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Une ferme reprise de justesse

En Haute-Loire, Adrià Gomez a repris l’élevage de Bernard Delabre, inscrit tardivement sur le Répertoire départ installation. Depuis un an, Adrià a pris ses marques sur la ferme mais alerte sur l’aspect travail.

À la demande d’Adrià Gomez (24 ans), Bernard Delabre (64 ans) vient parfois donner un coup de main ou conseiller le jeune éleveur. © D. Hardy
À la demande d’Adrià Gomez (24 ans), Bernard Delabre (64 ans) vient parfois donner un coup de main ou conseiller le jeune éleveur.
© D. Hardy

Il était temps ! C’est en 2016, à 62 ans que Bernard Delabre commence sérieusement à s’inquiéter de sa transmission. En revenant d’une formation de préparation à la retraite du CER 43, l’éleveur de 550 brebis blanches du Massif central décide d’inscrire son exploitation de Vezezoux en Haute-Loire sur le Répertoire départ installation. « Je m’y suis mis sans trop y croire, se remémore Bernard. Mes deux enfants n’étaient pas intéressés par la ferme mais je me suis dit que ça serait bête de s’arrêter sans la proposer à d’autres ». Il recevra quelques visites « peu sérieuses » et celle d’Adrià Gomez.

Le jeune homme de 24 ans aujourd’hui a passé un Bac STAV à Bourges (Cher), un BTSA gestion et protection de la nature à Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme) et il caresse l’idée de s’installer éleveur tout en travaillant comme salarié dans un élevage ovin laitier et allaitant de Lozère. « Je me suis inscrit au Répertoire départ installation avec une idée assez précise de ce que je voulais : en ovin viande, dans le Massif central, avec des races locales, pas en Gaec. » Il ne visitera qu’une seule exploitation, celle de Bernard Delabre. « Je suis venu à un samedi de l’été 2016 pendant la moisson avec ma compagne. J’ai fait le tour des terres puis je suis revenu une semaine à la Toussaint puis plusieurs fois encore. »

Partage des livres de compte

Dans cette exploitation de 125 hectares, Adrià apprécie la présence de pelouses, de landes et bois pâturés. « Les terrains sont légers et séchants mais la présence de ces terres permet de diversifier l’alimentation du troupeau. Et si les moutons ne vont pas dans ces prés escarpés, le territoire s’enfricherait… »

Le courant passe avec le cédant et Adrià se fait embaucher dans le groupement d’employeurs que Bernard utilise avec des voisins. Ensuite, Adrià devient salarié de l’exploitation de mars à décembre 2017. En parallèle, Adrià peaufine son étude technique avec la chambre d’agriculture et l’étude économique avec l’Afocg 43. Il se base pour cela sur les trois derniers livres de compte que Bernard lui transmet. « Nous aurions aimé faire un contrat de parrainage mais c’était compliqué pour des raisons administratives », regrette Bernard Delabre.

Les quarante propriétaires sont d’accord pour louer le foncier

Le cédant et le repreneur parviennent à s’entendre sur le prix de cession qui ne concerne que les animaux, du matériel plutôt âgé, le bâtiment tunnel datant de 1984 et le silo. Les hangars et la bergerie en dur restent la propriété du groupement foncier agricole (GFA) familial qui les loue à Adrià. L’ensemble de la reprise est estimé à 150 000 euros dont 47 000 euros pour le troupeau. « Des installations viables à 150 000 euros, il n’y en a pas beaucoup dans le monde agricole », commente Bernard qui apprécie qu’un jeune puisse commencer à travailler sans s’endetter pour acheter la terre.

Le foncier appartient à une quarantaine de propriétaires que les deux hommes vont aller rencontrer. « Il ne fallait pas traîner car il nous fallait l’accord de tous les propriétaires pour déposer le dossier », regrette Bernard qui aimerait que cette législation soit assouplie. « Il y avait peu d’enjeux financiers dans cette ferme car les terres valent au maximum 3 000 euros l’hectare, mais Adrià est arrivé au bon moment car certains voisins avaient déjà demandé les terres auprès des propriétaires ».

Il y a une continuité sur la ferme

Depuis le 1er janvier 2018, c’est Adrià qui pilote le navire en mettant plus ou moins ses bottes dans celles de Bernard. Avec 380 brebis, le troupeau habituellement en un agnelage par an a été accéléré en deux agnelages par an. Mais finalement, Adrià préfère augmenter la taille de la troupe et repasser à un agnelage par an. « J’ai choisi ce métier pour la qualité de vie. Or avec trois agnelages en deux ans, il y a toujours des agneaux et jamais de coupures. On a pourtant parfois besoin de calme pour s’occuper du reste ».

Aujourd’hui, la relation semble bonne entre le cédant et le repreneur. « Je passe un coup de fil quand j’ai un problème », apprécie Adrià qui peut aussi compter sur l’aide ponctuelle de sa compagne Nano, de Bernard ou de son frère. Bernard, lui, profite de son temps enfin libre pour ranger sa maison, s’occuper de ses parents vieillissants ou de ses grands enfants. L’ancien président de la race BMC continue aussi de participer aux réunions de Rom sélection. « J’avais mes habitudes de travail sur l’élevage - des bonnes, des mauvaises – et Adrià fait parfois différemment mais ce n’est pas grave », observe Bernard qui se dit surtout satisfait de voir que « ce que j’ai fait n’est pas gâché, qu’il y a une continuité, surtout sur la génétique du troupeau ».

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