Pour décarboner l’élevage, Jean-Marc Jancovici mise sur la prairie
Au cours d’une conférence au Sommet de l’élevage, Jean-Marc Jancovici et sa collaboratrice Laure le Quéré ont présenté leur rapport sur le futur de l’agriculture. Les systèmes d’élevage herbagers en seraient une des clés.
Au cours d’une conférence au Sommet de l’élevage, Jean-Marc Jancovici et sa collaboratrice Laure le Quéré ont présenté leur rapport sur le futur de l’agriculture. Les systèmes d’élevage herbagers en seraient une des clés.

Jean-Marc Jancovici a un objectif : décarboner l’économie française, c’est-à-dire diminuer ses émissions de carbone et sa dépendance aux énergies fossiles. En ce qui concerne le secteur de l’élevage, il est formel : la solution est à chercher du côté des systèmes d’élevage herbagers. Cette conclusion, il la tire du rapport « Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère » publié par son groupe de réflexion, le Shift Project, en novembre 2024. Il en a co-présenté les résultats avec Laure le Quéré, ingénieure agronome, devant un public de professionnels agricoles attentifs, lors du Sommet de l’élevage 2025. Loin d’être moralisateur, Jean-Marc Jancovici martèle : « Nous ne sommes pas des dictateurs. Nous avons vocation à travailler avec les acteurs des secteurs concernés, car ce sont eux qui savent faire. Il faut penser le changement avec ceux qui le feront. ».
Comment l’élevage en France devrait-il changer à horizon 2050 pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone ? Le principal problème de l’élevage, ce sont les émissions de méthane, ce gaz à effet de serre 80 fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone. Pour limiter ces émissions, Jean-Marc Jancovici ne cache pas qu’il faudra tabler sur une baisse du cheptel français. Mais surprise : cette baisse pourrait se faire à un rythme deux fois moindre qu’aujourd’hui, si les systèmes d’élevage évoluent dans le bon sens.
Les systèmes herbagers, champions de la résilience
La clé se trouverait dans les systèmes d’élevage herbagers. Aujourd’hui, 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre des ruminants en France seraient stockés dans les prairies. Des prairies dont la capacité de stockage est comparable à celle des sols sous forêt. Conclusion : les systèmes d’élevage incluant des prairies ont une empreinte carbone plus faible que les autres. Ils sont moins dépendants aux énergies fossiles et aux apports d’azote minéral. En plus de prioriser les systèmes herbagers, le Shift Project propose de limiter les retournements de prairies et de multiplier par trois les surfaces en légumineuses.
Décarboner l’élevage, « même si on s’en fout du climat »
Il y a urgence à limiter drastiquement l’utilisation d’énergies non renouvelables, et ce, pour deux raisons. D’une part, les émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. D’autre part, la dépendance de l’union européenne (UE) aux exportations des pays producteurs. « Même si on s’en fout du climat, on va avoir besoin de décarboner à cause de la future baisse des exportations des pays producteurs ». Selon lui, il est certain que les pays exportateurs de pétrole et de gaz finiront par faire faux bond à l’UE, pour privilégier leur marché intérieur. Si la décarbonation de notre économie est une fatalité, alors autant que celle-ci soit voulue et pilotée intelligemment.
Donner aux éleveurs les moyens de changer leurs pratiques
« La vraie question, c’est comment donner aux éleveurs les moyens de mettre en place cette transition ? » conclut-il. Plusieurs pistes sont évoquées : protectionnisme, rémunération pour services environnementaux, meilleure répartition de la valeur ajoutée… Lors de la table ronde suivant la présentation, David Chauve, président de la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, rappelle : « Le nerf de la guerre, c’est la rémunération ». Jean-Marc Jancovici assume : « On arrive avec des questions, mais pas encore de solutions ». L’équipe du Shift Project s’attèle maintenant à étudier les aspects économiques de cette transition agroécologique, ainsi que le rôle qu’auront à jouer les consommateurs.
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