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Le rendez-vous Experts IFV
Plantation d’une vigne : il faut savoir anticiper !

Les décisions techniques liées à une plantation engagent le viticulteur pour plusieurs décennies. Anticiper le projet au moins trois ans à l’avance permet d’assurer pleinement les étapes essentielles à sa réussite. Du repos du sol à la plantation, voici les conseils pour chaque étape clés de la plantation.

Du repos de la parcelle à l'entretien des jeunes vignes, toutes les étapes comptent pour assurer la réussite de la plantation. L'anticipation est la clé du succès.
© IFV

 

Étape 1 : L’indispensable repos du sol

Il est fortement conseillé, en toutes circonstances, de respecter un minimum de dix-huit à vingt-quatre mois entre arrachage et replantation. Mais les réalités économiques font que cette préconisation n’est souvent pas respectée. Outre les avantages liés à la structuration du sol et à la reconstitution du stock d’humus, un repos de cinq à sept ans est efficace pour retarder la contamination des jeunes plants par le court-noué, virose transmise par des nématodes du sol et qui affecte de très nombreuses parcelles.

La dévitalisation avant arrachage et l’extirpation soignée d’un maximum de racines permettent d’améliorer significativement l’efficacité du repos, et limiteront aussi les risques de pourridié racinaire. Certains couverts végétaux à base de plantes antagonistes du nématode Xiphinema index (avoine, trèfle violet, lupin blanc, sainfoin, lotier, luzerne…) peuvent réduire les populations du vecteur dans le sol, tout en ayant pour certaines un effet « engrais vert » intéressant. Ce double rôle est décrit dans le projet Jasympt sur le site du Plan national dépérissement vigne.

 

 

Étape 2 : Un diagnostic complet du sol

La préparation du sol a pour objectif d’assurer un enracinement optimal des jeunes plants, en permettant notamment une bonne circulation de l’air et de l’eau dans les horizons exploitables. L’idéal est de réaliser préalablement un diagnostic complet, suivant plusieurs approches complémentaires :

- Situation générale de la parcelle : altitude, pente, concavité, exposition, zones d’hétérogénéité…

- Dans le cas d’une replantation, tenir compte de l’observation des vignes précédentes : hétérogénéité parcellaire, vigueur, sensibilité à la sécheresse, aux carences, zones d’asphyxie, comportement du porte-greffe…

- Interprétation de fosses pédologiques : examen des différents horizons (texture, humidité, structure, compaction…)

- Réalisation d’analyses physico-chimiques sur les horizons représentatifs (sol et sous-sol).

 

Les paramètres essentiels sont : granulométrie, pHeau et pHKCl, taux de matière organique, azote total, rapport C/N, capacité d’échange cationique, cations échangeables (calcium, potassium, magnésium et sodium), calcaire total et actif pour les sols carbonatés. En sols acides, avec une longue antériorité de culture de la vigne, on pourra ajouter la mesure d’oligo-éléments importants comme le bore (attention aux carences sur jeunes vignes), et le cuivre (risques de toxicité).

Étape 3 : Déterminer la fumure de fond

À partir du diagnostic du sol et des objectifs futurs de production de la parcelle, on déterminera la fumure de fond nécessaire au bon développement de la plantation. Elle a pour but d’améliorer les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol, et d’emmagasiner en profondeur des réserves d’éléments nutritifs peu mobiles.

Les priorités sont, en la matière, le redressement du pH en sols acides (amendement calcaire, voir calco-magnésien si nécessaire, à incorporer plusieurs mois avant la plantation), la matière organique et la fumure potassique (carences couramment observées, parfois très graves, longues à corriger et fortement préjudiciables sur le long terme).

Les carences en bore, spécialement en sols acides, s’avèrent également très pénalisantes. En revanche, l’apport d’azote minéral n’est pas recommandé sur le plantier avant la première mise à fruit, tout au plus un amendement organique à minéralisation lente peut être effectué en sol très pauvre. Ce dernier peut être incorporé par un labour n’excédant pas 20 à 30 cm. En effet, des cas graves d’asphyxie des plantiers ont été observés à la suite de l’enfouissement en profondeur de matières organiques peu décomposées.

Enfin, le travail du sol doit toujours se faire sur un terrain bien ressuyé, sous peine de lissage et de compaction potentiellement très problématiques. Un décompactage préalable au labour permet d’aérer le sol et le sous-sol. En sols argileux, il peut s’effectuer avant l’hiver précédant la plantation, si le sol est suffisamment sec en profondeur, ce qui a pour avantage d’émietter la structure durant l’hiver.

Le conseil de l’expert. Le développement du plantier doit être vigoureux les premières années (sans excès résultant par exemple de l’apport d’azote minéral). La croissance racinaire et celle de l’appareil végétatif sont étroitement liées en situation d’équilibre, et une plante qui souffre exagérément dans sa jeunesse ne développe pas, contrairement à une idée encore répandue, un appareil racinaire plus puissant « obligé » de plonger pour trouver ses ressources, bien au contraire.

Étape 4 : Le choix du matériel végétal

La variété à planter s’inscrit toujours dans un compromis entre contraintes technico-économiques (encépagement d’une appellation, type de vin souhaité, marchés…), exigences du milieu physique (conditions pédo-climatiques, topographie…), et caractéristiques agronomiques et œnologiques de la variété (phénologie, sensibilités, potentiel de production, paramètres qualitatifs à maturité…).
 

