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François de Chénerilles en Indre-et-Loire
Vacciner en prévention du piétin

à Azay-le-Rideau, l'éleveur a repris le contrôle sanitaire de son troupeau en le vaccinant.

De son deuxième travail où il est réserviste de l’armée française, François de Chénerilles a conservé la rigueur. Il conduit son troupeau de 550 brebis allaitantes d’une main ferme. Il ne laisse rien au hasard sur son exploitation d’Azay-le-Rideau, en Indre-et-Loire. Pourtant, tout n’a pas été facile depuis son installation en 1986. À l’époque, il avait 300 brebis et lorsqu’il a acheté ses premiers béliers inscrits, ceux-ci se sont révélés porteurs de piétin. Tout son troupeau a rapidement été contaminé. Dès lors, la maladie est devenue la bête noire de cet éleveur de 53 ans. Il a enchaîné les soins par pédiluve, tous les 10 à 15 jours. Il a taillé les onglons de ses brebis deux fois par an. Rien n’y a fait et c’est 70 à 80 % de son troupeau qui était touché par des boiteries. L’éleveur explique : « Les brebis boitaient, avaient du mal à marcher ou même à se relever. J’ai constaté de gros problèmes de lactation et des problèmes à la mise-bas. » En effet, lors de l’agnelage, il doit faire face à de nombreux cas de retournement de matrice. Les béliers, tous atteints, étaient de fait moins efficaces, avec une activité sexuelle en berne et une fertilité impactée. La productivité numérique a donc rapidement été affectée. « Même lors de la tonte, cela posait problème ! Les pattes sont très sensibles avec le piétin et les brebis se débattaient, la tâche devenait compliquée pour le tondeur ! », se remémore l’éleveur de moutons.

Vaccination annuelle du troupeau reproducteur pour prévenir

Pour sortir de cette situation intenable, François de Chénerilles a travaillé avec sa coopérative. Les vétérinaires de Terrena et lui-même ont mis sur pied un plan de vaccination préventif pour tout son troupeau. Brebis, agnelles et béliers sont vaccinés chaque année. Les agneaux qui vont être abattus passent au pédiluve en préventif. « Les brebis passent fréquemment en contention pour la pose d’éponge, l’insémination, les vaccins, la tonte, etc. on voit donc facilement lorsque l’une d’elles est boiteuse », précise l’éleveur. Le vétérinaire va catégoriser en compagnie de l’éleveur les animaux selon s’ils sont sains ou non et le cas échéant la phase d’infection dans laquelle se trouve l’animal. Si l’infection est dans les premiers stades, tels que le mal blanc par exemple, l’éleveur va effectuer le parage des onglons, couper les parties qui nécrosent et appliquer des soins locaux sous forme de spray ou mettre l’animal sous antibiotiques. « Par contre, les animaux qu’on identifie comme étant incurables, on les réforme immédiatement », indique Marie-Anne Le Fol, la vétérinaire en charge du suivi de l’élevage. Une à deux fois par an, suivant le forfait choisi par l’éleveur, elle effectue une visite sanitaire de l’élevage. Tout est inspecté, cela permet de faire ressortir des problématiques que vétérinaire et éleveur vont tenter de résoudre ensemble. Par exemple, la propreté des bâtiments est un point important. « Je fais un nettoyage entre chacun des six lots de brebis, je cure trois à quatre fois par an et je désinfecte complètement les bâtiments une fois par an », détaille François de Chénerilles. De même, il faut être vigilant quant à l’équilibre de la ration, car tout excès ou carence peut générer de l’immunodéficience et favoriser l’apparition de boiterie. Il surveille particulièrement les signes d’acidose, de toxémie ou de diarrhée. L’éleveur tourangeau apporte une complémentation en zinc et vitamine A, ce qui permet de renforcer la corne des onglons et respecte l’équilibre calcium-phosphore des rations.

Chaleur, humidité et concentration d’animaux favorisent le piétin

Les deux pics de risque sont à la fin de l’hiver et au début du printemps. Lorsque les brebis ont passé beaucoup de temps en bergerie, la concentration animale est forte, le niveau de la litière est très important et la température et l’humidité sont élevées, ce qui favorise l’apparition du piétin. "Je ne laisse pas mes brebis plus de deux mois en bergerie, ce qui limite les risques, en dehors des accidents de boiterie", témoigne l’éleveur. Lors de la mise à l’herbe, le risque est également élevé car l’herbe est haute et encore bien humide et les brebis ont les pieds plus fragiles après avoir passé du temps sur la litière à l’intérieur. Aujourd’hui, il a en moyenne une brebis et deux béliers qui boitent en simultané sur l’exploitation. Si une brebis reçoit le vaccin alors qu’elle boite déjà, trois semaines plus tard les symptômes ont disparu. Cependant un effet secondaire du vaccin est à noter, avertit François de Chénerilles : « un abcès a tendance à apparaître au point de piqûre. Je n’en connais pas encore la cause, j’ai averti MSD qui fabrique le vaccin mais pour l’instant il faut faire avec. Il est conseillé de mettre les doses de vaccins à température ambiante une heure avant l’injection » Il a donc repris le contrôle de la maladie, mais pour arriver à ce résultat, il a fait preuve de rigueur. « On entend tout et son contraire sur la posologie des vaccins. Je n’ai pas fait l’erreur d’injecter des demi-doses pour les bêtes plus petites », affirme-t-il, droit dans ses bottes. Marie-Anne Le Fol opine : « quel que soit l’âge, la taille ou le sexe de l’animal, la dose reste inchangée et si jamais l’injection est plus petite que prévu, le vaccin n’agira pas. »

