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Toaster ses protéagineux pour plus d’autonomie et de traçabilité

Initié en bovins et volailles, le toastage des protéagineux commence à intéresser les éleveurs ovins. Éleveur en Deux-Sèvres, Jérôme Chaigneau fait désormais toaster le lupin qu’il produit sur son exploitation.

La recherche d’autonomie alimentaire et de traçabilité amène de plus en plus d’éleveurs à vouloir produire des protéagineux. Utilisés crus, ceux-ci sont toutefois mal valorisés, car une grande partie des protéines est rapidement dégradée et gaspillée sous forme d’ammoniaque par les bactéries du rumen. Une solution est de les cuire par toastage ou par extrusion, pour augmenter la part d’azote by-pass dans le rumen. Jérôme Chaigneau, qui exploite 600 brebis et 115 ha à Tallud (79), dont 62 ha de cultures de vente, s’est ainsi tourné en 2016 vers la société de nutrition Pasquier Vgt'al (79) qui dispose depuis deux ans d’un toasteur de protéagineux. « Nous avons commencé à produire du lupin de printemps en 1998, pour diversifier nos rotations, explique-t-il. Dès le départ, nous en avons utilisé une partie pour les brebis, pour être plus autonomes en protéines. Jusqu’en 2015, nous l’apportions cru, en graines entières, à raison de 350 g/jour pour les brebis en lactation. Les résultats étaient bons. Comme le lupin a tendance à rancir au bout de quelques mois, je passais au tourteau de soja à partir d’avril. Et je n’ai jamais vu de différence sur les agneaux entre le lupin et le soja. En 2016, Pasquier Vgt'al m’a proposé de toaster les graines. En améliorant la valeur alimentaire du lupin, le toastage me permettrait de réduire les quantités nécessaires pour le troupeau et donc d’en vendre davantage. »

Valeur alimentaire augmentée

En 2016, Jérôme Chaigneau a donc fait toaster son lupin par Pasquier Vgt'al qui dispose d’un toasteur de la marque italienne Mecmar acquis auprès des établissements Hervé (85). Le protéagineux devant être parfaitement propre pour éviter tout risque d’incendie lié aux balles et poussières, alors que le lupin est difficile à désherber, les graines sont d’abord triées et nettoyées, puis laminées pour faciliter le toastage. Le toastage consiste ensuite à faire passer les protéagineux en couche mince sur une grille perforée sous laquelle est insufflé de l’air chauffé à 280 °C. Enfin, les graines sont ventilées pour les refroidir et les assécher avant le stockage.

En 2016, Jérôme Chaigneau a distribué une ration de concentré constituée de 400 g de triticale, 400 g de maïs grain et 280 g de lupin toasté. La quantité est augmentée progressivement de 150 g avant la mise bas jusqu’à 280 g. Quand les agneaux commencent à manger du granulé, la distribution de lupin est arrêtée. « La valeur alimentaire du lupin est augmentée, constate l’éleveur. Les performances sont identiques avec 280 g de lupin toasté qu’avec 350 g de lupin cru. Au lieu de 12 tonnes par an, je n’ai donc plus besoin que de 8 tonnes. De plus, le lupin toasté se conserve mieux que le lupin cru. Et il n’y a pas d’effet sur la qualité des agneaux. » Pour Jérôme Chaigneau, le coût du tri, du laminage et du toastage s’élève à 75 €/t. « Le gain en quantité couvre largement ce coût. De plus, le lupin est une bonne tête d’assolement. Il donne droit à une prime et permet d’étaler les travaux par rapport au tournesol. Et comme je le sème derrière un blé, je peux faire un couvert en interculture que je fais pâturer par les brebis. »

De multiples intérêts

Le principal intérêt du toastage est qu’il limite la dégradation des protéines dans le rumen, permettant leur assimilation dans l’intestin. Le gain en PDIE et PDIA est important. Un autre intérêt est qu’il détruit les facteurs antinutritionnels des protéagineux, contenus notamment dans le soja. Enfin, en faisant passer les protéagineux de 87 % à 95 % de matière sèche et en éliminant les bactéries et champignons, le toastage améliore leur conservation.

Une technique qui intéresse l’AOP Ossau-Iraty

Depuis deux ans, au moins trois éleveurs de l’AOP Ossau-Iraty apportent du soja toasté à leurs brebis laitières. « Avec le renforcement du cahier des charges de l’AOP, de plus en plus d’éleveurs cherchent à utiliser des protéines produites localement et garanties sans OGM, explique Benoit Jean, animateur du Syndicat Ossau-Iraty. Le soja produit et toasté localement est une solution, même s’il n’y a pas encore de recul sur son utilisation. Les teneurs en protéines et matières grasses sont toutefois variables et il faut faire des analyses pour bien caler sa ration. » Producteur à Asasp-Arros (64), Olivier Maurin utilise du soja toasté pour ses 200 brebis depuis deux ans. « Mon objectif est l’autonomie alimentaire, précise-t-il. Comme la production de soja dans le Sud-Ouest a été relancée et qu’on peut le toaster, j’ai remplacé le tourteau soja-colza que j’achetais par du soja toasté acheté dans la région. J’en apporte 220 g/jour, avec 400 g de maïs grain, 200 g d’aliment à 18 % de protéines et 2,5 kg de fourrage. Le soja va bien avec le maïs car les deux se digèrent lentement. J’utilise la méthode Obsalim pour caler la ration. Depuis que j’apporte du soja, les brebis sont en bon état et la production est passée de 210 l de lait par brebis à 250 l, sans changement sur le rendement fromager. Le coût est inférieur et je sais d’où viennent les aliments que j’utilise. Cette année, j’en ai donc semé 3 ha. »

Nombreuses initiatives

Depuis deux ans, plusieurs toasteurs mobiles ou à poste fixe ont été acquis en Cuma ou par des entreprises. Dans le Sud-Ouest, un toasteur mobile Mecmar acquis par la Cuma départementale du Gers circule depuis septembre 2015 dans le Gers, les Landes, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. L’objectif est de toaster le soja produit sur les exploitations, notamment dans les filières bio, label et circuits courts, pour améliorer l’autonomie protéique et la traçabilité. Il est utilisé par 70 éleveurs de volailles, bovins lait et viande et par quelques éleveurs de brebis et de chèvres. L’engagement porte sur 1 700 tonnes. Le seul point délicat est l’usure liée à la mobilité et au fait que le soja est très abrasif. Face à la demande, un deuxième toasteur sera acquis prochainement. En Vendée, à l’initiative d’éleveurs de bovins lait et viande, un toasteur Mecmar mobile a été acheté en 2015 par la Cuma Défis 85 pour toaster des protéagineux (féverole, lupin, pois). Un début d’incendie est toutefois à déplorer, lié à un mauvais réglage de départ et à des graines mal nettoyées. Dans l’Ouest, la société Protéa Thermic dispose d’un toasteur Mecmar mobile qui tourne dans dix départements mais n’est utilisé pour l’instant qu’en bovin, surtout pour de la féverole. Et d’autres projets sont en cours ou en réflexion. Le toastage mobile est par ailleurs assez développé en Italie, où il peut être fait en sortie de champ, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Canada.

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