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Bilan d’une saison de désherbage électrique en vigne

Sylvain Philip, vigneron gardois, a investi en février dans l’un des tout premiers matériels de désherbage électrique intercep de Zasso. Nous l’avons suivi tout au long de la saison.

Comme beaucoup de viticulteurs, Sylvain Philip, vigneron au domaine de Rochemond à Sabran, dans le Gard, s’est trouvé ces dernières années dans une impasse technique. D’un côté des érigerons devenus entièrement résistants au glyphosate, au point d’être envahi et d’avoir des problèmes jusqu’à la cave. « Et d’un autre côté, 130 hectares à travailler, c’est-à-dire un nombre d’heures d’intercep simplement impossible à gérer », relève-t-il.

À l’automne 2020, Sylvain Philip a demandé à la société Zasso, via son concessionnaire Michel Équipement, de venir faire une démonstration de son outil de désherbage électrique. Trois semaines après, pour lui le résultat était net. Malgré une forte végétation sur les essais, le cavaillon était nettoyé. « J’étais impressionné », avoue-t-il. Un premier test concluant qui déclenche l’achat. « À 120 000 euros la machine, ça fait un investissement important, mais un désherbage avec trois passages par an coûte vite 200 €/ha. Si ça marche, en cinq ans je l’ai rentabilisée », calcule le vigneron. Équipé dès la fin de l’hiver, il a commencé directement sur 80 % de son vignoble, pour faire propre avant la campagne. Seules les vieilles vignes, les gobelets et les plantiers n’ont pas vu la machine.

En été les coups d’arc ont créé des départs de feu

Dès les premières heures après le passage, on commence à voir les plantes touchées par les électrodes dépérir. Puis elles se dessèchent lentement pour laisser place nette trois semaines plus tard. Sylvain Philip a attaqué un deuxième passage en avril/mai pour toucher les semis de l’année. « Car ça fait le même effet que si l’on utilisait un glyphosate seul, sans prélevée », dit-il. Le vigneron n’a pu faire cette fois-ci que 40 % de son vignoble.

Quelques casses et problèmes techniques ont immobilisé la machine à plusieurs reprises. « Et comme les pièces ne sont pas encore en série et que l’entreprise est en Allemagne, on a vite fait de perdre une semaine », regrette Sylvain Philip. Fin mai, alors que les herbes commençaient à sécher, le vigneron a dû arrêter d’utiliser la machine de Zasso, constatant des petits départs de feu à cause des arcs électriques. « Sur la plupart des parcelles où l’on est passé deux fois, c’était globalement propre, analyse-t-il. Il aurait fallu un glyphosate à 1 % ou un coup de lames intercep pour être nickel. Mais dans les autres, ou sur les terres fertiles, il a fallu repasser courant juin. J’ai donc fait un Guerrier pour épamprer et nettoyer le cavaillon en même temps. »

L’effet est satisfaisant sur laiterons, chiendents et érigérons, moins sur ivraies

Le vigneron a de plus remarqué une très nette différence d’efficacité entre les parcelles désherbées au petit matin et celles qui ont été faites l’après-midi. Il trouve que la machine marche beaucoup mieux lorsque les conditions sont légèrement humides. « Peut-être faudrait-il passer la nuit, avance-t-il. Mais on travaille déjà beaucoup de nuit. » L’an prochain, il essaiera de réaliser un désherbage électrique en fin d’hiver suivi d’un antigerminatif.

Le vigneron a constaté également des adventices sur lesquelles le désherbage électrique fonctionne mieux que d’autres. Cela donne de très bons résultats sur les laiterons, par exemple, qui noircissent très rapidement. De même, l’électricité fonctionne très bien sur la morelle, le chiendent et même l’érigéron, son principal problème. « Là où je suis passé il en reste très peu, assure-t-il. Cela a résolu mon problème d’impasse technique, pour ça je suis content. »

Lors d’une démonstration en Val de Loire, nous avons également pu observer de bons résultats sur le liseron. En revanche, le vigneron estime que le désherbage électrique fonctionne moins sur la prêle et sur l’amarante. « Et pas du tout sur le margal [Ndlr : ivraie raide], poursuit-il. Ça ne lui fait rien ! » Nous avons pu constater, en venant régulièrement dans les parcelles, que les adventices touchées par les électrodes mourraient jusqu’à la racine, si la surface de contact avait été suffisante. Toutefois il reste régulièrement des colliers d’herbe autour du cep ou bien entre les ceps et les piquets, quand la distance est trop faible pour laisser le temps à l’outil intercep de revenir. « J’ai suggéré des bandelettes d’électrodes plus fines », rapporte Sylvain Philip. L’entreprise, de son côté, estime que c’est surtout une histoire de réglage et que cela sera vite corrigé.

Des améliorations et des essais pour augmenter l’efficacité en 2022

À côté de cela, le vigneron a trouvé la prise en main plutôt facile. Il fait tourner la machine de Zasso sur un New Holland T4 de 90 ch en régime de prise de force 540 tr/min, à 1 500 tr/min et roule entre 3 et 4 km/h selon l’herbe. Il consomme légèrement plus qu’avec un pulvé. La génératrice de 1,2 tonne est montée sur un cadre Clemens avec écartement hydraulique.

En définitive, Sylvain Philip tire un bilan plutôt contrasté de sa saison d’utilisation. « J’étais très content au premier passage, mais une fois que les conditions deviennent plus sèches c’était moins réussi, conclut-il. Je me suis rendu compte aussi qu’il y avait encore des choses à régler et que le service après-vente était également à peaufiner. C’est normal, c’est une technologie nouvelle. En attendant cela fait cinq ans que j’essaie de lutter contre les érigérons et j’ai enfin trouvé quelque chose, ça reste à mon avis une solution d’avenir. »

Fin septembre, l’entreprise lui a présenté quelques améliorations pour la prochaine campagne. La pièce du palpeur, en fibre de verre, sera renforcée avec de l’acier pour limiter le risque de casse. Et la machine intégrera un nouveau logiciel, qui devrait pouvoir contrer les coups d’arc. Le vigneron essaiera également l’an prochain d’installer une petite cuve d’eau en amont pour humidifier le sol à hauteur de 50 l/ha environ, afin d’améliorer la conduction dans les plantes. Faute de quoi il devra probablement trouver une alternative pour les mois de juin à août.

« J’étais très content au premier passage. Quand les conditions s’assèchent c’est plus difficile »

repères

Domaine de Rochemond

Superficie 130 hectares

Appellations côtes-du-rhône, IGP oc et gard, vin de France

Commercialisation grande distribution (70 %), CHR et vente directe

Avis d’expert : Christophe Gaviglio, ingénieur mécanisation du vignoble à l’IFV

C’est une solution crédible, mais pas miraculeuse

Nous réalisons différents tests sur cette machine à l’IFV. L’efficacité est plutôt bonne, et elle est d’autant meilleure que la densité d’adventices est faible et que la vitesse de travail est lente. Plus les herbes sont hautes et plus il est difficile d’avoir un effet racinaire. Mais toutes les plantes n’ont pas la même faculté à conduire l’électricité. C’est une solution crédible, mais pas miracle. On peut avoir des échecs dans certaines situations. Depuis 2021 nous évaluons l’impact sur les organismes du sol, vers et microorganismes, pour trois ans. À première vue cela peut perturber quelques vers de terre, qui ressortent, mais tout comme le travail du sol est perturbant pour eux. Il faut voir au final l’intensité par rapport aux autres pratiques. Des études en grandes cultures ont montré un potentiel effet sur les populations, mais sur du désherbage en plein. En vigne la situation est différente.

 

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