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États généraux de l’alimentation
Un plan de filière pour construire l’avenir

Le Plan de la filière ovine française dresse un ordre de bataille ambitieux pour retrouver des consommateurs et des producteurs. Détail des propositions.

Demandée par le président de la République dans le cadre des États généraux de l’alimentation, la rédaction des plans de filière a mobilisé les interprofessions en fin d’année dernière. Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande, ainsi que la toute jeune interprofession France Brebis Laitière, ont planché jusqu’au 14 décembre pour rendre un épais document de 77 pages*. Ce Plan de la filière ovine française contient un diagnostic de la situation du marché, des objectifs d’évolution ambitieux et chiffrés, assortis d’échéances. Les interprofessions devaient ainsi recueillir des engagements formels des acteurs impliqués et définir des modalités de suivi, avec des indicateurs de progrès.

Piloté par la section ovine d’Interbev, le plan a été discuté et validé par l’ensemble de l’interprofession, c’est-à-dire par l’ensemble des organisations de cette filière longue depuis l’éleveur jusqu’au distributeur de viande. Cela représente vingt et une organisations nationales de la commercialisation (bouchers, grandes surfaces, restauration…), de la transformation (abattoirs…), de la mise en marché (coopération, commerçants en bestiaux, marché en vif) et de l’élevage (FNO, Coordination rurale, Confédération paysanne, France génétique élevage, Fil rouge, CNBL et France Brebis Laitière).

Retrouver des consommateurs et monter en gamme

Pour la partie viande, l’interprofession fait le constat que la consommation a chuté de 20 % entre 2009 et 2014. À peine 50 % des Français achètent de la viande ovine et le consommateur moyen, pour ce type de produits, est un couple de séniors aisés. La filière ovine souhaite donc rajeunir ses consommateurs. Interbev veut notamment se servir du cofinancement européen pour mener, avec ses partenaires anglais et irlandais, une reconquête des 25-45 ans par des campagnes d’image et de proposition de recettes. La filière ovine veut aussi poursuivre les efforts amorcés avec la campagne Agneau Presto en 2010. Industriels et détaillants s’engagent ainsi à proposer des découpes plus élaborées, mieux adaptées aux différents moments de consommation et à la cuisine d’assemblage. Des formations aux nouvelles découpes pourraient ainsi être réactivées. Cependant, le plan de filière note que « ces efforts profiteront surtout aux viandes d’importation, d’où l’importance de la montée en gamme de la viande ovine française ».

Pour cela, la filière souhaite doubler sa production de viande biologique en passant de 5,5 % de brebis bio actuellement à 11 % d’ici cinq à dix ans. L’objectif est aussi d’atteindre 30 % d’agneaux vendus sous labels officiels de qualité (contre 17 % aujourd’hui). Cette montée en gamme devrait passer par une concertation renforcée entre amont et aval via un renouveau de la contractualisation. En effet, la filière ovine a déjà généralisé la contractualisation entre les éleveurs et leur premier acheteur (80 % des volumes). Mais elle veut aller plus loin pour intégrer la prise en compte des coûts de production sur 30 % des volumes. « Il s’agira de sécuriser l’approvisionnement des acteurs de la transformation, précise le document. Les opérateurs de l’amont comme ceux de l’aval ont besoin de visibilité. La nouvelle contractualisation sera volontaire et fondée sur la construction des prix à partir de l’amont, prenant en compte les coûts de production, mais aussi une exigence de régularité de la qualité des livraisons et le respect des engagements de volumes annuels et des calendriers de livraisons ».

