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Gaec du Guilhaumard, dans l’Aveyron
Les parcours couvrent un tiers des besoins alimentaires

L’intégration des parcours dans le système fourrager, y compris en période de production laitière, a permis à cette exploitation du Larzac de retrouver une complète autonomie.

« Nous sommes passés d’une recherche de production laitière importante, au prix d’achats conséquents, à l’utilisation des ressources naturelles de l’exploitation. Mais, nous avons oublié la performance individuelle », expliquent Geneviève et Roger Rouquette, producteurs de lait de brebis, à Cornus (Aveyron), avec leur fils David. Le Gaec du Guilhaumard, situé sur le Larzac, exploite 135 hectares de surface utile (dont 45 à 50 ha de céréales) et 300 hectares de parcours, qui n’ont eu, pendant longtemps, qu’un rôle accessoire dans la production fourragère. Aujourd’hui, les surfaces pastorales couvrent en moyenne 30 % des besoins alimentaires du troupeau. À partir de la fin des années 1990, les parcours ont été mis en valeur (débroussaillage, clôtures, équipements pastoraux), avec l’aide de fonds européens (Article 19, programme Life…) et du parc naturel régional des grands causses, pour les exploiter avec un cheptel ovin viande de 220 brebis en vue de l’installation de David (2002). Une mauvaise idée à l’usage - trop de travail pour gérer les deux activités - qui a conduit la famille Rouquette à repenser la conduite du troupeau laitier pour intégrer progressivement les parcours dans l’alimentation des brebis et même des agnelles. La mise bas a été repoussée du 10 décembre à fin janvier. La traite se déroule du 1er mars au 31 août.

Des parcs associant cultures fourragères et pelouses

Pour compenser la baisse de productivité des brebis, le troupeau est passé de 450 à 600 brebis, ce qui entraîné une hausse de la production (de 900 à 1 100 hl). Mais, avec du lait moins coûteux à produire. Le coût alimentaire en 2014 était de 35 euros par brebis pour 187 litres de lait par brebis présente (47 € avec 210 litres par brebis pour les exploitations du référentiel causse). Les surfaces pastorales ne sont pas toutes de même qualité et s’étendent jusqu’à 5 km du siège. Les plus proches sont des pelouses herbeuses au sein desquelles sont disséminés des champs. Les plus éloignés sont des parcours plus ou moins boisés (chêne, hêtre). Tout au long de la saison, les brebis vont les pâturer en cercles concentriques en s’éloignant de plus en plus. Durant les mois d’avril et mai, elles disposent d’une surface de 60 hectares divisée en 11 parcs qu’elles pâturent quatre heures par jour. Chacun est composé d’un tiers de ray-grass, un tiers de céréale-vesce et un tiers de pelouse. Elles séjournent un à trois jours par parc. « Au début, elles mangent les céréales-vesces, puis le ray-grass et, fin mai, elles attaquent les pelouses », explique les éleveurs. Sur cette période, les parcours fournissent 10 % des besoins.

À partir de début juin, les brebis pâturent uniquement la nuit sur des îlots plus grands (50 ha divisés en 4 parcelles), plus éloignés et constitués de 50 % de pelouse et 50 % de cultures fourragères. Les brebis changent de parcelle tous les cinq jours. Pendant l’été, elles sont complémentées avec 500 grammes de foin par jour. Sur cette période, les surfaces pastorales assurent 60 % de l’alimentation grossière. Au 15 août, elles reviennent en bergerie pour la lutte et le tarissement. Vers le 20 septembre, elles rejoignent les parcours les plus éloignés, environ 200 hectares divisés en 9 parcelles. Elles y séjournent jusqu’à fin décembre si la météo le permet et s’il y a suffisamment à manger. Elles peuvent s’abriter dans une bergerie (440 m2) qui avait été construite pour le troupeau viande. Selon les parcs, elles s’abreuvent à la bergerie ou à une cuve. Pendant la période de gestation, le parcours couvre la totalité des besoins. « Elles sont en vacances, nous aussi », s’amuse Roger Rouquette.

Le loup remettrait complètement en cause ce système pastoral

L’éleveur reconnaît que cette organisation a demandé « des années » à mettre en place. Notamment pour tout clôturer (trois fils électriques) et trouver le bon découpage afin d’inciter les brebis à tout pâturer. « Au début, nous avons débroussaillé mécaniquement, mais, derrière, il faut une pression de pâturage suffisante pour maîtriser l’embroussaillement. Nous faisons encore quelques interventions mécaniques, mais beaucoup moins », explique Roger Rouquette. L’entretien sous les clôtures, au rotofil, demande une semaine de travail par an. Le seul parcours d’automne (200 ha) en comprend 22 km. Cette organisation bien huilée a permis à l’exploitation de retrouver une totale autonomie fourragère, mais aussi de diviser par deux le temps de travail, par rapport à l’ancien système avec gardiennage, alors qu’il y a deux fois plus de brebis. L’intérêt environnemental de cette mise en valeur des parcours n’est pas non plus pour déplaire aux éleveurs. Mais, aujourd’hui, ils sont inquiets pour la pérennité de ce système pastoral. Le loup rôde dans la région. « Sa présence remettrait complètement en cause l’utilisation des parcours sans gardiennage »

Pendant l’été, 60 % des besoins couverts par les parcours

Les agnelles pâturent aussi des parcours

Les agnelles sont également élevées sur des parcours. Mais, l’éleveur reconnaît y être « venu progressivement », hésitant à franchir le cap. Auparavant, elles restaient en bergerie avec des sorties quotidiennes. Elles sont sevrées début mars et restent encore trois mois en bergerie. Au 1er juin, elles sortent sur des petits parcs pour s’habituer à la pâture. À partir du 20 juin, elles vont sur de bons parcours où elles restent jusqu’à fin août. Et, à partir du 15 juillet, elles n’ont plus de complément de foin, seulement de la céréale (400 g de seigle par jour). L’éleveur a constaté un changement de comportement : « L’année suivante, elles sont beaucoup plus calmes. Elles savent manger. Elles marchent avec le troupeau. »

Avis d'experts

« Aller chercher du lait sur les parcours »

« Dans la région, il y a une prise de conscience de l’intérêt d’intégrer les parcours dans le système fourrager. Mais, il n’y a pas souvent une telle recherche de productivité et la volonté d’aller chercher du lait sur les parcours. Leur utilisation se limite souvent à de l’entretien pendant la période de tarissement. Cette valorisation des parcours est reproductible, à condition toutefois qu’ils soient à proximité des bâtiments. Au Gaec du Guilhaumard, le point remarquable, c’est d’avoir constitué des parcs avec des surfaces labourables et des parcours de bonne qualité pour maintenir une bonne productivité laitière. »

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