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Maroquinerie
Peau'Lux, un chantier pour les agneaux Lacaune

La société Ovi PC a lancé un projet ambitieux pour remettre les peaux des agneaux Lacaune sur les chemins du luxe français en élaborant des techniques visant à supprimer leurs défauts.

Cette problématique n’est pas nouvelle », reconnaît Philippe Lamy, directeur de la société Ovi Plateau Central, dans le Tarn, qui engraisse 160 000 agneaux par an. L’agneau de race Lacaune est réputé avoir une peau d’une finesse inégalée. Pourtant, l’industrie de la maroquinerie de luxe la boude parce qu’elle présente trop de défauts. Depuis les années 1980, elle s’approvisionne en grande partie en Espagne où la qualité commence cependant à se dégrader.

Le principal problème, le buissonné pailleux, provient du paillage des agneaux. Les brisures de paille qui retombent sur leur dos génèrent des petits trous dans la peau, visibles après le tannage. L’industrialisation de l’abattage et les cadences qui en résultent sont également à l’origine de défauts lors du dépeçage, des coutelures (entailles de la peau) et des épétillures (craquelures dues à un arrachage trop brutal). « Tout le monde est conscient du problème mais personne ne peut le résoudre seul », poursuit Philippe Lamy. Le directeur d’Ovi PC a donc sollicité les partenaires qui gravitent autour de la société pour lancer le programme de recherche et développement Peau’Lux, visant à « améliorer la qualité des peaux ». « Pour que le projet soit structurant, il fallait travailler avec un nombre réduit d’abatteurs et pouvoir concentrer les peaux, explique Philippe Lamy. Ovi PC est en soi une filière. » Quatre abattoirs font partie du programme (Bigard, SVA Intermarché, Destrel, Bichon), ainsi qu’un négociant privé (Liffraud), un groupement d’éleveurs (Sica 2G) et RAGT. Il était ainsi plus facile de réunir les bonnes volontés.

Remplacer la paille des râteliers par d'autres sources de fibre

La mégisserie Richard, à Millau (Aveyron), dont la majorité du capital est détenue par l’entreprise de luxe Chanel, s’est également associée au projet. Elle est fortement intéressée pour travailler des peaux d’origine française. En outre, les peaux de Lacaune (agneaux de 40 kg) sont plus grandes que les peaux espagnoles (agneaux de 25 kg) et de taille plus standardisée. Le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation a été sollicité pour structurer le projet. « C’est la clé de la réussite, assure Philippe Lamy. Le pôle de compétitivité nous a ouvert des portes qu’on n’imaginait pas et nous a permis de trouver les bons partenaires. »

La qualité des peaux se construit tout au long de la chaîne et de ses métiers : élevage, abattage, mégisserie. Sur la partie engraissement, plusieurs pistes ont été ouvertes pour supprimer les défauts provoqués par la paille. Des solutions mécaniques d’abord pour éviter qu’elle ne retombe sur le dos des agneaux : un râtelier qui les empêche de se coucher dessous ; un hachage plus fin de la paille de litière. Les chercheurs de l’Inra et de l’École nationale vétérinaire de Toulouse travaillent avec RAGT sur une alimentation capable d’améliorer la qualité des peaux tout en garantissant le bien-être animal. Ils testent les effets de différentes formes d’apport en fibres (rations mélangées, aliments complets), qui remplaceraient la paille mise à disposition des agneaux dans les râteliers, sur les performances zootechniques et la santé digestive des agneaux. Les tests sont menés sur des petits lots d’agneaux engraissés dans les bâtiments d’Ovi PC.

Ne dégrader ni les performances ni la santé des agneaux

Côté abattage, l’Adiv, société de conseil et de recherche et développement dans l’industrie carnée, et Innovtec, société d’ingénierie spécialisée dans la robotique industrielle, se sont attelées à la conception d’un outil d’abattage capable de gérer les forces lors du dépeçage tout en respectant la cadence de la chaîne. « C’est la partie la plus compliquée », reconnaît le directeur d'Ovi PC. L’école d’ingénieurs de Saint-Étienne (Enise) travaille sur la conception d’un outil qui assurerait le tri des peaux selon leurs défauts sur la chaîne d’abattage afin de n’envoyer à la mégisserie que celles qui sont en adéquation avec ses besoins. Le Centre de ressources technologiques Catar de Toulouse et le Laboratoire de chimie agro-industrielle (LCA, Inra/INPT), spécialiste de la valorisation par voie chimique des produits de l’agriculture, ont enfin reçu pour mission d’élaborer des agents de filmage permettant de gommer les petits défauts de la peau lors du travail en mégisserie.

Initié en 2015, le projet va se poursuivre pendant deux ans. Difficile de préjuger aujourd’hui de l’aboutissement de tous ces axes de recherche. Tout comme il est trop tôt pour prédire la plus-value qui pourrait résulter d’une qualité retrouvée des peaux. Pour la partie engraissement, elle ne devrait sans doute pas dépasser un à deux euros par peau, sachant que celles-ci se négocient entre trois et dix euros. Il faut améliorer la qualité des peaux sans dégrader les performances à chaque stade de la chaîne (engraissement, abattage…) ni alourdir les coûts de revient au-delà de la plus-value espérée. La marge est étroite.

Un programme à 4,8 millions d’euros

Le programme Peau’Lux, labellisé par les pôles de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation et Viaméca (Auvergne), bénéficie d’un financement de 4,8 millions d’euros dont 1,8 million d’euros d’aides publiques émanant de l’État (Fonds unique interministériel) et des collectivités territoriales (conseils régionaux d’Occitanie et d’Auvergne-Rhône-Alpes, conseils départementaux du Tarn, de l’Aveyron et de l’Ain, communautés d’agglomération de Millau-Grands Causses et Rodez Agglomération).

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