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Porc et biogaz : de nouvelles synergies

Méthanisation et production porcine peuvent complémentaires sur les aspects économiques et environnementaux. Des synergies existent pour optimiser la production d’énergie et limiter les rejets polluants.

© A. Puybasset

Familiers de la gestion des effluents liquides, les éleveurs de porcs ont été parmi les premiers à développer la filière méthanisation en France au début des années 2010. Alors que cette nouvelle activité connaît une progression importante notamment auprès des éleveurs laitiers et des céréaliers, la filière porcine semble hésitante et explore plusieurs voies. Ce dossier montre la diversité des projets.

Réunir toutes les conditions nécessaires pour méthaniser

À l’échelle de l’élevage, plusieurs conditions favorables doivent être réunies pour se lancer dans un projet de méthanisation avec vente d’énergie. La nécessité de réunir un potentiel méthanogène suffisant constitue la première exigence, d’autant que l’équation économique conduit à des projets de plus en plus grands. Malgré son potentiel méthanogène limité, le lisier de porc peut fournir jusqu’à un quart de la production d’énergie pour un méthaniseur de taille moyenne. La fraction solide issue d’un raclage en V est nettement plus méthanogène, de même qu’un fumier de litière accumulée. Malgré tout, d’autres substrats doivent être trouvés pour atteindre un niveau de production d’énergie suffisant. Les premiers agriculteurs-méthaniseurs ont eu recours à des déchets (graisses, résidus de céréales…) ou à des sous-produits des industries agroalimentaires. Mais ces gisements sont à présent largement utilisés. Les unités les plus récentes ont recours à des végétaux agricoles cultivés en interculture et en culture principale (maïs). Une solution pratique, mais qui peut aller à l’encontre de la fabrication d’aliment à la ferme. Par ailleurs, pour les élevages de porcs déjà confrontés à un manque de surface d’épandage, le supplément d’éléments fertilisants apportés par les déchets ou les cultures constitue également une difficulté de plus. Sur le plan humain, la baisse des actifs dans les exploitations et leur spécialisation croissante peuvent être un frein pour investir dans la méthanisation à la ferme.

Quand les déchets deviennent des ressources

À l’échelle d’une filière, le couplage du porc et de la méthanisation prend tout son sens, comme en témoigne l’inauguration du méthaniseur de Cooperl Arc Altantique à Lamballe, dans les Côtes-d’Armor. Cette réalisation est présentée comme l’aboutissement d’une économie circulaire entre les outils industriels du groupe et les éleveurs de porcs qui doivent exporter la fraction solide des déjections issue du raclage en V. Le méthaniseur crée du gaz qui est injecté dans le réseau GRDF. Il permettra de couvrir les deux tiers des besoins de la ville de Lamballe. Mais ce qui fait l’originalité de ce système, c’est la transformation des coproduits de chaque activité en ressource. La fraction solide issue des racleurs Trac constitue le « carburant » du méthaniseur. Le digestat est ensuite totalement transformé en fertilisant solide (engrais organominéral granulé) et liquide (sulfate d’ammonium), pour être ensuite vendu. Ceci est rendu possible grâce à une double technologie de stripping et d’évapo-concentration qui produit en fin de cycle une eau pure et des fertilisants concentrés.

L’association du raclage et de la méthanisation réduit les gaz à effet de serre

Techniquement, le couplage entre le raclage en V et la méthanisation apparaît comme une solution pertinente et efficace. La chambre d’agriculture de Bretagne démontre qu’il permet de minimiser les émissions de gaz à effet de serre (GES). Il permet aussi de maximiser la production d’énergie renouvelable, notamment de biométhane. Il produit également un fertilisant (digestat) 100 % recyclé, avec possiblement peu de pertes d’azote. Cet azote est plus efficace, notamment en comparaison avec celui issu des litières plus ou moins compostées.

La nécessité de réduire drastiquement les émissions de GES d’ici 2050 conduira les élevages à revoir leurs modes de gestion des déjections, pouvant aller jusqu’à l’abandon du lisier en préfosse (émetteur de méthane) ou de la litière accumulée (émettrice de protoxyde d’azote). Au regard du temps de renouvellement du parc bâtiment (environ 30 ans), c’est donc dès à présent qu’il faudrait envisager d’adopter, pour les nouvelles constructions ou rénovation, les techniques les plus à même de répondre à cet enjeu climatique.

