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Se restructurer pour durer

Pour Christine Roguet, du pôle économie de l’Ifip, l’augmentation de la taille moyenne des exploitations porcines en France résulte plus de la disparition des petits élevages que du développement des ateliers de taille importante.

Chez Alain Vérité, la nouvelle configuration de l'élevage a permis d'améliorer les conditions de travail.
Chez Alain Vérité, la nouvelle configuration de l'élevage a permis d'améliorer les conditions de travail.
© C. Gérard

Entre 2000 et 2010, date du dernier recensement agricole, la moitié des élevages de moins de 150 truies a disparu. Ces élevages détenaient 270 000 truies. « Leur potentiel de production n’a pas été repris par l’agrandissement des structures de taille plus importante », fait remarquer Christine Roguet, économiste à l’Ifip. Car sur la même période, les élevages de plus de 150 truies ont aussi perdu des truies (50 000) et leur nombre a également diminué (- 7 %). « La taille moyenne de ces élevages a très peu augmenté, passant de 280 à 290 truies. » En l’absence de chiffres officiels, on estime que la tendance est restée la même entre 2010 et 2015. Pour Christine Roguet, ces quelques chiffres reflètent le retard pris par la production porcine en France dans la restructuration de ses élevages.

Améliorer les conditions de vie

« Pourtant, l’évolution structurelle des élevages est un élément essentiel pour améliorer les conditions de vie des éleveurs » : ne pas travailler seul, pouvoir disposer de temps libre… « L’augmentation de la taille de l’élevage est plus conditionnée par les aspects sociaux que par l’aspect économique », estime-t-elle. Les jeunes qui s’installent veulent une taille d’atelier minimale de 200-250 truies avec deux personnes, plutôt qu’un 100-120 truies dans lequel ils travailleraient seuls. La modernisation, et l’agrandissement qui l’accompagne souvent, améliorent aussi les performances techniques, et donc le revenu. « L’investissement s’amortit avec la performance. » Une taille d’élevage plus grande, pas forcément synonyme de meilleures performances, permet d’accéder à des économies d’échelle, d’héberger des technologies, de rationaliser les bâtiments et l’organisation du travail dont la productivité est améliorée. Cette évolution doit aboutir au final à la création d’un outil cohérent, rationnel, entretenu et transmissible. « C’est tout ce qui manque aux ateliers de petite taille qui ne trouvent désormais plus d’acquéreur quand l’exploitant part en retraite », observe Christine Roguet.

Baisse tendancielle de la rentabilité des élevages

Le retard pris dans la restructuration des élevages s’explique par des contraintes importantes. « La réglementation environnementale qui imposait un plafond d’épandage dans certaines communes en Bretagne a été un frein terrible au développement des élevages de moins de 150 truies », déplore l’économiste. « Pour ces éleveurs, investir dans une station de traitement n’était pas économiquement tenable. » Christine Roguet pointe également le manque de rentabilité de certains élevages. Une étude de l’Ifip associant le CER France Côtes-d’Armor a montré que, sur cinq ans (2006-2010), les élevages ne dégagent pas suffisamment de marge pour être en capacité d’investir. Seuls les 20 % meilleurs techniquement ont un excédent brut d’exploitation suffisant pour investir dans leurs outils de production.

Vers l’excellence technique en Europe du nord

Dans les pays porcins leaders de l’Europe du nord (Allemagne, Pays-Bas, Danemark), cette restructuration des élevages a bien eu lieu. « Elle entraîne une diminution drastique du nombre d’élevages. Mais elle s’est aussi accompagnée d’une croissance de la production, car les éleveurs en activité ont agrandi leurs élevages. Ils ont construit des bâtiments neufs, fonctionnels, offrant un meilleur sanitaire. La concentration s’est traduite par la sélection des ateliers les plus performants, aux mains d’éleveurs maîtrisant au mieux l’activité. La dispersion des résultats est ainsi moindre dans ces pays, avec peu d’élevages à faible performance. C’est ce qui explique que leurs performances moyennes s’améliorent plus vite que chez nous », explique Christine Roguet. Mais l’agrandissement et la spécialisation poussés (naissage d’un côté, engraissement de l’autre) de ces élevages conduit à une image industrielle de la production porcine, très controversée.

Trois modèles d’élevages d’avenir

À partir d’entretiens avec des acteurs de terrain, l’économiste a identifié trois modèles vers lesquels les élevages pourraient évoluer dans le contexte national. « L’élevage de 250-300 truies naisseur-engraisseur, avec 120-140 hectares de foncier, un ou deux salariés, est un premier modèle qui a tout pour plaire » : sa taille humaine, son autonomie par rapport à l’épandage et l’alimentation, la sécurité qu’il offre vis-à-vis des règlements environnementaux et du prix de l’aliment, son image d’une production liée au sol sont des facteurs essentiels de rentabilité et durabilité. Le deuxième modèle identifié est l’exploitation spécialisée de grande dimension de 500 truies et plus. Elle vise les économies d’échelle et l’optimisation des performances dont une productivité élevée du travail, souvent salarié. « Cette taille d’atelier est indispensable pour amortir une station de traitement du lisier si le plan d’épandage est insuffisant. » La maternité collective est le troisième modèle qui réponde à une logique de restructuration. « L’externalisation du naissage permet aux éleveurs d’accroître leur capacité d’engraissement, d’améliorer leurs performances et leur qualité de vie. »

Quel que soit le modèle envisagé, Christine Roguet souligne qu’il existe au moins deux visions pour appréhender la restructuration des élevages. « L’une vise exclusivement à renforcer la compétitivité par les coûts. Cela aboutit à une industrialisation de la production, comme en Europe du nord et en Espagne. L’autre prend davantage en compte les attentes exprimées par les consommateurs sur les conditions de vie des animaux, l’origine et la qualité des productions. Dans l’Union européenne, ces exigences éthiques se renforcent. La question est : comment, dans la restructuration des élevages, intégrer cette seconde vision sans entamer notre compétitivité ? », conclut-elle.

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