PestiRiv : que dit précisément et objectivement l’étude sur le lien entre vignes et exposition aux pesticides ?
Un étude d'ampleur nationale fait la lumière sur l'exposition des riverains de zones viticoles aux produits phytosanitaires. Quelles conclusions réelles en tirer ?
Un étude d'ampleur nationale fait la lumière sur l'exposition des riverains de zones viticoles aux produits phytosanitaires. Quelles conclusions réelles en tirer ?
Elle se veut un modèle du genre. Pour la première fois, l’Anses et Santé Publique France ont réalisé conjointement une étude d’ampleur nationale, PestiRiv, pour savoir si, oui ou non, habiter à proximité de champs (de vignes en l’occurrence) expose davantage la population aux produits phytosanitaires. Après présentation des résultats et lecture du rapport, nous avons envie de conclure : oui, mais !
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Une sur-imprégnation probable en zone viticole
Pourquoi une telle pondération de notre part, là où la plupart des médias iront droit au but ? Parce que les experts concluent effectivement qu’il existe « une sur-imprégnation très probable ou probable des personnes vivant en zones viticoles, en comparaison avec les personnes vivant en zones non viticoles », et communiquent sur un niveau de contamination des urines plus élevé, compris entre 15 et 45 %.
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Folpel, cuivre ou encore glyphosate passés au crible
Dans le détail, cela dépend du biomarqueur sur lequel on se base. En effet, le rapport fait état de six molécules recherchées sur cet élément précis de comparaison. Et il conclut à une sur-imprégnation urinaire « très probable » par l’ethylène-thiourée (ETU, métabolite des dithiocarbamates) et par le folpel, « probable » par l’AMPA (métabolite du glyphosate), mais « non démontrée » par le cuivre et le TEB-OH (métabolite du tébuconazole) et « insuffisamment caractérisée » pour les résidus de pyréthrinoïdes. Notons au passage que les prélèvements ont eu lieu en 2021 et 2022, et que les deux derniers dithiocarbamates disponibles en vigne (mancozèbe et métirame) ont été retirés en 2022 et 2024.
De même, le rapport conclut à "une sur-imprégnation très probable ou probable des riverains de vignes lors de la période de traitement des vignes, en comparaison avec la période hors traitement". Encore une fois, le détail des résultats sur les urines indique que cela est très probable pour le TEB-OH et le folpel, probable pour les pyréthrinoïdes, mais non démontré pour le cuivre et insuffisamment caractérisé pour l'ETU et l'AMPA. Sur cheveux, c'est probable pour l'amétoctradine et le dimétomorphe (également retiré depuis l'étude), mais insuffisamment caractérisé pour les 12 autres biomarqueurs. Ce qui fait écrire aux auteurs dans la conclusion de l'étude que, concernant la période de traitement, "l’influence de la présence de vignes et de leur traitement potentiel sur cette augmentation est difficile à caractériser."
Des métabolites de phytos à la même hauteur que dans la population générale
Par ailleurs, les experts indiquent que « la majorité des biomarqueurs urinaires recherchés dans PestiRiv sont quantifiés dans la quasi-totalité des échantillons ». Ce qui veut dire que l’on trouve des métabolites de produits phytosanitaires dans quasiment toutes les urines des participants. Oui, mais à quelle hauteur ? La réponse est inscrite noir sur blanc dans la conclusion du rapport : « les niveaux d’imprégnation mesurés chez les personnes vivant en zones viticoles sont globalement du même ordre de grandeur que ceux observés en population générale en France ou à l’étranger lorsque des données sont disponibles ».
Aucune différence dans les cheveux
De même, les auteurs indiquent que les analyses sur les cheveux ne montrent pas de différences entre les zones viticoles et non viticoles, sauf pour l'amétoctradine, et seulement chez les enfants lors des périodes de traitement. Les experts ont d'ailleurs pointé du doigt l'incertitude de ce genre de mesures lors de la conférence de presse.
Un autre point de modération de notre part concerne les résidus de pesticides trouvés dans les poussières des habitations. Si l'Anses a souligné le fait qu'ils peuvent être jusqu'à 1000 fois supérieurs en zone viticole et 700 fois en période de traitement, chiffres largement repris dans la presse, il s'agit de valeur maximales et non de moyennes. Alors que pour la cyperméthrine par exemple, la valeur minimale est certes 10 ng/g et la maximale 797 000 ng/g, mais la moyenne est de 996 ng/g en zone viticole hors période de traitements, 981 ng/g en zone non viticole et 3527 ng/g en zone viticole lors des périodes de traitement. Donc " jusqu'à " 80 000 fois plus, mais 3,5 fois supérieur en moyenne !
Dès lors, quelles conclusions doit-on tirer de cette étude PestiRiv ? " On observe des imprégnations et des gradients, mais pas de risque ou d'alerte ", a assuré lors de la conférence de presse Charlotte Grastilleur, en charge des AMM à l'Anses, en espérant qu'elle ait été entendue par nos confrères.
L'Anses recommande de limiter l'usage des phytos au strict nécessaire
Une affirmation qui ne doit pas pousser à l'immobilisme, car on se doute aisément qu'une plus grande exposition des riverains ne peut aller que dans le sens d'un plus grand risque pour la santé. Aussi l'Anses recommande, en vertu du principe de précaution, de limiter les produits phytosanitaires au strict nécessaire par la mise en œuvre effective de la stratégie Ecophyto 2030. "Car l'étude a également montré que le facteur qui influence le plus l'exposition, c'est la nature des pratiques agricoles, bien avant le contact le temps passé dehors ou bien l'aération des logements et l'alimentation", relate Ohri Yamada, chef d'unité phytopharmacovigilance à l'Anses.
Une étude d'ampleur nationale
Cette étude a été réalisée entre 2021 et 2022 dans six régions viticoles françaises : Grand Ouest, Bourgogne Franche-Comté, Auvergne Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, sur 1 946 adultes et 742 enfants "dont une partie vivait à moins de 500 m des vignes et l'autre à plus de 1 000 m de toute culture", précise le communiqué de presse. Les enquêteurs ont recherché la présence de 56 molécules dans au moins l'un des compartiments suivants : "les urines et et les cheveux des participants, les poussières et l'air intérieur des habitations et dans l'air ambiant", poursuit le document.
Le montant total de l’étude s’élève à environ 11 millions d’euros. Elle a été financée principalement par une dotation de l’OFB (Office français de la biodiversité) (7,6 M€) par des fonds propres des partenaires, ainsi que par de la taxe affectée à l’Anses au titre de la mission de phytopharmacovigilance.