Profilage : quatre techniques pour des vins gourmands
Différentes pratiques permettent de donner un coup d’éclat à un vin « sans vice ni vertu ». C’est ce qu’un laboratoire œnologique bordelais nomme le profilage. Explications.
Différentes pratiques permettent de donner un coup d’éclat à un vin « sans vice ni vertu ». C’est ce qu’un laboratoire œnologique bordelais nomme le profilage. Explications.

« Le profilage, c’est quand on a un vin qui est bien, mais un peu simple, et que l’on souhaite l'améliorer, le pimper », introduit Marilyne Bouix, œnologue consultante à l’Enosens de Grézillac, en Gironde. Il ne s’agit en aucun cas de gommer des défauts, mais d’apporter un supplément d’âme à un vin bien fait, mais un peu plat. Avec ses collègues, elle a établi que quatre principaux leviers permettaient de booster un vin.
Les deux premiers ont trait à l’équilibre acide du vin, et visent à accentuer ou au contraire à diminuer l’acidité. Dans le premier cas, il s’agit d’avoir recours à la technique de l’acidification. « C’est une bonne option pour un vin un peu mou, qui manque de fraîcheur, de croquant, poursuit Marilyne Bouix. Et ce, qu’il soit blanc, rouge ou rosé. » Selon l’effet escompté, on optera pour un ajout d’acide tartrique, malique ou lactique, ce dernier étant plus élégant mais plus cher. Mais attention, ces acides sont considérés comme étant des régulateurs d’acidité, et à ce titre ce sont des additifs devant figurer sur l’étiquette. Dans cette optique, l’acidification biologique via des Lachancea thermotolerans peut être une alternative intéressante. Les traitements électromembranaires sont une autre option, mais plus onéreuse.
Opération inverse, la désacidification via un ajout de bicarbonate de potassium peut aussi améliorer un vin. Cette pratique convient bien à des rouges aux tanins durs et astringents, mais aussi à des rosés, voire des blancs, très acides. « Cela apporte tout de suite de la gourmandise, encourage l’œnologue consultante. Les tanins deviennent souples et élégants. » La désacidification peut également être obtenue par un ajout de tartrate neutre de potassium, de carbonate de calcium ou de bactéries lactiques. Tous ces produits sont classés dans la catégorie des auxiliaires technologiques et n'ont pas à être mentionnés sur l'étiquette.
On peut les employer comme des épices, cela apporte une troisième dimension
La seconde catégorie d’outils regroupe les tanins et les mannoprotéines ; des produits qui jouent sur le volume et la longueur en bouche. En effet, si l’on connaît bien l’impact des tanins sur la stabilisation de la couleur, l’élimination des goûts de réduit, la protection contre l’oxydation ou encore l’inhibition de l’activité laccase, ils ont bien d’autres atouts dans leur manche. Leur ajout, à de microdoses en élevage ou juste avant la mise en bouteilles, peut apporter de la structure en bouche, de l’ampleur et des tanins plus soyeux. « Il existe beaucoup de sortes de tanins : de merisier, thé vert, eucalyptus, etc., cite Marilyne Bouix. On peut les employer comme des épices, cela apporte une troisième dimension. »
Certains gomment le creux de bouche, d’autres harmonisent l’ensemble du vin, d’autres encore permettent de le rajeunir. Daniel Granès, directeur scientifique à l’ICV, préconise les tanins dans le cas de vins avec une faiblesse structurelle. « Il faut faire des essais et déguster, conseille-t-il. Mais la rémanence au moment de la consommation est difficile à piloter. Je recommande de conserver des bouteilles témoins traitées et non traitées à redéguster six ou douze mois après mise, afin de voir l'évolution du produit. » Il prévient que les tanins ne doivent pas apporter de contenu aromatique. Un avis partagé par Sophie Rivel.
