Aller au contenu principal

Diversification viticole : « L'olivier est très simple à cultiver »

Le Château Thieuley, en Gironde, a planté des oliviers à la fin des années 2000. Marie Courselle, la cogérante, nous livre les enseignements concrets qu’elle en a tiré.

<em class="placeholder">La viticultrice Marie Courselle devant des oliviers.</em>
Marie Courselle compte étendre sa plantation d'oliviers afin de disposer de 2 hectares plantés.
© C. de Nadaillac

On se croirait en Provence. Sur cette commune de Saint-Genès-de-Lombaud, des oliviers se découpent sur fond de vignes et de vieilles pierres. Le charme du Sud, sous un grand ciel bleu, est au rendez-vous. Pourtant, nous ne nous trouvons pas dans le Var ou les Bouches-du-Rhône, mais bel et bien en Gironde. La famille Courselle, qui détient cette parcelle du Château Thieuley, y a implanté des oliviers en 2009. Une diversification un peu originale à l’époque. « Nous avions voulu tester cette culture, car nous aimons la plante, se remémore Marie Courselle, cogérante avec sa sœur Sylvie, du Château. Nous trouvions que c’était beau dans un paysage. »

À l’époque, c’est leur père qui s’est occupé de la plantation. « Mais il n’a rien noté, n’a pas fait de plan. Nous ne savons pas ce qui est planté ni où », regrette Marie Courselle. Car le résultat est au rendez-vous. Avec pratiquement aucun soin, ni irrigation, ni amendement, les arbres poussent sans souci. Ils sont à présent bien développés et produisent dans les 300 à 500 kg d’olives par an, pour 0,27 hectare. Si au départ la famille donnait cette récolte à un jeune qui les pressait en Charente et les vendait au profit d’une association, ce n’est plus le cas depuis trois ans. « Nous sommes arrivés à un bon rendement et des moulins se sont installés dans la région, indique la vigneronne. Je me suis donc dit que ça pouvait être intéressant de valoriser ce produit. »

Une bouteille valorisée 20 euros les 50 cl au domaine

Elle presse dorénavant ses olives, qu’elle transporte en camion dans des cagettes destinées à la récolte des crémants, à 50 km de là, dans un moulin sis sur la commune d’Aillas. Cela lui coûte environ 120 euros les 250 kg. Elle en tire en moyenne 60 litres d’huile qu’elle conditionne en bouteilles de 0,5 et 0,25 litre et vend au caveau. « Nous en faisons notamment des coffrets », poursuit-elle. La bouteille de 50 cl vaut 20 euros. Elle assure que le produit plait énormément, certains clients n’achetant que de l'huile. Tant et si bien que la famille se prépare à lancer une gamme de sept vinaigres, pour marier les deux productions et pénétrer certains marchés comme des épiceries fines et surtout l’export. « À l’étranger, le vinaigre est perçu comme étant un produit noble, justifie-t-elle. C’est notamment le cas au Japon et aux États-Unis. » Et il s’agit d’un produit beaucoup mieux valorisé financièrement que le vin.

Malgré ce bon prix de vente, Marie Courselle estime que la diversification n’est pas très rentable. Car certains investissements ont été nécessaires, à l’image du matériel de récolte : secoueur (environ 1000 euros) et filets (environ 200 euros). Le quad avec tondeuse déportée et atomiseur est amorti sur la vigne et les chênes truffiers, mais les deux outils sont revenus à environ 10 000 euros. Sans compter que la récolte nécessite de la main-d’œuvre. « Ceux qui veulent faire de l’olive pour en vivre doivent le faire en intensif mécanisé et planté en ligne, comme c’est le cas à Perpignan », recommande-t-elle.

Taille, amendement, tonte et traitements

Marie Courselle rapporte que l'oléiculture est beaucoup moins chronophage que la viticulture. Elle taille les arbres un hiver sur deux, avec un sécateur électrique viticole. Puis elle amende un peu, et tond trois fois par an à l’aide d’une tondeuse déportée tractée par un quad. Elle complète cette tonte par un passage de rotofil autour des pieds une fois par an. « Selon moi, il faut conduire les oliviers comme la vigne, commente-t-elle. Il faut que le sol soit couvert avec de l’herbe et bien structuré» Elle effectue également un ou deux traitements au cuivre par an contre l’œil de paon, maladie fongique également nommée tavelure de l’olivier. La floraison se déroule en mai-juin, ce qui permet de limiter les risques de gel. « Ce dernier a parfois affecté quelques oliviers, mais c'est rare, rassure Marie Courselle. Dans ce cas, il perd ses feuilles mais repart de plus belle au printemps. » En 2021, elle a été touchée par la mouche, et contrainte de traiter à l'argile. Depuis, elle a installé des pièges suivis par la chambre d’agriculture. Elle n’exclut pas de devoir de nouveau traiter pour préserver sa récolte.

La récolte manuelle dure 40 à 50 heures

Le gros du travail est la récolte manuelle, qui, selon les années, se déroule fin octobre-début novembre. La vigneronne estime que cette tâche prend au moins 40 à 50 heures pour 0,27 hectare. « Ce qui prend le plus de temps, c’est d’installer les filets sous les arbres, explique-t-elle. Étant donné que nous allons planter de nouveaux arbres dans des parcelles en pente, nous allons devoir investir dans des machines qui déploient ces filets. » Elle fonde aussi quelques espoirs dans le développement girondin de l’oléiculture, qui poussera peut être à la création de Cuma ou autres, autour du matériel de récolte de l’olive.