Le choix du porte-greffe, parfois négligé, s’avère prépondérant à de nombreux titres et doit répondre à 2 objectifs : obtenir une vigueur équilibrée en contournant un certain nombre de difficultés (carences, stress hydrique…), et atteindre les objectifs de production (rendement, qualité des produits, régularité, longévité). 31 porte-greffes sont aujourd’hui inscrits au Catalogue officiel des variétés de vigne, mais les 6 premiers représentent régulièrement plus de 75 % des greffages. Des expérimentations sont en cours à l’Inrae de Bordeaux, afin d’évaluer des porte-greffes étrangers susceptibles d’élargir la gamme des comportements et de proposer, par exemple, des adaptations plus fortes à des périodes de sécheresse.
 

Le choix du clone de la variété, s’il n’a aucune incidence a priori sur la réussite technique d’une plantation, doit être raisonné en fonction des objectifs de production et des contraintes du milieu. Les quelque 1 300 clones agréés en France et développés sous la marque Entav-Inra, grâce au travail des 36 partenaires régionaux de la Sélection vigne, offrent pour de nombreux cépages des options aux viticulteurs concernant certains paramètres importants (production, vigueur, maturité…).

Les caractéristiques des cépages, clones et porte-greffes inscrits en France sont disponibles sur le site : plantgrape.plantnet-project.org.

Étape 5 : La gestion de la commande de plants

La production des plants s’étale sur six mois (plants en pots) à plus d’un an (traditionnels), auxquels il faut rajouter la période d’approvisionnement en matériel végétal pour le pépiniériste. C’est pourquoi les commandes doivent être effectuées auprès du pépiniériste seize à dix-huit mois avant la plantation prévue, pour s’assurer de la bonne disponibilité des assemblages choisis.

 

Dès la commande, il faut être précis sur le choix du porte-greffe, du cépage et des clones souhaités, et sur la quantité réellement nécessaire (vérifier les surfaces, tenir compte des tournières), dans le but de limiter les problèmes de retour de matériel.

La commande se fait par écrit, ainsi que la confirmation par le pépiniériste, qui doit préciser le prix et la date prévue de livraison.

Le prix des plants suit une cotation de marché, et peut varier en fonction du porte-greffe et de la variété (les variétés résistantes d’obtention récente, par exemple, sont aujourd’hui plus chères).

L’étiquetage réglementaire des plants est obligatoire. Il comporte la désignation de la marchandise, sa quantité, le nom du pépiniériste ou son numéro etc. La couleur de l’étiquette indique la catégorie de matériel : blanc (base, destiné à l’implantation de vignes-mères), bleue (certifié), jaune (standard). L’étiquette sert également de passeport phytosanitaire à l’intérieur des pays de l’UE.

Après tri, un plant marchand doit répondre à des normes strictes (calibre, longueur, soudure, enracinement).

Le viticulteur doit vérifier à réception les points suivants :

- solidité de la soudure par pression du pouce (sauf pour les plants en pots !). Attention un gros bourrelet n’est pas toujours signe de qualité, l’important est sa répartition sur tout le périmètre et sa solidité.

- fraîcheur des racines : c’est un indicateur de la qualité des conditions de stockage et de l’aptitude du plant à se développer. Les racines ne doivent pas être desséchées, ce qu’on peut apprécier par une coupe au rasoir de l’écorce. Pour les plants en pot, les racines doivent largement sortir du pot, et la pousse être vigoureuse.

Étape 6 : La plantation et l’entretien des plantiers

- Plants traditionnels.
Les techniques employées doivent s’adapter au type de plants reçus. Les plants traditionnels se plantent, selon les conditions climatiques et la nature du terrain, de février à fin mai, voire juin. Il est fortement recommandé de les réhydrater au moins 24 heures dans des bacs d’eau, afin de les mettre en conditions poussantes, particulièrement si l’on plante tard en saison.

Les racines sont taillées de façon à s’adapter à l’outil de plantation. Des observations ont mis en lumière certains problèmes liés à des plantations racines longues (machines à socs profonds), où l’ensemble du chevelu racinaire est ramassé dans un même axe au fond du sillon, ce qui occasionne au vieillissement des problèmes d’étranglements et de mauvaises explorations racinaires, alors que la vigueur de développement les premières années apparaît comme très bonne.
Le bourrelet de soudure doit dépasser du sol d’environ 5 cm pour éviter l’affranchissement et faciliter l’épamprage. Quel que soit le mode de plantation, il faut éviter la création de poches d’air entre les racines et la terre.

- Plants en pot.
Selon les conditions climatiques et la nature du terrain, les plants en pot peuvent être plantés de mi-mai à juillet. En cas de plantation manuelle, il ne faut pas tasser la terre au pied, seule l’eau d’arrosage le fera, suivie d’un éventuel apport complémentaire de terre fine dans le trou, qui devra cependant ménager une cuvette pour les arrosages ultérieurs (à prévoir, potentiellement assez nombreux).

Conseil expert. Le stress hydrique est très préjudiciable aux jeunes plants, et menace leur survie immédiate et leur bon développement ultérieur. Pour cela, il est impératif d’arroser abondamment lors de la mise en terre, et autant que nécessaire en fonction des conditions et du type de sol (filtrant, argileux…).

 

La protection phytosanitaire est à envisager dès le départ de la végétation, en fonction des conditions météo : les jeunes pousses sont très sensibles au mildiou, et doivent être protégées pour permettre un aoûtement correct en fin de saison, sous peine de pertes potentiellement très importantes. De même, l’entretien du sol doit absolument limiter la concurrence par les adventices. En complément, un entretien mécanique les premières années stimulera la croissance racinaire.

 

 

 

* Olivier Yobrégat est responsable du matériel végétal vigne au Pôle Sud-Ouest de l’IFV à Lisle-sur-Tarn

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