Continuer ou se reconvertir : " une formation qui m’a beaucoup aidé "
Éleveur de porc depuis vingt ans, Romuald Le Strat, 45 ans, en pleine débâcle financière, accepte de s’inscrire à la formation " Continuer ou se reconvertir ". Récit un an après d’une reconversion synonyme de reconstruction.
Éleveur de porc depuis vingt ans, Romuald Le Strat, 45 ans, en pleine débâcle financière, accepte de s’inscrire à la formation " Continuer ou se reconvertir ". Récit un an après d’une reconversion synonyme de reconstruction.

" J’étais au fond du trou… Claude Legoff, conseiller en gestion à la chambre d’agriculture m’a indiqué qu’une session réalisée avec la MSA et la chambre allait débuter, que ça allait m’aider à y voir plus clair. Et cette formation, ça aide ", ne cache pas Romuald Le Strat. Depuis la large baie vitrée de la maison familiale, l’œil bute sur les bâtiments d’une exploitation qui n’est plus la sienne. Un élevage de 230 truies naisseur-engraisseur sur 135 hectares (essentiellement en location) à Noyal-Pontivy dans le Morbihan, d’abord mené avec ses parents, puis avec un salarié dès 2009, jusqu’à son démembrement l’an passé.
L’histoire de Romuald Le Strat aurait pu s’écrire autrement. La première difficulté arriva en 2005. Suite à " des soucis sanitaires ", il est obligé d’instaurer un vide sanitaire complet avec rachat de cheptel. "J’ai perdu beaucoup d’argent mais les banques m’ont suivi parce que les résultats techniques étaient bons. " Le rachat de la ferme au moment du départ en retraite de ses parents, la crise du porc à partir de 2010, la mise aux normes « bien-être » n’arrangèrent guère ses finances. " J’avais un fonds de roulement qui me permettait de payer, avec retard, mais de payer quand même mes fournisseurs. » Décalée d’une année, une échéance de prêt dont la reconduction était passée à la trappe tomba brutalement. Le calcul est vite fait. " Vus mes encours de crédit, la dette fournisseurs… il aurait fallu que le prix du cochon soit à 1,50 euro pendant dix ans pour que je puisse rembourser ma dette en me prélevant un salaire de 600 euros mensuel… Impossible ! ", raconte ce papa de trois enfants. " Ma femme venait juste d’être licenciée. Tout partait en vrille ", enchaîne-t-il le regard plongé sur l’épais dossier de la mise en liquidation judiciaire de l’EARL.
"J’ai toujours parlé, je n’ai jamais caché "
Suivent des mois très difficiles. " Aller voir les parents et leur dire qu’il faut que j’arrête. » Affronter les fournisseurs, " le garagiste, l’artisan et l’entrepreneur du coin, ceux avec qui on tisse des liens, d’amitié souvent. » Commencer les premières démarches pour vendre cheptel et bâtiments. Continuer à se lever le matin malgré " le dégoût de travailler pour rien. Je me suis aidé comme je pouvais, avec mes amis, mon réseau. Je suis allé voir un psy. Il ne faut rien négliger, sauf les cachets ". Classieux, le salarié avec lequel il travaillait depuis 24 ans, " a démissionné. Un mec super. Il a retrouvé tout de suite du boulot".
C’est lors d’un entretien avec le conseiller en gestion de la chambre d’agriculture que Claude Legoff lui suggère de suivre la formation " Continuer ou se reconvertir ". " Je m’y suis inscrit. J’étais dans l’optique de cesser mon activité mais je n’avais aucune idée de la manière dont ça allait pouvoir se faire. " Trois jours en immersion totale. " C’est comme un séminaire, on était 12. Il y a une réelle cohésion de groupe ", raconte-t-il, convaincu de l’utilité de la démarche, même " si c’est dur. J’étais sans doute le pire au niveau financier mais quand la santé ou des histoires de mésentente s’en mêlent… ". Des récits de vies " qui obligent à relativiser sa situation ". La vertu de la parole, " c’est ça qui fait du bien. " Une rencontre avec un travailleur social est organisée. Un bilan de compétences est ébauché. " On a l’impression de ne rien savoir faire quand on est dans le trou. Mais pour être agriculteur, il faut savoir faire tellement de choses. " Il y a l’accès à de très nombreuses informations, financières, juridiques et sociales, et " toutes les démarches à entreprendre, dont celle d’aller voir un homme de loi. J’ai eu le nom d’un avocat rennais spécialiste du droit rural. Quand on l’a rencontré, on l’a quitté enfin soulagés, avec une ligne directrice. Je pouvais me reposer sur quelqu’un ». La procédure de sauvegarde judiciaire est lancée par l’avocat et le plan prononcé par le tribunal.
Depuis mars 2017, Romuald Le Strat a retrouvé du travail dans un lycée agricole où il accompagne le responsable d’exploitation sur 50 % de son temps et, pour le reste, " j’enseigne à des CAP, à des élèves en seconde et terminale. Quand j’ai des questions, j’explique et ne cache rien ", affirme cet homme qui a gardé contact avec les membres de sa session " Continuer ou se reconvertir ", sa " tribu ". Et c’est pour témoigner de son parcours qu’il y est revenu, en mars 2017. " En un an, beaucoup de choses avaient changé ", sans rien omettre d’un parcours difficile. En décembre, la liquidation de l’EARL devait être définitivement close, la dette apurée. Le couple n’a pas explosé, la maison est conservée. Bien loin d’un happy end pour autant. S’il dit aller mieux, il estime qu’il faut, " si possible, se faire aider. La formation m’a beaucoup aidé. Il faut y être prêt ".