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10 à 20 centimes d’écart avec les marchés voisins depuis mai
Pourquoi le prix du porc décroche en France

Depuis le mois de mai, le prix perçu par les éleveurs français est plus bas que la moyenne européenne. Le Space a été l’occasion de faire le point sur cette tendance inquiétante.

C’est la Fédération nationale porcine (FNP) qui a engagé le débat, une semaine avant le Space. Dans son communiqué de presse en date du 7 septembre, elle dénonçait « une conduite suicidaire destructrice de valeur », avec une « cotation française totalement décrochée des autres places européennes ». La raison de cette colère ? « Du porc français est bradé par les industriels et part vers l’Italie sans prix défini à l’avance. À la place, les outils français tournent à grand renfort d’importations ! » La FNP dénonce aussi les « guerres intestines de concurrence » ainsi que « la pression sur les prix exercée par la grande distribution ». Durant le Space, Paul Auffray, son président, a précisé la position du syndicat. « Nous ne visons pas un opérateur en particulier, mais bien l’ensemble des acteurs de l’aval. La « guerre du jambon » qu’ils se livrent risque d’aboutir au démantèlement de la filière porcine française ».

À la FRSEA Bretagne, Carole Joliff s’étonne cependant que le décrochage du cours français coïncide avec l’acquisition de la branche charcuterie-salaison de la Financière Turenne Lafayette, désormais nommée Compagnie de salaison. Une coïncidence liée, selon Michel Rieu de l’Ifip, à la perturbation des marchés qui s’en est suivie (voir ci-contre). Mais pour lui, ce constat ne remet aucunement en question le côté positif de cette reprise, également saluée par Michel Bloc’h, le président de l’Union des groupements bretons (UGPVB). « La reprise de FTL est un gros défi pour Cooperl et pour la filière française. Je leur souhaite de réussir », a-t-il déclaré.

Retournement de marché

Cette restructuration coïncide également avec un sensible retournement de marché. « Les Chinois ont fortement diminué leurs achats en volume et en valeur. Ils n’achètent plus de pièces nobles (échines, carrés, épaules), contrairement à 2016 », constate Yann Henri, le directeur du groupement Cooperl, qui déplore également le recul important de la consommation de viande de porc en France. Selon l’Ifip, la consommation de porc frais a reculé de 13 % en juillet par rapport à 2016. Même tendance pour la charcuterie, avec notamment les saucisses fraîches (- 15 %), le jambon (- 5 %) et les marinés (- 5 %).

Un deal collectif avec la grande distribution

Une situation qui interpelle les responsables professionnels du Comité régional porcin breton, de l’UGPVB et de la FRSEA Bretagne. Depuis plusieurs mois, ils tentent de convaincre la grande distribution d’aider financièrement les producteurs à mettre en place des démarches de progrès. « Nous proposons un contrat gagnant-gagnant aux distributeurs qui accepteront d’aider les éleveurs à financer leurs investissements en faveur du bien-être, de l’environnement et de l’éthique », explique Michel Bloc’h. « En échange, ils vendront mieux des produits qui répondent aux attentes sociétales. » Les responsables professionnels soulignent que cette démarche doit se faire collectivement dans le cadre de VPF « dont le cahier des charges sera ainsi enrichi », en substitution à l’approche réglementaire. « Nous avons à construire une relation nouvelle avec la société », une relation portée par les éleveurs et non par la GMS et les industriels « plutôt enclins aux démarches individuelles ». C’est dans ce cadre que la profession a demandé au ministre de l’Agriculture de réunir tous les distributeurs pour concrétiser ce projet qui s’inscrit dans les objectifs annoncés des États généraux de l’alimentation. « La seule voie de sortie pour nous, éleveurs français est de mieux valoriser notre production », souligne Michel Bloc’h. Un avis partagé par Philippe Bizien, le président du CRP Bretagne, qui met cependant en garde contre le « syndrome anglais » des années 90 : « À vouloir trop bien faire en faveur du bien-être, les producteurs anglais avaient des coûts de production beaucoup trop élevés, ce qui a entraîné toute leur filière porcine au fond du gouffre ».

 
 
Trois questions à Michel Rieu, directeur du pôle économie de l’Ifip

"Le prix sous plusieurs influences"

Au cours du Space, différentes hypothèses pouvant expliquer l’écart de prix entre la cotation MPB et celles des autres places européennes ont été évoquées. Michel Rieu apporte sa réponse à trois d’entre elles, tout en soulignant que "les difficultés françaises résultent de données structurelles et divers facteurs imbriqués sans qu’on puisse quantifier précisément l’impact de chacun".

Le rachat des activités charcuterie-salaison de la Financière Turenne Lafayette (FLT) par Cooperl a-t-il eu une incidence sur le prix du porc en France ?

Oui évidemment. Les éleveurs Cooperl produisent environ dix millions de jambons par an. Et, selon nos estimations, les activités réunies de Brocéliande et de FTL nécessitaient au moins seize millions de jambons. Cette acquisition est une initiative courageuse et devrait se révéler très positive pour l’amont de la filière porcine française. Mais c’est aussi un immense bouleversement. Les échanges extérieurs (import et export) et les flux domestiques, de jambon en particulier, s’en trouvent perturbés. Par ailleurs, des distributeurs ne s’accommodent pas de ce nouveau paysage et cherchent d’autres fournisseurs, y compris à l’étranger. De telles perturbations pouvaient être anticipées.

Le Marché du porc breton est-il toujours le cours de référence en France, alors que les deux principaux abatteurs du pays ne paient plus les éleveurs sur cette base ?

La représentativité, et donc l’avenir du MPB, sont surtout liés au nombre de porcs « libres d’attache », c’est-à-dire ceux qui ne sont pas destinés à un établissement ou une filiale de coopérative, ou liés par contrat (écrit ou tacite) à un débouché. Si ce nombre est suffisant et leur commercialisation en lien direct avec le MPB, alors le prix de celui-ci réagit bien à l’équilibre offre/demande et il peut jouer son rôle directeur. Si ce nombre est faible, la cotation risque de ne pas refléter la réalité du marché. Cela expliquerait aussi un décalage de prix avec les marchés voisins.

L’exportation de porcs en vif vers l’Allemagne pourrait-elle réduire cet écart ?

Des différences de prix importantes entre bassins de production incitent naturellement à des échanges. C’est un élément de rééquilibrage et de contrepoids des marchés. Mais l’écart de prix doit être assez important et durable pour couvrir les coûts et les risques à court terme (distance, sécurité de paiement, appréciation de la qualité…) et à long terme. Le vendeur doit notamment penser aux conséquences de se détourner d’un client proche. Et l’intérêt régional est de garder un maximum de valeur ajoutée.

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