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Pourquoi le prix de l’électricité a flambé

Le prix de l’électricité payé par une majorité d’éleveurs de porcs dépend en partie du prix spot européen. Celui-ci a fortement augmenté avec le coût de production des centrales à gaz.

Depuis le 1er janvier 2016 les tarifs réglementés ont disparu pour celles souscrivant une puissance de compteur de plus de 36 kVA (catégories C2 à C4, les ex-tarifs jaunes et verts), ce qui a été le cas de beaucoup d’éleveurs de porcs.
Depuis le 1er janvier 2016 les tarifs réglementés ont disparu pour celles souscrivant une puissance de compteur de plus de 36 kVA (catégories C2 à C4, les ex-tarifs jaunes et verts), ce qui a été le cas de beaucoup d’éleveurs de porcs.
© Enedis / Louis Fauquembergue

« Personne n’a vu venir le coup. Avant l’an dernier, la facture électrique était un non-sujet, car pour nous tout cela faisait partie des charges fixes, résume cet éleveur breton très impliqué dans sa coopérative. Aujourd’hui, on cherche à s’adapter. » Mais comment en est-on arrivé là ?

Union européenne oblige, le prix de l’électricité payée en France n’est plus fixé au niveau national, sinon nous bénéficierions du niveau sans doute le plus bas d’Europe avec nos 18 centrales nucléaires, dont 56 réacteurs électrogènes, fournissant 75 % de la demande. Tous les pays sont interconnectés et l’électricité s’échange selon des mécanismes économiques similaires aux matières premières. Et compte tenu de l’impossibilité de stocker, le prix fluctue en permanence sur le marché « spot », selon l’état de la demande et de l’offre, d’où sa forte volatilité. Le prix fournisseur dépend aussi du merit order des coûts de production dépendant des technologies en œuvre (nucléaire, charbon, gaz, renouvelable). Le prix de marché est corrélé au coût le plus élevé (le coût marginal). D’où la flambée constatée depuis 2021, puisque les centrales thermiques à gaz ont vu leur coût de production exploser.

Une trentaine de fournisseurs recensés

Avec l’ouverture progressive à la concurrence du marché de l’énergie depuis le début des années 2000, toutes les entreprises peuvent accéder à des fournisseurs alternatifs à EDF-GDF. Depuis le 1er janvier 2016 les tarifs réglementés ont disparu pour celles souscrivant une puissance de compteur de plus de 36 kVA (catégories C2 à C4, les ex-tarifs jaunes et verts), ce qui a été le cas de beaucoup d’éleveurs de porcs.

Ces entreprises n’ont que l’embarras du choix d’un fournisseur, puisqu’une trentaine sont recensés. Les plus connus sont les historiques comme EDF, Engie, Total Energies, attaqués par des concurrents étrangers (Eni d’Italie, Vattenfall de Suède, Barry du Danemark, Iberdrola d’Espagne…), sans oublier des fournisseurs d’électricité verte (Mega, Mint énergie, Planète oui, Urban Solar…) et même des sites commerçants (Cdiscount énergie, Leclerc ayant arrêté en mars dernier).

 

 
Merit order du système électrique françaisLégende : Le merit order consiste à faire appel aux différentes filières de production d'électricité au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants.
Merit order du système électrique françaisLégende : Le merit order consiste à faire appel aux différentes filières de production d'électricité au fur et à mesure, en fonction de leurs coûts marginaux croissants. © Engie d'après Crédit Agricole de Bretagne

 

Difficile de s’y retrouver dans ce maquis. Il faut avoir du temps pour suivre l’évolution du marché de l’électricité, pour contacter les fournisseurs, pour obtenir leur réponse et pour éplucher les conditions de vente parfois rédigées de manière ambiguë.

C’est pourquoi un nouveau métier à double casquette est apparu : celui d’expert conseil en énergie et/ou de courtier apporteur d’affaires. « Nous avons une vision globale du marché et des stratégies des fournisseurs que nous suivons au jour le jour, ce qui nous permet de faire le tri des offres les plus adaptées, illustre Aurélien Jouault de la société de courtage Opera Energies. Nous conseillons les collectivités locales qui décident du moment où elles achètent. »

Un contrat groupé pour 2 000 compteurs

C’est le choix fait par l’Union des groupements de producteurs de viande du Grand Ouest (UGPVB). « Nous avons opté pour un cabinet de conseil en énergies qui nous aide à trouver le fournisseur et qui intervient dans la durée », explique Chloé Duvernay, chargée de mission énergie à l’UGPVB. « Le contrat groupé que nous proposons aux éleveurs permet d’avoir accès à des offres inaccessibles aux clients individuels moins consommateurs d’électricité. » Aujourd’hui, quelque 2 000 compteurs sont pris en compte pour une demande cumulée de 350 MW heures. 90 % des contractants sont éleveurs de porcs.

