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Des tests pour affiner ses vinifications

Brett, stabilité oxydative et bientôt lipides. Tels sont les nouveaux paramètres quantifiables par deux nouveaux tests du marché, et un troisième en devenir. Ils permettent d’affiner les itinéraires techniques.

L'IFV et le laboratoire Exact ont développé une analyse permettant de doser la teneur potentielle en phénols volatils.
L'IFV et le laboratoire Exact ont développé une analyse permettant de doser la teneur potentielle en phénols volatils.
© Laboratoire Exact

Anticiper la stabilité oxydative de ses blancs

La SATT (Société d’accélération du transfert de technologie) Sayens, basée à Dijon en Côte-d’Or, propose un test de stabilité oxydative pour vins blancs dès fin de FA, après malo ou avant mise. Le tout si possible avant sulfitage. Effectué et mis au point par l'Université de Bourgogne (UB), le DPPH (pour 2,2-diphényl 1-pycrilhydrazyle) mesure la capacité antioxydante d’un échantillon par spectrophotométrie UV. Pour y arriver, les équipes bourguignonnes ont dû changer le tampon habituellement employé pour cette analyse, utilisée jusque-là pour mesurer la capacité antioxydante des composés phénolique du vin. Le résultat de l’analyse est exprimé en EC20, qui « indique la quantité nécessaire pour réduire de 20 % l’absorbance initiale du DPPH », décrit Rémy Romanet, auteur d’une thèse à l’UB sur le sujet, et ingénieur de recherche de la SATT Sayens. En somme, plus l’EC20 est faible, meilleure est la capacité antioxydante du vin.

Les chercheurs ont testé plus de 500 vins blancs de chardonnay selon cette méthode. Il en ressort que la plupart des composés impliqués dans la capacité antioxydante d’un vin sont des peptides azoto-soufrés (35 %) et des composés soufrés non peptiques (25 %). Parmi eux, on trouve la cystéine, le sulfure d’hydrogène ou encore le glutathion.

L’oxydabilité d’un vin fluctue d’un fût à l’autre

Les travaux de recherche ont aussi montré que la stabilité oxydative des blancs est fortement corrélée au millésime, et qu’elle évolue au fil du temps. Un vin avec un bon score en post-fermentation alcoolique (FA) peut se révéler sensible après trois mois d’élevage. « Il est donc indispensable de tenir compte du stade de vinification lors de l’analyse, afin de ne pas fausser l’interprétation », souligne l'ingénieur. Et d’effectuer un suivi au cours de l’élevage. Autre découverte : l’ajout en phase préfermentaire de levures sèches inactivées (LSI) améliore de façon notable la stabilité oxydative du vin dans le temps. Et l’hyperoxygénation d’un blanc à l’entonnage le fragilise. Par ailleurs, le soufre, même sous sa forme combinée, joue un rôle important de protection vis-à-vis de l’oxydation. « C’est pour cela qu’il vaut mieux procéder à une analyse DPPH avant tout sulfitage, sous peine de surestimer la capacité antioxydante du vin », insiste Rémy Romanet. Enfin, l’impact de la barrique est très important. Un même vin entonné dans deux fûts neufs distincts aura un EC20 différent, et donc une stabilité oxydative dissemblable. « L’extraction en ellagitanins et l’apport de nouveaux ellagitanins varient selon les fûts », analyse le ingénieur.

Cette analyse a un coût dégressif. Il faut compter 60 euros pour un échantillon, 48 euros par échantillon entre 8 et 24 lots et 36 euros par échantillon pour plus de 24 analyses. « Nous avons davantage vocation à travailler pour les laboratoires de conseil œnologique, indique Étienne Kayser, responsable d’affaires chez SATT Sayens. En comparant le résultat avec ceux de notre base, cela peut leur permettre d’ajuster leurs préconisations en termes de sulfitage, d’élevage, ou de bouchage» Le résultat est communiqué dans la semaine. Si les chercheurs ne disposent pour l’heure que d’un référentiel sur chardonnay, ils souhaitent s’étendre à d’autres cépages, et recherche donc des partenariats avec d’autres interprofessions. Avis aux intéressées…