De nouveaux débouchés pour les agneaux des bassins laitiers

La rédaction du plan de filière ovin a aussi permis d’imaginer de nouveaux débouchés pour les agneaux issus des bassins laitiers. En effet, les agneaux des bassins laitiers (de Lacaune notamment) arrivent généralement sur le marché de janvier à mars, période où la consommation n’est pas particulièrement porteuse et où une partie des agneaux britanniques arrivent sur le marché. Pour éviter ce télescopage, en plus de l’animation dans les points de vente, Interbev propose de réorienter une partie des volumes de viande issus d’agneau des bassins laitiers vers d’autres débouchés : mise sous-vide, produits surgelés, restauration collective,… mais aussi export, tant en viande qu’en ovins vivants.

Pour l’autre bassin laitier des Pyrénées-Atlantiques, le plan incite à développer le marché français de l’agneau de lait, celui-ci étant majoritairement (à 80 %) exporté en vif en Espagne où le marché décline. Trop méconnu, l’IGP Agneau de lait des Pyrénées gagnerait à être encouragé, par des découpes innovantes, de la communication, de l’appui technique aux éleveurs ou la mise en route de l’Oviprev 64 pour prédire la production des agneaux.

Recruter de nouveaux producteurs par la positive attitude

Autre grande ambition portée par la filière, celle de maintenir le potentiel de production français. En effet, « l’ouverture massive du marché aux importations depuis plus de 30 ans a coûté à la filière la moitié de son cheptel et un tiers de ses producteurs » note, lucide, le document. Si le niveau d’installation est aujourd’hui stable, le vieillissement se poursuit et, en 2013, plus de 54 % des chefs d’exploitations d’ovins viande avaient plus de 50 ans (seulement 35 % en ovins lait). Pour contrer ces tendances, les acteurs de la filière misent autant sur le programme Inn’ovin, initié en 2015, que sur le programme « Positive attitude », qui consiste à s’ouvrir à la société et à prendre la parole pour témoigner de la réalité du modèle français. Cette positive attitude passe notamment par l’organisation de portes ouvertes auprès du grand public, lors de l’opération « Made in viande » par exemple.

Faisant le bilan de performances techniques disparates, le plan propose aussi de renouveler l’accompagnement technique des éleveurs en ne laissant qu’un technicien référent ovin par exploitation qui serait chargé d’orchestrer l’intervention des différentes structures (chambres d’agriculture, organismes de sélections, coops…). Dans l’idéal, ce coach aurait accès à l’ensemble des données disponibles sur l’exploitation. Pour cela, la filière veut construire l’interopérabilité des données tout en encourageant l’usage de logiciels de gestion de troupeau et/ou de prévisionnels de sorties d’agneaux tels qu’Agriprev, Teovin, Sicoop, Ovall ou Sieol. Le plan incite également à utiliser la génétique ainsi que le retour d’information des abattoirs (pesées, classement des animaux, informations…) et les données de déclaration de naissance déjà existantes et enregistrées.

Conscients que la viande ovine française ne représente que 16 % des fournitures de la restauration collective, ses représentants recommandent de renforcer l’identification des produits pour mieux répondre aux cahiers des charges demandant un approvisionnement en produits locaux. 20 % de la viande servie dans les cantines étant de la viande d’ovins adulte au goût plus prononcé, une éducation aux goûts plus légers de l’agneau français pourrait être encouragée. Enfin, Interbev profite aussi du plan pour demander une vraie clarification légale du rôle des interprofessions comme lieu d’échange et de concertation, tout en respectant les règles de concurrence et d’interdiction des ententes.

Bref, la filière ovine veut "encourager la consommation de viande en répondant aux attentes des consommateurs et rémunérer équitablement tous les maillons de la filière".

