de progrès. J’imagine également utiliser l’outil pour calculer des compensations de CO2 pour équilibrer le bilan carbone, et pouvoir communiquer auprès du grand public. J’espère également qu’il motivera les producteurs à se lancer dans une démarche environnementale, car l’argument de craindre une baisse de qualité ne tiendra plus ! Il faut toutefois espérer que l’administration n’ait pas la mauvaise idée d’utiliser ce système de notation pour classer les « bons » et les « mauvais » viticulteurs, pour verser des aides par exemple. "

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