Un euro pour une dose de vaccin

Le coût du vaccin n’est pour autant pas négligeable, il faut compter environ un euro pour une dose d’un millilitre. Le laboratoire MSD qui commercialise Footvax, l’unique vaccin pour le piétin des ovins, fonctionne pour 10 souches de bactéries responsables de la maladie. Les agneaux ne sont pas à traiter car ils sont vendus autour de 114 jours. Les agnelles de renouvellement sont vaccinées à trois mois environ, en mai, lorsque les lots sont constitués. La primo-injection se fait en deux fois, les deux injections devant être espacées de quatre à six semaines. « Ça devient un peu compliqué de prévoir les dates de vaccinations entre tous les travaux à faire, s’inquiète François de Chénerilles. Il faut jongler entre les différents vaccins, les autres traitements, les stades physiologiques et les pics de risques… » La vaccination a aujourd’hui lieu en juin, au moment de la tonte. « Ça permet d’une part de mieux voir là où on pique et d’autre part, cela permet d’éviter de contaminer l’aiguille par contact avec la laine qui n’est pas toujours très propre », prévient Marie-Anne Le Fol. La période convient également pour les béliers, qui ne doivent pas être vaccinés dans les deux à trois mois précédant la lutte, afin d’éviter d’éventuelles fièvres qui compromettraient la spermatogénèse et donc la fertilité. Le rappel doit être fait au maximum un an après et, ce, tous les ans.

Les vaccins pour prévenir

La vaccination permet de réduire les infections du troupeau. Rappel de l’intérêt de la prévention en élevage ovin.

« Mieux vaut prévenir que guérir » recommande l’adage populaire. En médecine vétérinaire aussi, la vaccination permet de prévenir l’apparition de maladie. « Si l’élevage ovin est plutôt mal fourni en pharmacie par rapport à d’autres espèces, il est heureusement bien outillé en vaccins », observait Raphaël Jaquet, vétérinaire pour MSD santé animale, lors des rencontres Longimpex de juin à Limoges.

La vaccination consiste à introduire une préparation antigénique dérivée ou proche d’un agent infectieux déterminé, de manière à créer une réponse immunitaire capable de le protéger contre la survenue d’une maladie liée à cet agent infectieux. Les jeunes ayant un système immunitaire immature et non rodé, la vaccination leur apporte une protection avant de rencontrer l’agent infectieux.

Un protocole vaccinal à élaborer avec son vétérinaire

Pour les adultes, la vaccination vise à limiter les pertes économiques liées aux maladies (mortalité, perte de poids…). On limite l’infection primaire de l’animal ainsi que la réplication et le portage. Moins malades, les animaux ont moins besoin d’antibiotiques et moins besoin de temps de soins. « Un programme de vaccination doit être raisonné en fonction du risque sanitaire et économique, explique Raphaël Jaquet. On regarde alors les données épidémiologiques locales et ce qui s’est passé dans le troupeau. Il n’est peut-être pas opportun de vacciner pour une maladie s’il y a peu de risque pour ce pathogène et peu d’introductions de nouveaux animaux. » De la même façon, une sortie de schéma vaccinal doit être planifiée après discussion et évaluation du rapport risque/bénéfice. « On n’arrête pas la vaccination sans prévenir son vétérinaire », résume Raphaël Jaquet en citant l’exemple de la toxoplasmose réintroduite dans un troupeau par un chat passant dans la pâture…

La vaccination des brebis et agnelles doit être planifiée pour ne pas interférer avec la reproduction. En effet, la vaccination peut provoquer une hyperthermie préjudiciable à la survie de l’embryon. Pour protéger des maladies néonatales, la vaccination des agnelles et brebis doit être commencée deux mois avant la mise bas dans un schéma de primo-vaccination en deux injections afin de conférer une immunité passive et être efficace.

Vacciner les animaux en bonne santé

Bien sûr, la maîtrise du risque infectieux ne repose pas uniquement sur la vaccination. « Si les conditions d’hygiène, de logement ou d’alimentation sont mauvaises, ce n’est pas le vaccin qui va tout régler ». D’ailleurs, il ne faudrait vacciner que les animaux en bonne santé. Si le vaccin protège un individu, on recherche en ovin plutôt la protection collective de tout le troupeau. L’immunité d’un troupeau est d’autant plus importante que la proportion d’animaux vaccinés augmente.

Les vaccins peuvent être avec des antigènes inactivés ou contenir des microorganismes vivants mais rendu moins virulents. Dans ce dernier cas, il est important de les garder au frais pour que le virus, la bactérie ou le parasite vaccinal arrive vivant et en quantité suffisante. « Il ne faut pas geler les vaccins et il faut les remettre à la température de l’animal avant l’injection », recommande le vétérinaire, prévenant.

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