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Trésorerie : actionner des solutions bancaires

Pour résoudre des besoins de trésorerie, les outils bancaires sont nombreux. Pour les mettre en œuvre, les conseillers bancaires ne dissocient jamais le court terme du moyen et long terme.

Caveau de vente du Château Haut-Fayan, vignobles Poitou-Opérie à Puisseguin
Au-delà des critères strictement financiers, le mode de commercialisation est un des éléments que les conseillers bancaires prennent en compte pour proposer des solutions face à des besoins de trésorerie accrus.
© C. Gerbod

Partenaire incontournable de l’exploitation, la banque est en première ligne lorsque la trésorerie se tend. Les pistes sont plus faciles à tracer si les relations avec le conseiller bancaire sont régulières, s’il a été prévenu au préalable de difficultés et s’il peut disposer d’informations claires. Pouvoir présenter un plan de trésorerie est essentiel. « Tout changement de cycle d’exploitation ou de production devra être partagé en amont avec son conseiller. L’analyse précise du besoin en fonds de roulement supplémentaire va amener des réponses différentes », pose Rudy Boulanger, responsable du Pôle viticulture Caisse d’Épargne.

Le premier réflexe de la banque sera de comprendre si le besoin de trésorerie vient d’un décalage dans le cycle d’exploitation ou est induit par un problème de rentabilité qui va se pérenniser, et d’évaluer le risque. Elle va chercher à savoir si son client est conscient de l'origine de ses difficultés financières, s’il les a analysées avec son comptable, s’il met en place des actions pour y remédier. « La situation économique nécessite de s’adapter. Se diversifier, être innovant, adapter son profil produit sont autant de choses que l’on va soutenir. Nous accompagnons les clients qui ont des projets », encourage Éric Garreau, responsable de la filière viticole au Crédit Agricole Aquitaine.

« On cherche à voir si le système de commercialisation et sa valorisation permettent à l’entreprise de couvrir les coûts de production et à ne pas la surcharger de dettes », explique Marie Thierry, directrice adjointe du centre d’affaires viticoles de Crédit Mutuel Arkéa. À côté des indicateurs financiers, c’est donc le projet global de l’entreprise viticole qui va être appréhendé. À la Caisse d’Épargne, Rudy Boulanger cite aussi des éléments tels que la capacité de soutien des associés, la qualité du vin ou les couvertures face aux aléas climatiques.

D’une banque à l’autre, et d’une région à l’autre, l’appréciation des risques pourra toutefois être différente, selon la marge dont dispose l’établissement et sa stratégie. Voici les différents outils existant.

Augmenter l’endettement à court terme

Négocier une autorisation de découvert bancaire (ou une augmentation) est un premier réflexe mais ça ne peut correspondre qu’à un besoin de trésorerie sur une durée très courte car les taux sont élevés (de l’ordre de 10/12 %) (1). Les banques sont souvent réticentes car la solution implique que le client soit un bon gestionnaire pour ne pas partir dans une spirale dangereuse. Un découvert permanent est le signe d’un problème structurel.

Toutes les banques implantées dans le secteur agricole proposent des crédits à court terme dédiés au financement du cycle d’exploitation. Les taux à court terme sont inférieurs à ceux d’un découvert (de l’ordre de 5 % actuellement) (1). Les encours peuvent être augmentés. « Les lignes de crédits préaccordées permettent d’anticiper et de financer les futurs besoins à court ou moyen long terme », souligne Rudy Boulanger. « On adapte les lignes de trésorerie en fonction des stocks portés par l’entreprise », indique pour sa part, Marie Thierry.

Gager les stocks

Le stock peut être pris sous garantie. « Par exemple, si le stock vaut 200 000 euros, on peut en libérer 50 000 euros. Le taux pratiqué correspond à celui d’une ligne de crédit. C’est utilisé sur un à deux ans en général. La société qui a pris le stock en garantie passe régulièrement contrôler le stock. C’est une alternative à du découvert en blanc (sans garantie) dont le coût est plus élevé », décrit Rudy Boulanger. En cas de difficulté financière, le porteur du stock va le préempter pour se payer. L’analyse du stock est évidemment très importante. « Sur une même appellation, si le système de commercialisation est plus ou moins efficace, la valorisation ne sera pas la même », prévient Marie Thierry. L’historique entre également en ligne de compte. Pour les négoces, Crédit Mutuel Arkéa s’accompagne d’experts externes.

Mobiliser les factures clients

Trois produits différents permettent de se financer à partir des factures clients.

