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Noir de Bigorre, le jambon ibérique français

« De l’extinction à l’exception », telle est la ligne de conduite de la filière Noir de Bigorre, qui s’est donné les moyens de ses ambitions en se structurant économiquement et en osant l’éloge du gras.

« Nous construisons notre filière à contresens de ce qui se fait dans la production porcine conventionnelle. C’est grâce à cela que nous réussissons », soutient Marie-Claire Uchan, directrice du consortium du porc noir de Bigorre. « Apologie » du bon gras, productivité modeste du porc noir, indépendance de la filière par rapport à tout groupement économique… Avec l’obtention d’une double AOC (viande fraîche et jambon), il y a un an, et l’AOP en perspective, le Noir de Bigorre savoure l’étendue du travail accompli depuis 35 ans. Sauvegarde de la race locale, le porc gascon, mais aussi structuration d’une filière qui permet « aux éleveurs de bien vivre de leur métier et donne du sens à ce qu’ils font tous les jours, affirme la directrice du consortium. Nous sommes acteurs de notre filière que nous avons construite nous-mêmes ». La concrétisation de cette farouche volonté d’indépendance s’est faite au travers de la création de la Sica « Le Porc Noir », l’outil économique de la filière qui assure l’abattage, la découpe des carcasses et une partie de la transformation et de la commercialisation des produits. Quelque 8 500 porcs charcutiers ont été commercialisés en 2016 d’un poids moyen carcasse de 131 kg.

Le Noir de Bigorre a créé son outil économique

La Sica rassemble tous les acteurs de la filière (60 éleveurs, 3 salaisonniers, 2 charcutiers). Elle achète tous les porcs et les fait abattre à l’abattoir de Tarbes (Hautes-Pyrénées) et réalise la quasi-totalité de la découpe. Les producteurs fermiers sont peu nombreux. Elle a ouvert il y a un an son propre atelier de découpe. Un investissement de 2,25 millions d’euros subventionné à hauteur de 40 %. La Sica commercialise de la viande fraîche et fait transformer l’autre partie à des entreprises artisanales de la filière, qui ont également leur gamme propre de Porc Noir. Elle vend les charcuteries et les salaisons sous sa propre marque, Padouen, et a l’exclusivité des ventes hors du département des Hautes-Pyrénées. Elle commercialise 85 % de la production de Noir de Bigorre. Elle emploie vingt salariés dont un service commercial de six personnes. En 2016, elle a réalisé un chiffre d’affaires de sept millions d’euros. « Aucun acteur économique n’avait la puissance pour commercialiser la viande de 8 000 porcs. C’est grâce à cet outil économique que le Noir de Bigorre a pu se développer », assure Marie-Claire Uchan, qui dirige également la Sica. La construction d’un séchoir, pour augmenter les capacités d’affinage, est en projet. Pour l’instant, ils sont affinés par les Salaisons de l’Adour.

« Notre réserve d’huile d’olive »

Le marché est largement supérieur à l’offre. « En viande fraîche la filière pourrait commercialiser 130 % de la production actuelle, indique la directrice. En jambon, nous créons le marché et nous n’en connaissons pas les limites. La croissance est de 20 % par an. » Et ce n’est pas le gras, abondant dans le porc gascon et recherché (minimum 30 mm) qui freine les velléités d’achat. Bien au contraire. N’étant pas à un paradoxe près, le Noir de Bigorre a axé sa communication sur ce « bon gras ». « Il faut oser, reconnaît Marie-Claire Uchan. Nous sommes sans concurrence sur ce créneau. » Mais, la filière ne manque pas d’arguments. Des travaux de recherche réalisés avec l’université de Cáceres (Espagne) ont montré que le gras contient 50 % d’acide oléique (acide gras mono-insaturé). « C’est notre réserve d’huile d’olive », s’exclame Marie-Claire Uchan. Une autre étude aurait montré la capacité de ce gras à faire baisser le taux de cholestérol ! Outre le fait que « le goût est dans le gras », le profil équilibré en acides gras (mono et poly-insaturé) et la consommation d’herbe par les porcs (vitamine E aux vertus antioxydantes) expliquent que le gras soit très blanc et ne s’oxyde pas.

« Se développer mais à un rythme raisonnable »

« Nous sommes reconnus comme un des grands jambons ibériques », n’hésite pas à dire la directrice du consortium. À l’issue du concours qui s’est déroulé lors du dernier congrès mondial du jambon sec, le Noir de Bigorre a obtenu le deuxième prix. La filière caresse désormais le projet de développer des crus de jambons, selon l’alimentation des porcs, la durée d’affinage…

Pierre Sajous, l’un des charcutiers apprécie le « travail de cette viande et de ce gras. Tout est hors norme ». Charcutier dans un village, il a investi trois millions d’euros dans un atelier de transformation, il y a deux ans et demi. Cet investissement dit à lui seul l’optimisme qui règne dans la filière. Néanmoins, celle-ci veut garder la tête froide quant au développement de la production. « On veut se développer mais à un rythme raisonnable, affirme Marie-Claire Uchan. Le plus dur est de financer les jambons (150 € pièce) immobilisés pendant deux ans. Nous travaillons actuellement pour définir la stratégie à dix ans. » Progresser doucement mais sûrement, en restant toujours maître chez soi.

Engraissés pendant huit mois sur parcours

L’EARL de Montjoie, dans les Hautes-Pyrénées, engraisse 250 porcs Noir de Bigorre, loin de la taille maximale autorisée par la filière (450 porcs). Ils arrivent sur l’exploitation entre 2,5 à 3 mois en provenance de trois élevages naisseurs. Mâles et femelles sont castrés. « Nous les gardons 15 jours à 3 semaines en bâtiment sur paille pour effectuer une transition alimentaire, explique Pierre Gandariès. Puis, nous les engraissons dans des parcs enherbés pendant environ huit mois. » Le cahier des charges impose un séjour en parcours de six mois au minimum, un chargement maximal de 20 porcs par hectare d’herbe et un vide sanitaire de deux mois. La consommation d’aliment ne doit pas dépasser trois kilos par jour. L’exploitation produit la totalité de son aliment (37 ha de triticale, 9 ha de féverole) pour une formule comprenant 95 % de céréale et 5 % de féverole. Maïs grain, sorgho, soja et lactosérum sont interdits et toutes les matières premières doivent provenir de la zone d’appellation (Hautes-Pyrénées et cantons limitrophes des départements voisins). L’EARL fait abattre ses porcs à un poids moyen carcasse de cent soixante kilos (12-13 mois d’âge). De bonnes performances par rapport à la moyenne de la filière (131 kg, 15 mois). La filière ne souhaite pas dévoiler le prix de vente.

B. G.

Chiffres clés

60 éleveurs

900 truies en production

8 500 porcs charcutiers

Abattage et transformation Abattoir de Tarbes, découpe par la Sica Le Porc Noir, 3 salaisonniers (Salaisons de l’Adour, Pardon, Sajous).

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