Une action antioxydante, qui restaure le fruité
Cette responsable commerciale Sud-Ouest pour l’IOC dispose de tanins dans sa gamme, ayant de nombreuses origines botaniques, que ce soit du thé vert, du merisier, du châtaignier, des noix de galle, du chêne, du raisin ou du tara. Mais selon elles, leur ajout « ne modifie pas les ressentis du vin. Par contre, certains peuvent avoir une action antioxydante, qui restaurera le fruité, notamment en ôtant les notes d’évolution », analyse-t-elle. Elle insiste sur l’impact subtil de ces produits employés en finition. « Il faut considérer ça comme une corde supplémentaire à son arc de vinificateur », incite-t-elle. Les tanins sont notamment plébiscités pour leur côté sucrant, longueur et fraîcheur en bouche. « On peut vite déguster le résultat et la dose a un effet majeur », poursuit-elle. En outre, ces produits peuvent être disponibles à partir de 20 ou 30 centimes par hectolitre pour les premières doses, un coût supportable pour les entreprises.
De leur côté, les dérivés de levures contenant des mannoprotéines confèrent gras et rondeur à une cuvée, à l’instar de ce qu’apporterait un élevage sur lies. « Un peu de gras assouplit les tanins et rend le vin plus simple d’abord pour le consommateur », insiste l’œnologue bordelaise. Daniel Granès nuance son propos : « ce sont des produits de finition et d’enrobage, qui adoucissent les tanins, à l'instar des gommes arabiques, complète-t-il. Ce sont de grosses molécules à libération rapide, qui réagissent avec les mannoprotéines du vin. Il est difficile de savoir comment va évoluer la matrice. J'encourage donc les vignerons à faire des tests à différentes doses et à déguster les essais deux jours plus tard. Les mannoprotéines fonctionnent bien notamment sur une vendange avec un manque de maturité, mais coûtent cher et devront peut-être figurer sur l’étiquette. » Et de fait. Pour l’heure, les tanins, considérés comme étant des conservateurs, n'ont pas à apparaître sur l’étiquette. Mais ce n’est pas le cas des mannoprotéines et de la gomme arabique, qui eux, entrent dans la catégorie « stabilisants » des additifs et doivent à ce titre être indiqués sur les bouteilles.
Ne pas oublier les pratiques éprouvées
Hormis le recours à ces produits, certaines pratiques bien éprouvées s’avèrent très efficaces pour booster un vin, à l’instar de la thermovinification, de la macération semi-carbonique, de la macération préfermentaire à froid avec bioprotection, ou encore de la macération préfermentaire à chaud avec brassage au gaz et enzymage. Le travail sur les presses de rosé que l’on peut acidifier avec des Lachancea et ensuite réintégrer au vin rouge est une autre piste que creuse Daniel Granès dans des caves du Sud-Est, afin d’apporter fruité, rondeur et fraîcheur à des vins un peu lourds et de valoriser ces presses.
Ce sont autant de pratiques et produits intéressants dans le contexte commercial et financier actuel. Pour faire son choix, le laboratoire Enosens organise des ateliers de profilage. Mais il est évidemment possible de faire des essais chez soi, tant pour identifier le bon outil que pour trouver la juste dose afin de sublimer son vin. À vos éprouvettes !
Le profilage permet de transformer un vin sans défaut en un vin gouleyant
Taninnov, un projet pour éliminer l’astringence des tanins

En collaboration avec l’Inrae et Supagro Montpellier, l’IOC a conduit un projet de recherche sur les tanins nommé Taninnov. Ce dernier avait pour but de caractériser et d’identifier les fractions des tanins en action dans le vin et les effets intéressants de ces produits en œnologie. Le but était ensuite de trouver des tanins d’intérêt en veillant à éliminer tout apport d’astringence et d'amertume. « Cela nous a conduits à lancer la gamme Novitan, où certains tanins ont une action antioxydante, d’autres un effet sucrant ou volume en bouche, mais sans jamais conférer d’astringence au vin », rapporte Sophie Rivel. La gamme Novitan comprend notamment l'Essential AntiOxidant.
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