Pourquoi faire pâturer ses brebis sur des surfaces bovines l’hiver ?
D’après une étude conduite par l’Institut de l’élevage, le pâturage hivernal des ovins sur les parcelles bovines est un véritable « win-win » pour les éleveurs.
D’après une étude conduite par l’Institut de l’élevage, le pâturage hivernal des ovins sur les parcelles bovines est un véritable « win-win » pour les éleveurs.
En hiver, les éleveurs bovins font face à des sols peu portants bloquant souvent toute possibilité de faire pâturer leurs animaux. Lorsque les vaches entrent en stabulation, les prairies bovines contiennent encore de l’herbe en quantité. Le pâturage hivernal des ovins sur les parcelles bovines apparaît alors comme une solution pouvant profiter aux deux élevages.
L’institut de l’élevage (Idele) a donc lancé une étude évaluant les impacts d’une telle pratique sur la pousse et la qualité de l’herbe, le transfert parasitaire ou encore sur la charge de travail et la rentabilité. Menés sur deux ans, les essais ont lieu sur trois sites, dans l’Allier, en Saône-et-Loire et en Haute-Vienne sur deux élevages voisins du Ciirpo spécialisés en bovins allaitants ou laitiers.
Pas de transfert de petite douve
Pour voir si les ovins sont susceptibles de transmettre leurs parasites aux bovins par l’intermédiaire de la prairie, un lot de brebis infestées de petite douve est introduit sur des prairies permanentes bovines. Les brebis sont mises au pâturage pendant trois semaines entre décembre et février selon les sites.
Au bout de trois semaines de pâturage des bovins, les résultats de coproscopie, correspondant au comptage des œufs, montrent qu’il n’y a eu pas eu transmission de petite douve. « Les résultats sont encourageants, il faudrait les confirmer avec une période de pâturage plus longue », analyse Élisa Peugny, chargée d’étude au Ciirpo. D’autres analyses sur les bovins sont prévues cet automne.
Au niveau du rendement, le pâturage hivernal des ovins semble limiter la pousse de l’herbe dans les premières semaines. Mais à partir de huit à dix semaines, lorsque le printemps arrive, les valeurs de rendement sont identiques. « La hauteur d’herbe de la zone pâturée rattrape celle des zones non pâturées. En fait, nous valorisons de l’herbe qui aurait été perdue. »
Une herbe de meilleure qualité
Les parcelles pâturées présentent également une plus grande diversité floristique, avec 15 % de légumineuses en plus et pas moins de 26 espèces végétales.
Le pâturage des ovins semble avoir également amélioré la valeur alimentaire de la prairie. Analysée à 300 degrés jours, l’herbe présente un taux de protéines digestibles dans l’intestin grêle permises par l’énergie (PDIE) de 113 grammes par kilo de matière sèche, contre 104 pour l’herbe témoin.
Pour ceux qui s’inquiéteraient d’un quelconque tassement du sol, l’étude n’a montré aucune différence significative de densité du sol entre la zone pâturée et la zone témoin sur la durée des essais.
Rentable en deux semaines
La charge de travail a été mesurée en prenant en compte la pose des clôtures, le changement d’enclos, la gestion de l’eau et le trajet quotidien aux pâturages. Ce dernier semble être le facteur déterminant de la charge de travail que représente le pâturage hivernal. « Le temps passé varie du simple au double par brebis et par jour selon la distance à parcourir pour aller les voir. »
Ces résultats sont toutefois à comparer avec la charge de travail que représentent l’entretien des brebis en bergerie, avec la préparation des rations, la distribution, le paillage, etc.
Finalement, le pâturage hivernal des brebis est-il rentable ? En prenant en compte l’achat de 600 mètres de clôture et l’installation d’un poste électrique, on obtient un investissement unique amortissable sur dix ans.
En comparaison, les coûts liés à l’achat régulier d’aliment, de fourrage et de paille, représentent des dépenses qui s’accumulent dans le temps. « Les simulations de dépense montrent que le pâturage des ovins est rentable au bout de dix jours de pâturage pour 100 brebis. De plus, l’économie liée au broyage éventuel de la prairie est de l’ordre de 39 euros par hectare, temps de travail compris. »
« Les éleveurs bovins sont tous les deux d’accord pour accueillir à nouveau des brebis chez eux l’hiver prochain », conclut Élisa Peugny, en prévision des essais complémentaires à venir.