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Un pédiluve idéal pour la maîtrise des boiteries chez les ovins

Un éleveur témoigne : comment est-il venu à bout des boiteries dues au piétin et des dermatites par corps étranger en mettant en œuvre plusieurs pratiques : pédiluve, prévention, vaccination.

Le piétin, cette pathologie bien souvent vécue comme une fatalité par nombre d’éleveurs, tant son éradication est complexe, voire illusoire. Une majorité d’éleveurs est bien consciente des effets délétères de ces boiteries sur la santé de leurs brebis et également sur leur moral ! Le plus souvent, les éleveurs font avec, souvent découragés par l’aspect contraignant des différentes méthodes de lutte. Pourtant la maîtrise des boiteries dues au piétin est possible. Pour cela, il faut agir sur plusieurs fronts à la fois, une seule méthode de lutte isolée restera insuffisante. L’éleveur nous explique sa démarche qui l’a mené à enfin dire au revoir aux boiteries récurrentes liées au piétin, il en est convaincu « nos efforts ont payé en agissant sur plein de points différents ».

Mais tout d’abord un petit retour en arrière sur la situation de l’élevage du Gaec de la Manentie, dans le Tarn. Le piétin a été introduit dans cet élevage de lacaune lait il y a une quinzaine d’années après le prêt d’une cage de retournement par un éleveur voisin, affecté par cette maladie très contagieuse. Celle-ci n’avait pas été désinfectée au préalable. Depuis lors, les boiteries étaient constantes avec une recrudescence lorsque le temps était chaud et humide, touchant régulièrement jusqu’à 40 % du troupeau !

Les sols de l’exploitation sont argileux et lors de périodes pluvieuses des bouchons de boue se logent entre les onglons. Ces mottes d’argile conservent et facilitent la transmission du piétin ; mais en plus ici l’argile contenait des petits silex provoquant aussi des dermatites interdigitées, avec des symptômes proches du piétin.

L’éleveur a mis en œuvre de nombreux leviers d’amélioration : système de pédiluve performant, gestion de la litière très rigoureuse, découpage des parcelles optimisé, complémentation minérale adaptée. Enfin, il a mis en place une réforme stricte basée sur la susceptibilité aux boiteries, permettant ainsi de sélectionner les brebis plus résistantes.

Quand et comment utiliser le couloir de nettoyage-désinfection ?

Il utilise un simple couloir de nettoyage lorsque les pâtures sont boueuses ! L’éleveur fait alors passer quotidiennement au retour de la pâture les brebis dans le couloir, en ayant au préalable retiré la cage de retournement et les bacs de pédiluve à la fin du couloir. Le but est ici de débarrasser les brebis des bouchons de boue qui se sont formés à la pâture avant qu’ils ne sèchent et ne soient plus difficiles à enlever. L’opération est rapide, il faut 40 minutes à l’éleveur pour faire passer ses 550 brebis ! « Plus les brebis passent vite dans le couloir, plus elles enlèvent efficacement la boue entre les onglons », remarque-t-il. Un courant d’eau lave les pieds, et plus les brebis avancent plus elles rencontrent de l’eau propre.

En couloir nettoyage-parage-désinfection : le parage des pieds est essentiel pour limiter les boiteries. Cela représente un travail considérable, à deux pareurs (un de chaque côté de la cage) et une personne qui se charge de faire circuler les brebis, il faut compter environ 3 heures pour faire 100 brebis. Il vaut mieux prendre son temps pour faire un parage minutieux plutôt que de blesser le pied en allant trop vite, l’objectif étant de ne pas faire saigner. Juste après la cage de retournement, les brebis arrivent dans les bacs du pédiluve remplis de solution désinfectante et elles y sont laissées pendant 10-15 minutes avant de passer sur l’aire bétonnée qui mène à la bergerie. Ce temps de contact est essentiel pour assurer la bonne désinfection du pied.