Le biogaz des lisiers peut être récupéré dans les fosses

Pour les élevages existants, la récupération du biogaz produit par le lisier en fosse de stockage extérieure est une solution simple qui connaît à l’heure actuelle un certain développement. Le gaz est valorisé en chaudière pour les besoins de chauffage de l’élevage, l’objectif étant de réduire la facture d’énergie. Cette technique de méthanisation dite passive et à basse température, peut dans certaines situations présenter des perspectives de rentabilité à moyen terme, notamment pour les élevages avec des bâtiments naissage et post-sevrage déjà équipés en eau chaude et/ou qui doivent couvrir leurs fosses afin de réduire les émissions d’ammoniac.

Sur le plan environnemental, cette voie apparaît doublement vertueuse : elle engendre des économies d’énergie fossile (gaz, fioul) ou d’électricité, tout en réduisant les émissions de méthane et d’ammoniac des lisiers en fosse. Cependant, elle présente souvent un intérêt économique limité dans la mesure où l’énergie utilisée en autoconsommation ne bénéficie pas des mêmes soutiens que les filières classiques de méthanisation avec vente aux réseaux publics sur la base de tarifs bonifiés. Signalons que parfois, des aides à l’investissement sont néanmoins possibles. Il n’existe pas non plus actuellement de dispositif permettant de valoriser sur le marché du carbone les gaz à effet de serre ainsi évités. Or, plus encore que la production d’énergie renouvelable, c’est la réduction des émissions de méthane, puissant gaz à effet de serre, qui présente ici le plus grand intérêt au regard des enjeux climatiques.

Le biogaz épuré est injecté directement dans le réseau de gaz

Pour les éleveurs qui produisent du biogaz destiné à être vendu, l’injection directe dans le réseau de distribution apparaît comme étant une voie de développement majeure. Son principal avantage est un rendement énergétique supérieur à la cogénération : 60 à 65 %, contre 35 à 40 %. Selon GRDF, il y avait, à la fin mars, en France, 83 systèmes de méthanisation en injection directe, à 80 % d’origine agricole. Il s’agit d’une technologie récente, puisque le premier site a vu le jour en France en 2012, en Bretagne en 2015. Le rythme s’accélère : sept à huit nouvelles installations devraient entrer en fonction cette année en Bretagne, quinze à vingt l’année prochaine.

Les déjections peuvent couvrir 25 % des besoins du méthaniseur

Les déjections d’un élevage de 350 truies naisseur engraisseur peuvent couvrir environ 25 % du besoin en gaz d’un cogénérateur d’une puissance de 190 kW. En situation favorable, le plus gro de l'énergie (62%) est apportée par des coproduits de l'industrie agro-alimentaire. Les cultures intermédiaires à vocation énergétiques (Cive) cultivées sur une trentaine d’hectares complètent la ration.

Si l’accès à des déchets ou à des coproduits n’est pas possible, ce sont des végétaux cultivés qui sont alors mis à contribution pour fournir l’essentiel de l’énergie. 90-100 ha de cultures intermédiaires à bon niveau de production (6 à 6,5 tonnes de matière sèche par hectare) peuvent produire 2 600 tonnes de Cive, ce qui correspond à 42 % des besoins. Ce surcroît de production végétale demande des surfaces conséquentes et engage un supplément de travail important à certaines périodes de l’année (semis, épandage, récolte). En plus, 30 hectares de maïs ensilage à 15 tonnes de matière sèche doivent aussi être utilisés pour fournir les 33 % d’énergie manquante. La part de culture principale est ici de 10,4 % en tonnage brut. Il reste en deçà du plafond réglementaire fixé actuellement à 15 %.

Le potentiel méthanogène varie selon la forme des déjections

Nourris avec des aliments très digestibles, les porcs rejettent dans leurs déjections assez peu de matières organiques méthanogènes. Sous forme de lisier, l’effluent est peu concentré du fait de la forte proportion d’eau (91 à 97 %). De plus, la méthanisation spontanée qui débute dans les préfosses et se poursuit au stockage abaisse plus ou moins son potentiel initial. De ce fait, l’utilisation en méthanisation des lisiers de porcs sur le site d’élevage ou à faible distance est à privilégier. La fraction solide issue d’un raclage séparatif a l’avantage d’être plus concentrée en matière sèche (25 à 30 %), et de peu évoluer au stockage. Avec un potentiel méthanogène compris entre 65 et 85 m3 de méthane par tonne, son transport à moyenne distance est plus facilement envisageable. Les fumiers de porcs à l’engrais (litière accumulée) ont également un potentiel intéressant qui provient en grande partie de la paille utilisée.

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