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A la SCEA Le village du bois, en Vendée
Le lisier chauffe la maternité collective

Lisiothermie. À Poiroux en Vendée, quatre éleveurs se sont regroupés pour construire une maternité collective de 945 places entièrement chauffée par la récupération des calories du lisier, et conçue pour le bien-être de tous.

« Une salle/une fonction et un coût énergétique réduit », c’était l’objectif de Bernard Brogard, technicien bâtiment pour Porc Armor Evolution, lorsqu’il a conçu le bâtiment de la SCEA Le village du bois. Cette maternité collective a accueilli ses premières cochettes début mars. Elle abritera 945 reproducteurs pour une production annuelle de 23 000 porcelets, qui poursuivront ensuite leur croissance dans les élevages des quatre associés à l’origine du projet.

À la recherche de la maîtrise des coûts énergétiques, le chauffage a été organisé autour d’une pompe à chaleur qui utilise le principe de la géothermie horizontale, à ceci près qu’au lieu de capter des degrés dans la terre, elle récupère la chaleur résiduelle du lisier. Les associés utiliseront donc une des premières installations de « lisiothermie ».

Les raisons de ce choix sont économiques et environnementales. Économiques parce qu’une géothermie classique aurait impliqué de rajouter des travaux de terrassement autour du bâtiment, tandis qu’avec la « lisiothermie », on profite du creusement des fosses pour poser les conduites. Environnementales parce que capter la chaleur du lisier permet de diminuer les émanations d’ammoniac.

Si au départ il n’était prévu de chauffer que la maternité et la nurserie, le projet a évolué pour s'étendre à la verraterie et à la gestante. Trois circuits indépendants ont été installés, qui permettent une gestion différenciée des différents secteurs du bâtiment : un circuit pour la nurserie, un pour la verraterie-gestante, un pour la maternité. Et au final, les installations dévolues aux salariés (salle commune et eau chaude sanitaire) seront aussi chauffées grâce à ce procédé.

Le bien-être pour tout le monde

Au chapitre de l’isolation et de la ventilation, les associés ont aussi innové, essentiellement pour diminuer les coûts de construction. Les rampants du toit ne sont pas isolés mais 200 mm de laine de verre ont été installés sur les plafonds en alu plein. Pas de ventilation aux pignons non plus, l’air rentre sous les débords de toiture et, après un petit tour de préchauffage dans les combles, descend par des trappes motorisées Kandiff deTuffigo Rapidex. La circulation de l’air se fait à la vitesse constante de 6 m/s, "ce qui assure le meilleur mélange air froid-air chaud, en même temps qu’une ventilation optimale". L’ouverture des trappes varie pour conserver cette vitesse en permanence.

Selon la configuration des salles, la ventilation se fait soit de manière centralisée par gaine basse (dans la verraterie et la gestante), soit par les murs, vers le couloir, ou bien vers l’extérieur via une ventilation à double flux (voir encadré). Le bâtiment sera équipé d’un système de brumisation. « Nous avons voulu anticiper de possibles étés caniculaires », justifient les associés.

Enfin, des fenêtres deux fois plus grandes que la norme ont été installées, notamment dans la verraterie, avant tout pour le bien-être des salariés qui travailleront dans un bâtiment clair et lumineux.

Optimiser l’espace

Bernard Brogard a conçu le bâtiment en attribuant une pièce à chacune de ses fonctions. Un local pour la pharmacie, un pour la machine à soupe, un pour la pompe à chaleur, etc. L'entrée des salariés se fait par un sas douche, dans lequel on peut séparer linge civil et linge de travail. Pour des raisons sanitaires, les livraisons et autres apports de matériels se feront par une trappe passe-plats. Une vaste salle commune servira pour la pause, les réunions, les entrevues avec les techniciens, etc.

L'optimisation passe aussi par une occupation maximale de l'espace accordé. Ainsi Bernard Brogard s'est organisé pour que les débattements occupent le moins d'espace possible. Dans le même esprit, il a veillé à l'ergonomie des postes de travail et à faciliter la circulation des hommes et des animaux autant que celle du matériel. Un bâtiment à l'efficacité maximale qui, pour un coût global de 1,2 million d'euros, permettra aux associés de déléguer le naissage en toute tranquillité.

Géothermie, un rendement énergétique optimal

« L’installation de lisiothermie est un détournement de la géothermie à captage horizontal », explique Nicolas Talon, technico-commercial chez Boissinot élevage, qui s'est chargé des aménagements.