La solution désinfectante du pédiluve est renouvelée toutes les 100 brebis environ. Ainsi le pédiluve ne perd pas en efficacité. Le désinfectant utilisé est de l’acide acétique à 80 % dilué pour en faire une solution entre 5 et 10 % au moins aussi efficace, voire plus, que le sulfate de zinc ou de cuivre à 10 %.

Lorsque le piétin était encore très présent, l’éleveur réalisait un parage de l’ensemble du troupeau non pas une fois mais deux à trois fois par an, aux périodes les plus humides où les boiteries étaient le plus présentes, ou bien avant des périodes clés : avant la rentrée en bergerie pour plusieurs semaines d’affilée, avant la mise bas. À présent, lors d’années sèches, il n’utilise le système de pédiluve qu’une fois par an au moment du parage du troupeau. Lors d’années aux printemps ou automne très pluvieux, en cas de boiterie, il utilise de nouveau le couloir de nettoyage quotidiennement.

Une litière saine et aérée

Si le piétin revient, on ne refera pas les mêmes erreurs : désinfection des instruments entre les brebis (impératif après une maladie), désinfection des gants, les morceaux de cornes sont aussi soigneusement écartés pour ne pas garder des foyers de contamination dans le troupeau, et bien sûr la vaccination pour limiter la contamination.

L’éleveur ajoute, « une aire paillée saine, un fumier qui ne fermente pas, cela y fait pour beaucoup ». L’humidité de la litière est limitée par un paillage quotidien, et un curage tous les 18 jours. Depuis que la quantité d’enrubanné dans la ration a diminué à la suite de l’utilisation de foin séché en grange, l’humidité des selles semble avoir également diminué ce qui contribue à améliorer l’ambiance du bâtiment aussi.

La gestion stricte des parcelles

L’éleveur limite (dans la mesure du possible !) le passage répété sur les mêmes chemins d’accès boueux aux différentes parcelles. Il a également amélioré sa rotation de pâtures : les brebis reviennent sur une même parcelle au bout d’environ 25 jours. Il a également clôturé ses parcelles pour limiter les zones où les brebis piétinent (par exemple en bordure de lande). Et bien sûr, les parcelles les plus boueuses sont évitées après un épisode pluvieux. Et lorsque tout est boueux ? Eh bien les brebis ne sont alors sorties que par intervalle de 2 heures pour limiter au maximum le piétinement des pâtures et que celles-ci ne deviennent des champs de boue. La surface des pâtures est optimisée : 9 m²/brebis par repas, par demi-journée.

Même avec toutes ces mesures, il a fallu de la persévérance, puisque six années environ ont été nécessaires pour enrayer complètement les boiteries liées au piétin.

Aujourd’hui sur les quelques brebis présentant une boiterie au moment de la visite – plus que 2 % – l’examen clinique rapproché a mis en évidence la maladie de la ligne blanche. Cette affection encore méconnue pourrait avoir une origine alimentaire. Les prélèvements effectués au niveau des pieds des brebis boiteuses n’ont pas révélé la présence du germe responsable du piétin.

Ce témoignage nous le confirme, le piétin n’est pas une fatalité et on peut limiter significativement son expression et l’éradiquer. Mais pour cela il faut souvent l’attaquer sur plusieurs fronts et surtout adapter les mesures de lutte employées à sa conduite d’élevage.

Un modèle d’efficacité pour le pédiluve

Un bon système de nettoyage-désinfection des pieds est crucial dans la gestion du piétin, un pédiluve mal conçu ou mal utilisé peut s’avérer contre-productif. L’éleveur a construit lui-même son système de pédiluve en couloir qui présente toutes les caractéristiques essentielles à un pédiluve performant :

- Une aire bétonnée juste devant l’entrée des bacs de nettoyage (sur 5 m).

- Quatre bacs de nettoyage distincts, séparés par une plage dure en béton, communiquant en escalier, ce qui permet un écoulement d’eau claire continu, ainsi l’eau des bacs de nettoyage reste propre plus longtemps.