- Le plus classique est l’escompte commercial. L’entreprise présente à sa banque un effet de commerce correspondant à un paiement à 60 ou 90 jours. La banque lui ouvre alors une ligne d’escompte et se rémunère via une commission. Cela permet de couvrir des besoins de trésorerie sur un, deux ou trois mois.

- L’affacturage consiste à confier l’ensemble du poste client à sa banque ou à un organisme spécialisé. Il concerne les factures non échues. « La banque devient propriétaire des factures, elle prête 80 % des montants. Elle informe les créanciers que la facture lui a été cédée afin qu’elle lui soit réglée directement. Elle s’occupe des relances. Il y a une assurance en cas d’impayé. Cette solution, qui a un coût de financement, apporte un réel service au client dans la gestion de sa trésorerie », détaille Rudy Boulanger.

- Pour la cession Dailly, on sélectionne les factures confiées à la banque ou au factor (2) et une ligne de crédit est ouverte. Après étude de la cotation des entreprises créancières, les factures seront acceptées ou non. Le client de l’exploitation est informé qu’il doit régler la banque ou le factor, ces derniers se chargent de la relance. L’entreprise restant responsable du recouvrement en cas d’impayé, le coût est un peu moins élevé que l’affacturage. La ligne de crédit ouverte est limitée à un pourcentage du chiffre d’affaires TTC annuel.

Recourir au lease-back

Refinancer un bien autofinancé par du lease-back permet de réinjecter de la trésorerie. Il s’agit de revendre un matériel neuf ou d’occasion qui a été autofinancé à une société de leasing. Le viticulteur conserve le matériel et verse un loyer. « C’est adapté à des matériels qui conservent de la valeur dans le temps », précise Rudy Boulanger.

Moduler les échéances

« Tous nos crédits sont modulables », indique Éric Garreau. Selon les conditions du prêt ou la politique de la banque, la modulation se concrétisera par un report d’annuités en fin de crédit ou une diminution des échéances. Dans les deux cas, la durée du crédit sera allongée.

Réenvisager le financement global

L’examen de la situation peut amener le conseiller bancaire à préconiser des adaptations du financement. Certaines exploitations ont ainsi le réflexe de financer un maximum de choses avec de la trésorerie pour éviter de s’endetter, y compris pour des investissements qui ne produiront du chiffre d’affaires qu’à long terme. Éric Garreau cite en exemple le cas d’une plantation autofinancée ou financée sur cinq ans alors que la production de vin ne sera pas commercialisable avant sept ans. « Dans ce cas, ce n’est pas la plantation qui va se financer elle-même mais le reste de l’exploitation. Cela peut induire une fragilité. Face à une telle situation, la solution est de restructurer l’ensemble de la dette pour la répartir à court ou moyen terme en respectant des ratios financiers pertinents », illustre-t-il. À la Caisse d’Épargne, Rudy Boulanger évoque le financement du vieillissement du vin par de la trésorerie alors qu’un crédit vieillissement aurait été plus approprié. Restructurer l’endettement existant peut toutefois être plus compliqué dans un contexte de hausse des taux.

Réinjecter de l’épargne

Lorsque la rentabilité dégagée par l’exploitation ne peut pas assumer les charges de remboursement, s’il y a des capitaux épargnés ou des sommes placées en déduction pour épargne de précaution (DEP), ces ressources seront actionnées. La mobilisation de fonds propres ou une restructuration du vignoble vont s’envisager « lorsque le stock est financé à 100 %, que le besoin en fonds de roulement représente une année de chiffre d’affaires et que la rentabilité dégagée satisfait tout juste aux charges de remboursement des crédits », avance Éric Garreau.

(1) Les taux cités le sont à titre indicatif. Dans le contexte actuel de montée des taux, ils varient fortement dans le temps et d’une banque à l’autre.
(2) Un factor est un établissement financier agréé par la banque de France comme établissement de crédit.

Peut-on rééchelonner un PGE ?

Jusqu’à fin 2023, dans le cadre de la médiation du crédit aux entreprises, un dispositif permet de rééchelonner son PGE. Pour en faciliter l’accès, le ministère de l’Agriculture a annoncé en février dernier la mise en place d’une task force ministérielle placée en son sein. « C’est une procédure très encadrée. Je préconise d’en parler en amont avec son conseiller », considère Éric Garreau. De nombreux éléments sont à fournir, notamment un dossier comptable justifiant la demande de report. La note de l’entreprise est dégradée et cela risque de bloquer de futurs investissements.

voir plus loin

Les taux d’usure correspondent aux taux d’intérêt maximum légaux que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt. La Banque de France est chargée de les calculer. Elle les publie ainsi que les taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement sur https://www.banque-france.fr/statistiques/taux-et-cours/taux-dusure/taux-dusure-mensuel

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