Programmes opérationnels : comment peuvent-ils financer les organisations de producteurs laitiers ?
Les programmes opérationnels, comme les connaît le secteur des fruits et légumes, peuvent être une solution pour structurer et financer les organisations de producteurs. Ils seront un enjeu de la prochaine programmation de la PAC.
Les programmes opérationnels, comme les connaît le secteur des fruits et légumes, peuvent être une solution pour structurer et financer les organisations de producteurs. Ils seront un enjeu de la prochaine programmation de la PAC.

Cet été, le ministère a annoncé, pour le lait bio, l’ouverture d’un programme opérationnel. Dévolus à leur création en 1997 au secteur des fruits et légumes - non éligible aux aides surfaciques de la politique agricole commune (PAC) -, seuls quelques autres petites filières ont pu en bénéficier en France : fourrages séchés, veaux sous la mère, cuniculture…
Le budget prévu pour le lait bio s’établit à 5 millions d’euros en 2026 et 7 millions d’euros en 2027. Ces fonds proviennent d’une partie des reliquats d’aides PAC à la conversion bio, qui n’ont pas été utilisés du fait d’une mise en pause des conversions face à un marché de la consommation du bio morose entraînant de fort taux de déclassement du lait bio vers les circuits conventionnels.
Ces nouvelles aides ont pour vocation à structurer les organisations de producteurs (OP) en soutenant la gestion des déclassements, la reprise de fermes ou encore l’accueil de nouveaux adhérents.
La France utilise peu les programmes opérationnels
« Les programmes opérationnels sont des aides sous conditions », explique Anne Louise Sabatier, chargée de partenariat chez Biolait lors de la journée des OP 2025 organisée par France OP lait, syndicat d’organisations de producteurs laitiers.
Relire : Création d’un programme opérationnel dédié au lait bio : « une victoire » selon France OP Lait
Dans le cadre de la PAC, chaque État membre décide des secteurs concernés par les programmes opérationnels et les budgets alloués dans son plan national stratégique (PSN). L’Union européenne permet d’allouer aux programmes opérationnels jusqu’à 3 % du premier pilier (aides directes : paiement de base, éco régimes, aide bovine…). Dans son PSN 2023-2027, la France avait décidé d’y allouer 0,5 %. Pour la prochaine réforme des discussions sont en cours.
Les programmes opérationnels financent des projets d’organisation de producteurs
Ces programmes opérationnels financent à hauteur de 50 % (60 % lorsqu’il s’agit du premier PO, dans une limite de 5 ans) des projets portés par des OP. « C’est un outil de valorisation de la production et non une aide aux 1000 litres ou à l’hectare », précise Anne-Louise Sabatier. Lors de l’ouverture d’un programme opérationnel, le cadre est fixé par les pouvoirs publics et « chaque OP fait sa liste de courses parmi les mesures proposées ». Dans le secteur laitier, il est souvent évoqué en exemple l’achat de tank en propre par les producteurs réunis en OP.
« Aujourd’hui, tout reste à écrire pour le lait », témoigne Loïc Adam, président de France OP Lait. « Les OP laitières sont des outils de la PAC mais n’ont jamais eu le moindre financement dédié », déplore Marie-Alix Momot, directrice de l’association d’OP Poplait. Tous deux voient dans les programmes opérationnels, l’opportunité d’une montée en compétences des OP leur permettant de gagner du poids vis-à-vis des acheteurs et industriels.
À budget de la PAC constant, d’autres aides en moins
Mais tous ne l’entendent pas forcément de cette façon. Vue la tendance du budget de la future PAC qui ne sera vraisemblablement pas en hausse pour la prochaine programmation - la Commission proposerait même une baisse de 20 % -, augmenter le budget alloué aux programmes opérationnels revient mécaniquement à diminuer l’enveloppe dédiée à d’autres aides directes.
« Les programmes opérationnels sont financés par le premier pilier de la PAC. Dans un contexte de contrainte budgétaire, les choisir revient à choisir moins d’aides directes pour les producteurs », assurait, en mai sur LinkedIn, Alexis Descamps, trésorier adjoint FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait, FNSEA). Pour le syndicat majoritaire, les programmes opérationnels doivent bénéficier d’un budget additionnel et non d’un transfert entre enveloppes.
« Quand on dit que les programmes opérationnels sont des aides en moins, ce n’est pas vrai, ils reviendront aux producteurs, rétorque Loïc Adam. Et avec les programmes opérationnels, on saura ce que l’on touche et pourquoi ! »
Les coopératives mieux outillées pour capter les programmes opérationnels
Autre frein évoqué, notamment par la FNPL, à la généralisation des programmes opérationnels : la très bonne structuration des coopératives laitières face à des OP de plus petite taille et disposant de peu de moyen humain. Comme les coopératives peuvent prétendre à la reconnaissance en OP, certains craignent qu’elles récupèrent la mise en captant la majeure partie des aides qui seront allouées aux programmes opérationnels. « L’idée que les coopératives captent les fonds pour financer leur outil industriel est un faux sujet, estime Marie Alix Momot. Il est possible de verrouiller les choses pour l’éviter. »
Les PO lait bio en cours de construction
Cette fin d’année, dans la filière lait bio, les organisations de producteurs (OP) construiront leur programme opérationnel (PO) pour un démarrage début 2026. « Il y aura des réunions spécifiques avec les adhérents, et des allers-retours avec l’administration. Nous allons pouvoir tester de nouvelles choses, c’est très formateur », se réjouit Maud Cloarec, vice-présidente de Biolait.
Selon le ministère de l’Agriculture, les PO lait bio pourront financer : des investissements matériels ou immatériels, des recherches et des méthodes de production expérimentales et innovantes, des services de conseil et d’assistance technique, de la formation, promotion, communication et commercialisation.
Maud Cloarec juge toutefois le budget très insuffisant : « si toutes les OP éligibles demandaient leur plafond, il faudrait plus de 30 millions d’euros par an, or seulement 5 millions sont budgétés pour 2026, explique-t-elle. Nous allons construire le PO dont nous avons besoin, en espérant que cela donnera des idées à l’administration, afin qu’elle prévoie un budget plus important dans le cadre de la nouvelle PAC ».