- Les bacs de nettoyage sont concaves : ce qui oblige les brebis à avancer avec les pattes écartées favorisant l'espacement des onglons et l’élimination des bouchons de boue qui s’y trouvent.

- Le béton est granuleux pour éviter que les brebis ne glissent et favoriser leur progression le long du couloir.

- La cage de retournement est située entre les bacs de nettoyage et le bac de désinfection. Elle est utilisée uniquement lors du parage, réalisé deux fois par an lorsque les épisodes de boiterie étaient très récurrents.

- Système de pédiluve : trois bacs en PVC amovibles, pouvant contenir 12 brebis en file indienne. À l’issue du parage, elles y sont laissées pendant 10-15 minutes dans une solution avec un désinfectant non inactivé par la matière organique.

- Enfin, passage sur une aire bétonnée avant l’accès au bâtiment avec aire paillée sèche.

 

Attention, il n’y a rarement qu’une seule cause de boiterie dans un élevage !

Derrière le mot piétin se cache souvent une réalité plus complexe : dans le cas de ce Gaec, cela a été un amalgame entre différentes lésions du pied (piétin, abcès suite à une fragilité de la ligne blanche, lésions entre les onglons dues à des piqûres de silex mélangé à de la terre humide lorsque les animaux pâturent sur certaines parcelles). Il y avait bien un historique de piétin typique initié par Dichelobacter nodosus. Après une évolution lente mais certaine de la maladie dans le troupeau, une première diminution des boiteries avait été constatée suite à la vaccination et la mise en place de mesures de traitement. Il restait cependant des boiteries pendant l’hivernage malgré des vrais progrès dans le bâtiment. Ces boiteries n’avaient plus rien à voir avec le piétin mais étaient des anomalies de la ligne blanche dont les facteurs de risque sont mal connus (composante fourbure, génétique, excès de poids sur les postérieures en relation avec une marche pour faciliter l’accès à la mangeoire ?) et lors de la mise à l’herbe sur certaines prairies, des flambées de dermatite interdigitée en relation avec de très nombreux silex coupants dans la terre rouge : ici le lavage des pieds s’imposait ! Le pédiluve en trois parties (zone de lavage des pieds, zone de parage, zone de pédiluve désinfectant) construit par les éleveurs est un modèle presque idéal pour son côté pratique et ses bons résultats sanitaires. Si plusieurs années de vaccination, associées à d’autres conseils classiques du plan en cinq points, ont permis d’éradiquer ce Dichelobacter nodosus responsable du piétin, le pédiluve doit persister pour résoudre les problèmes de boiteries liés aux petits corps étrangers du sol.

 

MISE EN GARDE

Le piétin est très contagieux et est dû à la bactérie Dichelobacter nodosus. Cette bactérie survit difficilement dans le milieu extérieur (traditionnellement moins de 7 jours dans le sol, mais peut persister jusqu’à 40 jours par temps froid surtout dans des sols argileux) ; en pratique, les animaux se contaminent par contact indirect via l’herbe haute, via la terre humide, via des litières humides, via des restes d’onglons laissés au sol, via les mains et outils des pareurs… La maladie peut survivre longtemps dans un troupeau auto-entretenu par des porteurs sains, mais aussi via des animaux chroniquement atteints.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Le plan de lutte en cinq points comprend des mesures de biosécurité pour éviter l’introduction d’une nouvelle souche de Dichelobacter nodosus (détectable par PCR), des mesures de maîtrise de l’environnement pour limiter la prolifération et la diffusion, des mesures de traitement (pédiluve, parage, et antibiotique si nécessaire), des réformes et des mesures pour stimuler l’immunité via la vaccination. En effet, il existe un vaccin contre le piétin qui va créer une immunité d’autant plus importante s’il est réalisé en amont de la période à risque. Ce plan en cinq points a largement démontré son intérêt en diminuant les quantités d’antibiotiques et en améliorant les conditions de vie des animaux et aussi des éleveurs préoccupés par les nombreux traitements et contraintes.

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