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En Normandie
Les moutonniers s’inquiètent pour leurs abattoirs

Les éleveurs ovins normands ne restent pas les bras croisés et s’activent pour pérenniser leur production.

Pour l’assemblée générale régionale de Normandie, la Fédération nationale ovine (FNO) a tenu séance à Évreux, dans l’Eure. Gênés par les chutes de neige, les éleveurs n’étaient pas nombreux à avoir fait le déplacement. Pourtant les sujets à aborder étaient nombreux et les problématiques à débattre de première importance pour le futur proche de la production régionale. En effet, lors de la présentation des actions entreprises par le syndicat et l’interprofession pour promouvoir la viande d’agneau, les éleveurs présents ont tiré le signal d’alarme. « De plus en plus d’abattoirs locaux sont en train de fermer leurs lignes d’abattage d’agneaux, pour se spécialiser par site », désapprouve Florence Prévost, éleveuse de l’Eure et membre du conseil d’administration de la FNO. La région ne compte plus que trois abattoirs disposant de lignes pour ovins. Une nouvelle ligne d’abattage ovine est néanmoins en construction à Carentan-les-Marais, dans la Manche. Marion Perras, chargée de mission à la FNO, à présenter les actions de communication et de promotion de la viande d’agneau pour l’année à venir. La plupart des actions se feront dans le cadre interprofessionnel et même européen, puisque le programme « Enjoy, it’s from Europe » a été reconduit.

Innover dans la transformation de la viande…

La France s’associe à l’Irlande et au Royaume-Uni pour promouvoir la viande d’agneau auprès d’un public bien ciblé. Il s’agit de jeunes consommateurs et acheteurs, âgés de 25 à 35 ans, qui évoluent dans un environnement digital, très présents sur les réseaux sociaux et fortement influencés par les informations qu’ils y trouvent. Avec ses partenaires européens, Interbev Ovins réfléchit et fait réfléchir les consommateurs sur des nouvelles façons de consommer l’agneau, avec des recettes plus rapides, plus simples, mieux adaptées au train de vie des personnes de cette tranche d’âge. « Je fais de la vente directe et je me rends compte que les produits préparés se vendent vraiment bien, témoigne Christophe Guicheux, éleveur de brebis et président de la FDO de l’Eure. Mais pour que mes clients restent fidèles, ma gamme de produits est en mutation perpétuelle. Je fais sans arrêt de nouveaux essais. » En effet l’éleveur essaye au maximum de sortir des sentiers battus tout en gardant en tête les nouvelles exigences des consommateurs : couscous d’agneau, crépinettes, haché d’agneau et mousse de foie sont au menu. « C’est primordial de parvenir à se détacher des morceaux et des recettes traditionnelles et d’arriver à proposer des nouvelles formes de consommation en travaillant notamment sur la découpe », poursuit l’éleveur. Pour cela, il faut que les habitudes de production et de transformation changent, évoluent et s’adaptent. « Il y a de la demande pour des jeunes agneaux, détaille-t-il encore. L’éleveur est donc assuré de trouver des débouchés et cela et également intéressant pour lui financièrement puisqu’il garde moins longtemps les agneaux sur son élevage, ils coûtent moins cher à être produits. » Durant l’après-midi de l’assemblée générale régionale, Christophe Guicheux a accueilli les participants sur sa ferme et a présenté ses différents ateliers. L’éleveur a tout misé sur la vente directe de viande d’agneau et de lapins ainsi que de produits transformés et plats cuisinés sur place, dans la salle de découpe et la cuisine attenante au magasin de la ferme.

… et se mettre au digital pour attirer les jeunes

Interbev a signé pour une série de vidéos qui seront diffusées en ligne sur les sites Démotivateur Food et Chef Club. Ces films courts d’une à deux minutes dévoilent des recettes modernes et simples pour accommoder l’agneau. Par ailleurs, la FNO s’est également grandement impliquée dans le Pacte, dessiné par Interbev pour la communication auprès du grand public. Là encore les participants à l’assemblée générale régionale sont tous tombés d’accord sur l’importance d’être le plus transparent possible auprès des consommateurs. « Les consommateurs aiment connaître la réalité, mais ils ne veulent pas seulement acheter de la viande, ils veulent aussi l’histoire qui va avec, la vie de l’agneau, comment il a été élevé, etc. », précise Christophe Guicheux. Les éleveurs reconnaissent l’impact positif que peut avoir la communication à leur propre échelle, c’est-à-dire en faisant visiter leurs exploitations et en « expliquant ce que l’on fait, tout simplement, sans avoir honte de dire que l’on abat des agneaux », conclut Françoise Prévost. Pour la promotion de la viande d’agneau en magasin, les grandes surfaces se disent prêtes à faire un effort, mais insistent sur l’importance de garantir les volumes. En effet, comme le rappelle Jean-Roch Lemoine, éleveur de l’Aube et représentant du syndicat national pour cette assemblée régionale : "Il est arrivé que des grandes surfaces mettent des moyens pour promouvoir l’agneau auprès de ses clients et que ceux-ci se retrouvent face à des rayons vides faute d’approvisionnement. Ce type de situation est catastrophique pour tout le monde".

Dans l’attente du Brexit

Au niveau de l’Europe, le Brexit continue d’inquiéter. Depuis son officialisation en mars 2016, les moutonniers français ne voient pas, dans tous les cas de figure, une issue heureuse à la sortie du Royaume-Uni de l’Union à 27. La FNO est toujours mobilisée sur le sujet et entrevoit, au gré des nombreuses négociations en cours et à venir, deux scénarios forts. Dans le cas d’un Brexit « mou », c’est-à-dire qui ne soit pas très pénalisant pour le Royaume-Uni, il faut s’attendre à une concurrence accrue de la viande ovine anglaise sur le marché français. En effet, si le Royaume-Uni parvient à obtenir des contingents tarifaires plus importants que les flux de viande ovine qu’il exporte actuellement, il est fort à parier qu’il augmentera les volumes en conséquence. Dans le cas contraire, si l’issue du Brexit est « dure » pour le Royaume-Uni, celui-ci se détournera du marché français, devenu trop cher pour lui à cause des taxes douanières et de contingents tarifaires réduits. La France se retrouverait en situation de manque de viande ovine, desservant complètement l’effort entrepris depuis plusieurs années par la FNO et l’interprofession pour relancer la consommation. Le syndicat demande donc que le Royaume-Uni puisse bénéficier de contingents tarifaires de volume égal aux flux aujourd’hui exportés vers la France. De même, la FNO s’interroge sur le devenir des accords de libre-échange concluent entre l’Union européenne et l’Océanie. La sortie du Royaume-Uni désolidarise toutes les négociations et cela s’avère particulièrement instable pour la viande ovine.

Avis d'expert

Pour des relations commerciales apaisées

" Pour les négociations commerciales de l’année 2019, nous souhaitons qu’enfin le prix soit défini en fonction des coûts de production et non pas l’inverse. Le contrat devra être renégociable en cours d’année et doit être porté par les producteurs eux-mêmes. Tous les opérateurs de la filière doivent dorénavant être au courant des coûts de production et pas seulement le premier acheteur comme c’est malheureusement trop souvent le cas. La FNO met actuellement en place un tour de France des prix pour avoir un panorama de ce qui existe aujourd’hui et pour accompagner et « rebooster » les négociations en régions."

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