Sur la période 2018-2021, le coût évité moyen a été de 1 610 euros pour une consommation moyenne de 230 MW heures. « Grosso modo, le KW heure est revenu à 10-11 centimes avec une économie moyenne de 8 euros par MWh par rapport à un contrat individuel signé sur la même période », détaille Chloé Duvernay. C’était déjà très appréciable dans un monde où le prix du MWh se situait aux alentours de 50 euros avec de menues variations.

Le prochain contrat démarrant en janvier 2023 pour trois ans a été passé avec un seul fournisseur (l’italien Eni), au lieu de deux précédemment (contrat pour moins ou pour plus de 36 kVA). « Le contrat de groupe était rompu quand l’adhérent devait changer de puissance », explique Chloé Duvernay. Elle juge ce nouveau contrat « souple et adaptable ». Il comprend une partie majoritairement fournie au prix Arenh (1), tandis que le reste sera acheté quatre fois par an sur le marché de gros.

(1) Arenh : accès régulé à l’énergie nucléaire historique, voir encadré.

 

Les petits consommateurs moins exposés

Le contrat à tarif réglementé de vente subsiste pour une puissance souscrite de moins de 36 kWA.

Les petits consommateurs (moins de 36 kVA de puissance, tarif C5, ex-bleu) sont protégés par le tarif réglementé de vente (TRV). Le bouclier tarifaire mis en place par l’État a limité la hausse de l’électricité à 4 % en 2022 et à 15 % en 2023. « Pas mal d’agriculteurs ignorent qu’ils pourraient fonctionner avec cette puissance », remarque Tonio Maritato, conseiller en énergie dans sa société individuelle Tomawatt. Si la puissance contractée par l’éleveur se situe dans la tranche basse du tarif C2-C4 (par exemple moins de 100 kVA), il est envisageable de remplacer son compteur « jaune » par plusieurs compteurs « bleus », comme si le site était un immeuble avec plusieurs logements. Interrogé, Enedis confirme « pouvoir raccorder plusieurs installations électriques sur une même parcelle. Mais chaque installation doit être indépendante et séparée électriquement. Au-delà de trois points de livraison, Enedis doit mettre en place un branchement collectif. » « Actuellement, ça vaut peut-être le coup, juge Tonio Maritato, les surcoûts engendrés (abonnement et taxes locales, frais de modification) seraient à comparer aux économies de consommation. » Le coût de l’intervention d’Enedis est lié aux travaux à réaliser : modification ou déraccordement des installations, redimensionnement du réseau électrique, nombre de branchements… Ces prestations sont établies sur devis conformément à un barème fourni par Enedis. En revanche, il faut s’attendre à des délais relativement longs. « Pour un branchement simple d’une puissance inférieure à 36 kVA, sans extension du réseau électrique, le délai est de trois mois entre la validation du devis et la fin des travaux », précise Enedis.

Un enchaînement d’imprévus

L’envolée des prix énergétiques ne date pas de la guerre en Ukraine.

En 2020, la Covid-19 a fortement ralenti l’activité économique ; les cours des prix de gros du gaz et de l’électricité ont été les plus bas jamais observés.

En 2021, la reprise mondiale a tiré la demande, donc les prix, tandis que le fournisseur russe Gazprom ne remplissait pas ses stocks européens. Dans le même temps, la demande européenne en gaz augmentait pour remplacer le charbon dans les usines de production d’électricité.

S’en est suivie la baisse de disponibilité du parc nucléaire français déjà entamée en 2020 (Fessenheim fermée et 24 réacteurs en révision sur 56, puis 26 fin 2022), de sorte que fin 2021, la France a dû importer de l’électricité au prix fort, tout en restant exportatrice nette sur l’année. Le prix journalier moyen du MWh a doublé (109 euros) par rapport aux années précédentes. En décembre, le prix de base d’une livraison au 1er trimestre 2022 atteignait 772 euros le MWh.

En 2022, la situation a encore empiré après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le prix de gros a dépassé les 1 000 euros le MWh fin août. Depuis, le marché se détend, avec des cours hebdomadaires en dessous des 500 euros pour 2023. La France a réussi à remplir ses stocks de gaz, mais la question se reposera fin 2023 après la fermeture totale du robinet russe.

 

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