Concrètement, 4 300 mètres de conduites contenant un fluide caloporteur courent sous le fond bétonné des fosses à lisier. La chaleur ainsi récupérée est acheminée jusqu'à la pompe à chaleur, qui la concentre grâce à un système d’échangeurs-compresseurs. Ce procédé permet de chauffer de l’eau à 45°-50°, laquelle est ensuite acheminée dans les différents points du bâtiment.

L’installation de géothermie consomme peu d’énergie pour un rendement optimal. « Avec l’électricité, quand on consomme 1 kw/h, on dispose d’1 kw/h, mais avec la géothermie, quand on consomme 1 kw/h, on dispose de 3 kw/h », explique Bernard Brogard. La pompe à chaleur de la SCEA du village du bois restitue en effet 280 kw/h pour une puissance installée de 70 kw/h. Le coût de l’installation atteint 120 000 € HT mais le retour sur investissement ne devrait pas excéder deux à trois ans si on se fonde sur le coût actuel d’un chauffage électrique classique selon lui.

Ventilation double flux

Pour assurer un air le plus sain possible, notamment en termes d’hygrométrie, le système de ventilation Climwell de Tuffigo Rapidex a été installé dans les maternités. Fondé sur le principe de la ventilation double flux, ce système d’ordinaire plutôt dévolu aux élevages avicoles débarque dans les porcheries. L’installation, simple dans son principe, consiste en un réseau de tubes placé dans les trappes de ventilation. L’air entrant emprunte les tubes, tandis que l’air sortant passe entre eux, de sorte que l’air entrant récupère la chaleur de l’air sortant. C’est donc de l’air tiède et sec qui entre dans le bâtiment, avec à la clé une atmosphère plus sèche et une sérieuse économie d’énergie.  

Huit ans de procédures

C’est peu dire que le chemin a été rude, pour les associés de la SCEA, avant qu’ils parviennent à faire sortir de terre leur bâtiment qui a suscité beaucoup d’oppositions.

Huit ans, c'est le temps qu'il aura fallu pour transformer une intention en réalité. En 2008, après un premier essai dans un autre département, cinq associés forment le projet de construire une maternité collective en Vendée. Une première enquête d'utilité publique est menée et aboutit, fin 2009, à un refus au nom du « principe de précaution ». Entre temps, des élus ont exprimé leur opposition à l'installation de cette exploitation. « Pour les élus, c'est plus facile de dire non », regrette Christophe Gorioux, éleveur en Charente-Maritime. Et par ailleurs, même si la conception du bâtiment anticipe sur la révision programmée de la norme sur les rejets de phosphore, le refus est fondé sur une non conformité supposée. Les associés engagent alors un recours auprès du tribunal administratif et parviennent, après cinq ans de procédure, à obtenir une injonction qui commande au préfet d'autoriser la construction.

Parallèlement, une association d'opposants s'est constituée, qui a conduit des actions répétées visant à interdire l'installation, notamment un recours en référé, qui a été débouté, et un recours sur le fond contre le préfet, pour abus de pouvoir. Ce dernier est toujours en cours aujourd'hui.

« Ce n'est pas raisonnable »

Entre temps, ces difficultés ont découragé certains des premiers associés, d'autres sont arrivés à l'âge de la retraite. Il a fallu leur trouver des remplaçants. C'est ainsi que Christophe Gorioux, Isabelle et Jean-Jacques René, associés « historiques », ont été rejoints sur le tard par Romain Mevellec, jeune éleveur breton, ainsi que par Lucie et Lionel Le Provost, repreneurs de Claire et Hubert de Lamotte, qui prendront leur retraite dans peu de temps. Il manque encore un associé pour que l'équipe soit au complet ; Porc Armor Evolution a bien voulu porter ses parts en attendant qu'il se présente.

Le 9 mars 2015, la première pierre est enfin posée et, au terme d'une année de travaux, le bâtiment était prêt. Michel Bellaird, président de Porc Armor Evolution, présent lors des portes ouvertes, a tenu à « féliciter les éleveurs pour leur tenacité ». Pour lui, il était « indispensable que cette maternité voit le jour, parce que l'aboutissement d'autres projets dépendent de ce précédent ». Cependant, pour Christophe Gorioux, « ce n'est pas raisonnable » de passer autant de temps et d'énergie pour un bâtiment. Il déconseille aux porteurs de projets de se lancer dans des conditions semblables.

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