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Lacaune : créer de la valeur avec l’IGP

Les volumes de salaisons IGP sont encore très faibles au regard de ce qui se produit dans le bassin de Lacaune. L’enjeu est de les augmenter fortement pour capter de la valeur ajoutée.

Depuis 2015, la filière Lacaune, dans le Tarn, a enfin son signe officiel de qualité. Une double IGP (indication géographique protégée) sur le jambon, d’une part, sur la saucisse et le saucisson, d’autre part. Une très longue attente pour cette filière pourtant fortement ancrée dans son territoire de montagne au sud du Massif central : huit ans de démarches IGP après un parcours infructueux de quinze années pour obtenir une AOC. Une « déconvenue » aussi : contrairement au jambon de Bayonne, la réglementation actuelle de l’IGP ne permet pas de protéger la zone de production des porcs. La filière a néanmoins fait le choix de référencer les éleveurs pour la fourniture des porcs charcutiers et des coches. Le cahier des charges saucisse et saucisson impose en effet 30 % de viande de porcs lourds ou coches. Ce sont surtout ces dernières qui sont utilisées. Sur les cent trente éleveurs habilités, 80 % néanmoins sont localisés dans la région Occitanie. Les 20 % restant sont situés dans l’ouest de la France. Le Syndicat des salaisons de Lacaune, qui a le rôle d’ODG, regroupe toute la filière : éleveurs, fabricants d’aliments, deux abattoirs, deux entreprises de découpe et six salaisonniers.

Une nouvelle marque collective

L’enjeu désormais est de développer les volumes de salaisons IGP. Elles ne représentent encore qu’une part très minoritaire de la production de la zone d’appellation (deux cantons : Lacaune et Murat-sur-Vèbre). En 2016, les six salaisonniers habilités ont produit 48 tonnes de saucisses et saucissons et 48 tonnes de jambon sec. Mais, la progression est significative (+ 30 % par rapport à 2015). « Pour l’instant, l’IGP nous a surtout apporté de la notoriété", reconnaît Didier Oberti, président du Syndicat des salaisons de Lacaune (ODG). "Il va falloir développer la communication pour augmenter les ventes. Mais, nos moyens sont assez limités. » Le budget annuel de communication du syndicat s’élève à 40 000 euros. Il vient néanmoins d’engager une campagne publicitaire « qui bouscule les codes de communication du secteur alimentaire » afin de hisser les salaisons IGP sur un positionnement haut de gamme. Tous les produits seront signés de la nouvelle marque collective, "C’est bon, c’est du Lacaune".

En faire « un incontournable régional »

La commercialisation des salaisons de Lacaune est centrée essentiellement sur la région Occitanie. Elles sont peu connues au-delà. « Quand on fait goûter le jambon dans les salons, il est très apprécié. Nous devons rajeunir la population de consommateurs de la région toulousaine", explique Laurence Orcival, chargée de missions démarches qualité à Midiporc (Interprofession d’Occitanie) et animatrice de la filière IGP Lacaune. "Il faut faire des salaisons IGP de Lacaune un incontournable régional. » Toutefois, en grande distribution, il n’est pas facile d’installer durablement les produits IGP dans des rayons déjà saturés, surtout en saucisse sèche et saucisson, reconnaît Pierre Milhau, le plus important transformateur : « On mettra du temps pour augmenter les volumes, mais l’IGP donne enfin une image à notre terroir, positive, qui a effet aussi sur le reste de la gamme. C’est un produit qu’il faut présenter en premier ».

L’enjeu est aussi de redonner envie aux artisans de Lacaune de s’approprier l’appellation européenne après un parcours d’obtention long et quelque peu décourageant. La zone d’appellation compte trente-trois entreprises de transformation et commerces de détail spécialisées. Mais, seulement six ont demandé l’habilitation IGP.

Protéger le nom Lacaune

La tradition charcutière de Lacaune repose en grande partie sur de petits fabricants et des revendeurs (marchés…). « Il faudrait en rapatrier un maximum dans l’IGP », espère Didier Oberti. Mais, ils ne ressentent pas forcément le besoin de s’appuyer sur une appellation contrairement aux fabricants plus importants, qui commercialisent dans la grande distribution et ne veulent pas s’astreindre à un cahier des charges, des contrôles et des cotisations. « Un gros travail à faire aussi sur la protection du nom », estime Laurence Orcival. Ce qui pourrait en ramener certains vers l’IGP. Il s’agit en effet de bien faire comprendre qu’il n’est plus possible d’utiliser le nom Lacaune hors de l’IGP, même sur des marchés de proximité. Il paraîtrait incompréhensible que les salaisons de Lacaune, « qui s’enracinent dans les siècles », ne parviennent pas à s’approprier un signe de qualité aussi protecteur et porteur de valeur ajoutée.

Une plus-value mutualisée

Les conditions de production des porcs charcutiers destinés aux IGP Lacaune portent essentiellement sur l’alimentation. Les formules d’engraissement doivent comporter au minimum 60 % de céréales, issues de céréales et graines de légumineuses. Avec l’obtention de l’IGP, une plus-value a été contractualisée entre tous les acteurs de la filière. Payée par les salaisonniers, elle varie de 5 à 30 centimes par kilo de pièces fraîches utilisées pour fabriquer des salaisons IGP selon le prix du cadran (20 centimes pour un prix compris entre 1,2 et 1,40 €/kg). Représentant encore des montants modestes, vu les volumes fabriqués, elle est mutualisée avec les plus-values des autres démarches de qualité (hors IGP Bayonne, labels rouges, Bleu blanc cœur et bio), indique le groupement APO, principal fournisseur des porcs destinés à la filière IGP Lacaune. Les éleveurs sont référencés dans plusieurs démarches et perçoivent une plus-value « filière » globale.

Une solide tradition salaisonnière

L’abattoir de Lacaune est le premier d’Occitanie pour les porcins (296 000 porcs par an dont 45 000 coches). Mais, seulement 50 % des porcs qui y sont abattus proviennent de la région et plus d’un quart de Nouvelle Aquitaine. L’activité est majoritairement assurée par la société Roussaly, filiale du groupement aveyronnais APO, qui abat et découpe 5 000 porcs par semaine. Franvial-Valtec (dont Fipso est le principal actionnaire) abat des coches. Remontant à la nuit des temps, la tradition salaisonnière de Lacaune s’est véritablement développée au cours du vingtième siècle. L’ensemble de la filière emploie 600 personnes. Lacaune a produit 800 000 jambons en 2016 (5 000 tonnes) représentant 12 % de la production nationale. Environ 20 % des salaisons de Lacaune sont commercialisées par les bouchers-charcutiers, sur les marchés locaux et en vente directe. Lacaune vient d’être reconnu « Site remarquable du goût ».

Chiffres clés

130 éleveurs agréés (60 % de l’Aveyron et du Tarn)

48 tonnes de jambon

48 tonnes de saucisse et saucisson

Abattage et transformation Un abattoir principalement (Lacaune), deux ateliers de découpe (Roussaly, Franvial-Valtec), six salaisonniers (Charcuterie de Millas, Fourgassié Frères, La Lacaunaise, Maison Milhau, Oberti et Pujol).

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