Le choix de la date de ramassage est crucial, afin de ne pas avoir un taux d’olives vertes trop important ni d’olives pourries. Marie Courselle signale que le ratio habituel est de l’ordre de un tiers d’olives vertes, un tiers d’olives qui tournent et un tiers d’olives noires. « Mais s’il y a un peu plus d’olives vertes, cela ne me dérange pas, analyse-t-elle. Cela donne des huiles un peu végétales, qui sont très intéressantes une fois qu’elles se sont reposées et qu’on les a un peu élevées. » Elle les conditionne elle-même à la main, depuis des bidons en inox prévus à cet effet. L'huile repose ensuite environ un mois avant sa mise en vente. Le positionnement de la date de récolte est particulièrement ardu les années pluvieuses, comme 2024. « Les olives étaient encore assez vertes mais elles se gorgeaient d’eau, se rappelle-t-elle. J’ai choisi de récolter pour que le rendement en huile ne chute pas trop. » À l’inverse, le beau temps favorise la mouche. L’optimal semble d’avoir une semaine caniculaire en septembre, qui permette aux olives de mûrir sans que la mouche ne puisse s’installer. 

Convaincue par la simplicité d’entretien des arbres, par le message positif que cette diversification véhicule, et par son impact bénéfique sur les paysage, elle compte étendre l'oléiculture pour monter à 2 hectares. Malheureusement, elle ne peut pas s’appuyer sur ses oliviers de 2009 pour savoir quelle variété planter. « Nous observons la parcelle depuis trois ans avec la chambre d’agriculture, pour identifier les pieds qui marchent le mieux », confie-t-elle. Avec, en ligne de mire, l’idée de bouturer les variétés les plus intéressantes. Mais pour l’instant, Marie Courselle va planter 0,5 hectare cette année et 0,8 hectare l’an prochain avec des variétés du sud de la France étant en adéquation avec le pH et l'humidité de ses sols, ainsi qu'avec le climat océanique : Aglandeau, Picholine, Olivère, Calletier et Cayon. Elle s’est fournie chez la pépiniériste Delphine Maccabé, à Séguret, dans le Vaucluse, pour la qualité de ses plants, pour un coût de 10,50 euros le pot de 2 litres (plants de 90 cm de haut). Elle compte les disposer à une densité de 5 m sur 6 ou 7 m, et table sur une entrée en production au bout de trois années, la pleine production étant atteinte au bout de dix ans et parfois pendant presque 150 ans. De quoi venir étoffer sa gamme huile-vinaigres artisanaux.

Ses tops et ses flops

+ C’est bien d’avoir testé cette production car nous avons à présent du recul. C’est intéressant notamment de l’avoir implantée sur deux terroirs différents, l’un riche, sur un plateau venteux, et l’autre plus pauvre. Sur cette dernière parcelle, nous avons besoin d’amender. 

+ L’olivier est facile à cultiver donc c’est une diversification intéressante.

- Si c’était à refaire, j’aurais planté l’oliveraie de manière plus espacée car là nous avons 4 m sur 4 m et c’est compliqué pour les outils. Pour les prochaines parcelles nous n’avons pas encore tranché, mais nous pensons partir sur du 5 m sur 6 ou 7 m. 

- De même, il aurait été judicieux de disposer d’un plan situant chaque variété afin de sélectionner les plus intéressantes.

*Ses enseignements : l’olivier est une plante plus gourmande que la vigne et il faut l'amender sur les terres pauvres. De plus, les chevreuils l’adorent. Il est impératif de clôturer si on se trouve dans une zone à cervidés.

repères

Château Thieuley, à La Sauve-Majeure en Gironde

Surface 70 ha de vigne, 1 ha de chênes truffiers, 20 ha de prairies, 0,27 ha d’oliviers

Dénominations AOC bordeaux, crémant de bordeaux, côtes de bordeaux, vin de France

Types de sol argiles graveleuses avec quelques boulbènes

Production d’huile environ 60 l par an, vendus 20 euros les 50 cl

Mode de commercialisation du vin 60 % export dont 30 % aux USA, 40 % en France dont 14 % au caveau

Les plus lus

<em class="placeholder">Jean-Chrisophe Delavenne, viticulteur champenois bio dans ses vignes</em>
« La lithothérapie me permet de diminuer mon nombre de traitements dans les vignes »
Jean-Christophe Delavenne, viticulteur champenois bio, expérimente la lithothérapie depuis quatre ans. Il n’y voit pratiquement…
Prix des vignes 2024 : quelle évolution par région ?

La Safer a livré son bilan 2024 du prix des terres viticoles. La tendance générale est à la baisse des prix mais le nombre de…

<em class="placeholder">Vignoble expérimental en Italie avec essai sur les hydrorétenteurs.</em>
Les hydrorétenteurs préparent leur grand retour dans les vignes
Une nouvelle génération de polymères super-absorbants issus de matériaux biologiques est en train de naître. Un espoir pour…
Vignes en Entre-deux-Mers
Prix des vignes 2024 : la baisse se généralise

Le mouvement de baisse des prix moyens à l’hectare entamé en 2022 se poursuit en 2023, selon le bilan Prix des Terres 2024 de…

<em class="placeholder">Tracteur Same Frutteto Pro</em>
Same - L’autoguidage sans GPS sur les Frutteto Pro
Le constructeur italien Same lance les tracteurs spécialisés Frutteto Pro toute équipée.
<em class="placeholder">Tracteur enjambeur Grégoire GS5 dans les vignes</em>
Grégoire – GS5, la nouvelle génération d’enjambeurs double rang

Grégoire lance la gamme d'enjambeurs GS5, qui remplace la G5. Elle adopte une nouvelle cellule de pulvérisation et une…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Vigne
Consultez les revues Réussir Vigne au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters des filières viticole et vinicole