Aller au contenu principal

Les ravages de la nouvelle myiase 

La Haute-Vienne, la Charente et la Vienne subissent depuis quelques années les attaques d’une mouche responsable de la myiase.

Connue dans les zones d’altitude supérieure à 800 mètres, la mouche Wohlfahrtia magnifica, responsable de la myiase, est active depuis 2012 dans les plaines, entre 150 et 400 mètres d’altitude. Et elle s’est très bien implantée. Responsable d’une épidémie sans précédent dans les troupeaux ovins et bovins de la Vienne, la Haute-Vienne et la Charente, sa progression est fulgurante depuis deux ans et le manque de connaissance sur son origine a empêché une réactivité optimale des services sanitaires les premières années. « On ne sait pas encore grand-chose sur cette mouche, on ne sait ni si c’est exactement la même qu’en montagne ou s’il s’agit d’une mutation, ni comment elle est arrivée là. On a pu constater qu’un climat chaud et sec favorise le retour de la mouche », se questionne Philippe Dubois, vétérinaire au GDS de Charente. En effet, alors que les experts tablaient sur un retour d’activité de la mouche en juin-juillet 2017, les premiers cas ont fait leur apparition dès fin mai. La zone actuelle d’infection connue s’étend sur le bassin ovin de ce territoire, sur 70 kilomètres à la ronde, mais il est à craindre que son extension soit très rapide, vu la propagation de la mouche les années précédentes.

Pas mortelle mais extrêmement douloureuse

La myiase n’est pas létale, la brebis n’est touchée ni dans sa fertilité (sauf lorsque c’est la vulve qui est touchée), ni dans sa productivité mais elle provoque une grande douleur chez l’animal. Située principalement au niveau des orifices (vulve, oreilles, plaies) et au niveau des pattes, l’infection peut entraîner notamment des pertes d’onglons. Les toxines libérées par les larves dans le sang de l’hôte entraînent une baisse de la note d’état corporel, un amaigrissement et une apathie qui va conduire la brebis à se tenir à l’écart du reste du troupeau. Pour l’éleveur, cela représente surtout une importante charge de travail supplémentaire pour le traitement et une perte économique sur les brebis réformées, notamment lorsque l’onglon ou la vulve sont trop fortement attaqués.

La mouche va se poser sur l’animal, pondre des larves sur la peau et les asticots vont s’enfoncer dans les chairs en les consommant, perpendiculairement aux tissus. S’ils ne sont pas retirés à temps avec une pince ou un traitement, ils se développent, la zone touchée s’infecte et attire d’autres mouches, etc. Puis au bout d’une dizaine de jours, les asticots arrivent à maturité et forment une pupe qui tombe à terre et va donner une nouvelle mouche qui ira pondre à nouveau. Une blessure ou une infection peu étendue en surface peut, en fait, cacher une multitude de larves très largement implantées dans les chairs.

Une contre-attaque sur trois fronts

Afin d’organiser la lutte contre ce parasite externe, les organismes agricoles des trois départements touchés ont mis en place en 2016 un comité de pilotage. Ce comité regroupe les chambres d’agriculture et les groupements de défense sanitaire (GDS) locaux, ainsi que la société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) et l’Alliance pastorale. Cette dernière a travaillé sur des protocoles de prévention et de traitement de la mouche Wohlfahrtia magnifica. « Nous avons mis en place des essais de prévention avec trois stratégies différentes, explique Laurent Saboureau, responsable du pôle santé animale de l’Alliance pastorale. Au premier lot, nous avons administré du dicyclanil (Clik) qui s’applique directement sur les toisons. Le deuxième lot a eu le même traitement ainsi qu’un complément minéral comprenant un extrait d’ail que la brebis ingère. Enfin, le troisième lot passait en plus régulièrement, tous les 15 jours, dans un pédiluve contenant une solution contre les parasites externes.