Prédire la présence des bretts dès la post-FA

Toujours en Bourgogne, l’IFV pôle Bourgogne-Beaujolais-Jura-Savoie a développé le nouveau test nommé TPPV, pour Teneur potentielle en phénols volatils. Primée par le jury du Vinitech, cette analyse vise à connaître la quantité de précurseurs de phénols volatils présents dans un vin pour en déduire son risque d’altération. « Jusqu’à présent, la lutte contre les bretts s’était essentiellement focalisée sur le suivi des populations et leur numération en cave, pose Vincent Gerbaux, œnologue microbiologiste à l’IFV. Or malgré cela, il y a encore des quantités importantes de phénols volatils dans certains vins. » D’où l’idée de développer un nouvel outil. Ce dernier dose la quantité d’acide p-coumarique et d’acide férulique du vin en post-FA, après le décuvage, par HPLC (chromatographie liquide haute performance).

Ces acides phénols libres sont en quantités plus ou moins importantes après la réalisation de la FA. Et, en cas d’un développement de brett, leur ensemble est transformé en phénols volatils. Au départ, l’IFV a déterminé la TPPV en contaminant un échantillon de vin avec brett puis en dosant les phénols volatils produits. Cette méthode de référence a permis la mise au point de la détermination de la TPPV par HPLC, plus adaptée à la routine œnologique.

La réalisation de cette analyse a permis aux équipes de l’IFV d’enrichir leurs connaissances sur les Brettanomyces. « La TPPV n’est pas liée à la maturité ni à la composition phénolique des vins, expose Vincent Gerbaux. Elle n’est pas influencée par une technique de vinification en particulier non plus (vinification de vendange entière ou égrappée, etc.) et n’est pas corrélée au cépage, quoi qu’on puisse entendre sur le sujet. En revanche, nous nous sommes rendu compte dernièrement que la TPPV était complètement liée à la FA. »

Certaines levures éliminent les précurseurs

Et pour cause. Les phénols volatils, notamment le 4-éthylphénol et le 4 éthylgaïacol, proviennent de la transformation de l’acide p-coumarique et de l’acide férulique en vinyls puis en éthyls par les Brettanomyces. « Mais Saccharomyces, responsable de la FA, peut aussi avoir une aptitude à dégrader ces acides en vinyls. En vinification, en rouge, les vinyls produits lors de la FA réagissent notamment avec les anthocyanes pour former des composés stables non atteignables par brett », intervient Vincent Gerbaux. L’IFV s’est donc penché sur le comportement des différentes souches de levures, toutes ne produisant pas la même quantité de vinyls. « Certaines éliminent très bien les acides phénols, se réjouit Vincent Gerbaux. C’est le cas de la Fermivin P21, commercialisée par Œnobrands. Mais il y en aura certainement plein d’autres. »

En attendant, l’analyse TPPV pour le moment déployée par le laboratoire Exact, à Murlin dans la Nièvre, vaut 80 euros HT par échantillon et permet ensuite de prendre les meilleures décisions en termes de sulfitage et d’élevage.

voir plus loin

Bientôt une analyse des lipides

L’entreprise Nyseos se penche quant à elle sur les lipides. Les récents travaux de recherche ont en effet établi que l’azote n’est pas le seul facteur limitant, notamment lors des vinifications en blanc. Les lipides, dont les phytostérols et les acides gras, apparaissent de plus en plus comme des composés à suivre. Ils permettent en effet l’assimilation de l’azote par la levure et une meilleure résistance au stress « éthanol » de la levure. Une carence en lipides engendre une augmentation de la production d’acide acétique. À l’inverse, des taux élevés d’acides gras et/ou de phytostérols provoquent une hausse de la concentration en thiols et une baisse des acétates. Nyseos travaille donc sur un prototype, permettant de connaître, outre le taux d’azote des moûts, leurs taux de lipides. L’entreprise met en avant un temps d’analyse de 72 heures pour cet indice de la qualité « azote-lipides ». Il est actuellement en phase finale de test, pour un déploiement en 2023.

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