Renouveler les clients et développer la production

Un pacte pour répondre aux attentes sociétales des citoyens

Faisant le constat d’évolutions de la société, du rapport à l’animal, des attentes des citoyens-consommateurs, Interbev propose de mieux répondre aux exigences sociales et écologiques en s’inscrivant dans une démarche d’amélioration continue. L’ensemble de la filière élevage et viande, réunie au sein d’Interbev, s’était déjà structurée fin 2015 autour d’une commission sur les enjeux sociétaux. En établissant leur plan de filière, les cinq sections (bovins, veaux, ovins, équins et caprins) ont décidé de s’engager dans une démarche de responsabilité sociétale collective, encadrée par la norme ISO 26 000. Cette démarche, nommée Pacte pour un engagement sociétal, vise à l’amélioration continue des pratiques sur les enjeux de l’environnement, de la protection animale et de la nutrition-santé. Ce pacte privilégie la concertation avec la société civile. L’interprofession va ainsi poursuivre les discussions entamées en 2014 avec quatre organisations de protection de l’environnement (FNE, FNH, WWF France et Greencross). Elle débute également des concertations avec quatre associations de protection animale (CIWF, Welfarm, OABA et LFDA) ainsi que des échanges avec les associations de consommateurs. Interbev veut avancer sur ces sujets au rythme de la recherche et du développement en se servant d’indicateurs, à l’image du programme de réduction des émissions de gaz à effet de serre Life Beef Carbon. Pour Interbev, la réponse aux attentes sociétales passe aussi par le maintien d’un maillage d’abattoirs de proximité où se font 60 % des abattages d’ovins. L’interprofession rappelle qu’ils valorisent les animaux environnants et fournissent des emplois en zone rurale.

Une interprofession nationale pour coordonner les actions en lait de brebis

Le plan de filière inclut également un large volet spécifique aux ovins laitiers. Après une description des quatre bassins laitiers (Rayon de roquefort - 63 % du lait-, Pyrénées-Atlantiques - 23 % -, Corse - 2 % - et hors bassin - 12 %-) et des atouts du lait français, le document décrit les ambitions de la filière. La première action, déjà initiée, concerne la gouvernance et la structuration de la filière avec la création de l’association France Brebis Laitière qui regroupe les trois interprofessions historiques (Corse, Pyrénées-Atlantiques et Roquefort) ainsi que les opérateurs hors interprofession et le Comité national des brebis laitières. Cette association pourrait devenir à terme une interprofession nationale. Elles pourraient accompagner les éleveurs dans leur structuration en organisation de producteurs comme c’est déjà le cas pour trois OP de Roquefort et trois OP des Pyrénées-Atlantiques. La filière souhaite également encourager et accompagner la contractualisation obligatoire qu’elle souhaite mettre en place.

Des ambitions pour les pâtes pressées et l'ultra-frais

Plus généralement, France Brebis Laitière veut encourager la consommation de fromage de brebis en France comme à l’étranger. Actuellement, 73 % des foyers français achètent du brebis, en moyenne 6,3 fois par an. L’objectif est de passer à 80 % de foyers acheteurs à une fréquence de 10 actes par an, notamment en incitant les consommateurs du Nord de la Loire, en rajeunissant la cible de communication et en proposant de consommer ces produits en dehors du plateau de fromage. Si, pour l’horizon 2022, la filière espère une stabilisation de la consommation des pâtes persillées, elle se veut ambitieuse en tablant sur une croissance de 25 à 30 % du tonnage en pâtes pressées et un triplement des volumes en ultra-frais (passant de 11 000 à 30 000 tonnes). Les acteurs de France Brebis Laitière s’engagent aussi à s’approprier la thématique de l’export pour viser, d’ici 2022, une croissance de 25 à 30 % des roqueforts exportés et de 10 à 20 % des pâtes pressées.

Les produits au lait de brebis sont déjà haut de gamme avec 44 % des fromages en AOP (Roquefort, Ossau-Iraty et Brocciu) et 8 % du lait en bio. La filière veut cependant continuer à développer les tonnages commercialisés avec une mention valorisante, par exemple en soutenant la démarche AOP Pérail. Les acteurs du lait de brebis veulent aussi approfondir leurs connaissances technologiques sur le lait et mieux percevoir l’image que les consommateurs se font des fromages et des yaourts au lait de brebis.

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