Nous avons noté que la mise en œuvre du dicyclanil permet une protection à 100 % sur sept semaines, alors que l’autorisation de mise sur le marché (AMM) prévoit seize semaines. Le complément minéral combiné à l’extrait d’ail et le pédiluve sont là pour améliorer la protection sur le long terme. En effet, au bout de quatorze semaines, un lot sans traitement présente 30 % d’individus touchés par la myiase, le lot avec le dicyclanil simple en présente environ 25 % et les lots avec le complément et le pédiluve tournent autour de 10 % ». Les essais ne s’arrêteront pas là puisqu’en 2018, l’équipe de recherche mènera des essais pour augmenter la rémanence au-delà de sept semaines, en adaptant la posologie et le mode d’application. Concernant le traitement, les essais ont porté sur la molécule deltaméthrine, incorporée dans un médicament (Deltanil, Spotinor) et dont l’efficacité, contrôlée 24 heures après traitement, a été de 91 %.

Intervenir dans la bergerie plutôt qu’à l’extérieur

« Malgré le manque de connaissances actuelles sur Wohlfahrtia magnifica, nous savons que la conduite de troupeau peut avoir un impact, si ce n’est sur la présence de la mouche, au moins sur sa propagation au sein du troupeau, avertit Philippe Dubois. Plus un troupeau sera touché par les boiteries et le piétin, plus le risque est élevé. De même, la mouche préfère le milieu extérieur, nous n’avons pas décelé beaucoup de cas en bergerie ». Le vétérinaire du GDS de Charente conseille également aux éleveurs de poser et de retirer les éponges dans la bergerie plutôt que dans un parc de contention à l’extérieur et d’être vigilant quant aux lésions frontales que peuvent se faire les béliers.

Connaître et reconnaître Wohlfahrtia magnifica

- Mouche de couleur gris noir, avec des taches blanches ou jaunes sur l’abdomen et des yeux rouges, taille comprise entre 8 et 14 mm.
- Son cycle dure entre 15 et 20 jours. Elle pond entre 120 et 170 larves.
- Asticot dépassant un centimètre de long et deux millimètres de diamètre, légèrement soyeux.
- Zones ciblées sur les ovins : espace interdigité en priorité, vulve et fourreau, conduit auditif. Néanmoins les muqueuses, les blessures et les zones sales et humides sont aussi visées.
- Symptômes : baisse de la NEC, apathie, brebis à l’écart, boiterie.

Les plus lus

Laura Chalendard, éleveuse ovin dans la Loire
« On n’a plus d’autre choix que d’abandonner, de renoncer à son rêve » - Des inégalités de genre encore omniprésentes dans le monde agricole
« Vous vous en sentez capable ? » : une question que les femmes en cours d’installation connaissent par cœur…
Vincent Bienfait
« Je gagne 2,6 Smic avec le système ovin pâturant que j’ai développé »
Éleveur multiplicateur de brebis Romane dans le Morbihan, Vincent Bienfait a mis en place un système très pâturant, encore peu…
Lauriane, étudiante en école d’ingénieurs à AgroParisTech
« Les violences sexuelles salissent le monde agricole »
À la campagne, l’anonymat n’existe pas. En raison de la promiscuité dans les zones rurales peu denses où « tout le monde se…
Le pâturage hivernal des brebis sur les prairies bovines fait partie des études en cours au sein du Ciirpo.
Le Ciirpo se projette dans l’avenir de la production ovine
En 2024, une trentaine d’études est en cours au Ciirpo. Et les projets ne manquent pas, entre l’adaptation au changement…
Pierre Stoffel avec son chien
« J’ai à cœur de maintenir la commercialisation en circuit court de mon élevage ovin ! »
Confiant, Pierre Stoffel, à peine 20 ans, vient tout juste de reprendre l’exploitation familiale en individuel, que son père a…
Albédomètre
Innover et tester pour les éleveurs ovins
Reconnu pour son impartialité, le Ciirpo expérimente de nouvelles techniques en production ovine avec des essais réalisés…
Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 93€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir Pâtre
Consultez les revues Réussir Pâtre au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Réussir Pâtre