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Pays basque
Les laiteries du bassin des Pyrénées-Atlantiques

Coopératives ou privées, grandes ou petites, solides ou fragiles, dix laiteries des Pyrénées-Atlantiques produisent de l’Ossau-Iraty et d’autres fromages à forte valeur ajoutée. Panorama des forces en présence.

Trois multinationales laitières françaises sont présentes dans les Pyrénées-Atlantiques : Lactalis(1), avec la fromagerie Pyrénéfrom, Savencia (ex-Bongrain)(1) avec la fromagerie des Chaumes et la coopérative Sodiaal. Ces trois-là collectent 74 % du lait produit dans le département, pour le transformer notamment en Ossau-Iraty, l’appellation d’origine protégée ovine emblématique des Pyrénées. Chaumes collecte plus qu’elle n’a besoin et revend aux autres 6,4 millions de litres. À elles trois, elles produisent 77 % des fromages à pâte pressée du département.

Ce n’est pas tant cette position dominante qui leur est reprochée mais le fait d’avoir des moyens marketings puissants pour déplacer la valeur ajoutée de l’AOP vers leurs fromages industriels, en profitant de l’image, montagnarde et ou basque, de cette appellation porteuse. Ils vendent des fromages type P’tit basque, Etorki, Brebiou, certes fabriqués sur place mais pas forcément qu’avec du lait local. Le lait complémentaire (16,7 millions de litres), essentiellement acheté par Pyrénéfrom, Agour et Onetik, vient du rayon de Roquefort et d’Espagne. Les 12 millions de litres de lait complémentaires transformés par Sodiaal viennent de ses autres associés coopérateurs de Lozère, de Roquefort et du Villefranchois.

Pourquoi acheter du lait dans les Pyrénées-Atlantiques ?

Historiquement, avant la naissance de l’appellation Ossau-Iraty en 1980, le département produisait du lait pour les laiteries de Roquefort, laissant échapper la valeur ajoutée. Depuis plus de trois décennies, la variable d’ajustement est devenue un bassin à part entière, qui, ironie de l’histoire, importe les surplus du bassin aveyronnais, pour en faire des fromages industriels.

Cette situation n’est pas perçue par les éleveurs comme une force mais plutôt comme une faiblesse. En effet, puisque les industriels vendent très bien leurs fromages de brebis sans appellation, pourquoi continueraient-ils à acheter du lait aopable, dans les Pyrénées-Atlantiques, au prix fort, 1,10€/l en moyenne, au lieu d’aller se fournir ailleurs et de dégager une meilleure marge ? D’autant plus que seuls 55 % du lait aopable est transformé en Ossau-Iraty. Un tabou, qu’uniquement Sodiaal a osé aborder avec ses associés coopérateurs, il y a cinq ans, en leur fixant une référence quinquennale. « Quand le lait manque, Sodiaal n’applique pas de pénalité, mais si un jour le lait aopable devenait excédentaire, le système serait en place » prévient Thierry Lanuque, administrateur.

D’après lui, l’Ossau-Iraty a encore des perspectives de développement sur le marché national mais pas à l’international, où il n’est pas distingué d’autres fromages de brebis, plus compétitifs. La grille de prix de Sodiaal correspond aux contraintes industrielles avec des prix différenciés selon les périodes de collecte afin de favoriser la désaisonnalité, le cahier des charges de l’AOP imposant un arrêt de production de trois mois.

Des laiteries petites et moyennes qui trouvent leur place

Face aux trois géants, les petites et moyennes laiteries se partagent le reste du marché, chacune avec sa spécificité. Agour élargit sa gamme : des glaces aux biscuits, en passant par des pâtes molles ou la charcuterie, autre produit à forte connotation basque. « Plus on a des produits à proposer, plus facilement nous pouvons décrocher un emplacement linéaire, personnaliser la demande du client. Mais l’AOP tire la gamme, nous ouvre les portes » se justifie Peio Etxeleku, directeur et actionnaire.

Les Bergers de Saint-Michel, appartient à six éleveurs ovins, mais collecte auprès d’une trentaine d’entre eux, attirés par ses tarifs les plus élevés du bassin. Pionnier du lait cru, cette laiterie arrive à fabriquer tous ses fromages Ossau-Iraty au lait cru. Elle se différencie aujourd’hui avec l’Ossau-Iraty au lait cru bio qui nécessite 200 000 litres et représente 25 % de son activité. « La demande est plus importante que l’offre » regrette Christophe Ourriçariet, directeur, qui lance des appels à la conversion.

La fromagerie du Pays d’Aramits se distingue, elle, par ses livreurs, tous transhumants. La laiterie n’achète du lait aopable, en dehors de ses 56 éleveurs, qu’en fin de campagne quand ils sont tous en estive. « Le caractère transhumant n’est pas mis en avant commercialement. La qualité du produit suffit » confesse en toute discrétion Sébastien Lembeye, son directeur.

La fromagerie d’Urepel, quant à elle, dénote, puisqu’elle ne fabrique que des fromages au lait cru de brebis, mais pas d’AOP. Ce qui ne l’empêche pas de faire vivre une dizaine d’éleveurs, avec comme principal argument de vente auprès des consommateurs, essentiellement locaux, le lait cru.

Des coopératives encore fragiles avec des producteurs investis

Trois autres laiteries se débattent dans ce bassin. Onetik, filiale de la coopérative Berria, qui s’est hasardé un temps à la mozarelle est revenue aujourd’hui à son cœur de métier : l’Ossau-Iraty à affinage long (plus de 10 mois), le bleu des Basques (brebis ou chèvre) et la tomme noire des Pyrénées (vache). « Une erreur dont elle se remet, grâce aux efforts des salariés, par le gel des salaires, et des producteurs », affirme Beñat Saint Esteben, le président de la coopérative Berria. Ajoutons que de nouveaux actionnaires ont intégré le capital, rendant Berria minoritaire. Un bon redressement qu’après trois années de pertes de 2012 à 2014, Onetik a renoué avec les bénéfices en 2015 sur chiffre d’affaires de 37 millions d’euros. Le salut d’Onetik pourrait venir du lait de chèvre, déjà sept livreurs, bientôt dix, pour un produit, le bleu des Basques pur chèvre, qui a raflé des récompenses au salon Capr’Inov et au World Cheese Awards de 2016.

Azkoria est une jeune coopérative d’à peine 16 éleveurs exclusivement AOP, qui mettent la main à la pâte. Ils participent à l’affinage, l’expédition et la commercialisation deux jours et demi par semaine, de décembre à juin. Maintenant que la coopérative est plus établie, « mais pas encore en vitesse de croisière », il a été décidé d’embaucher pour décharger les associés-coopérateurs plutôt que d’augmenter les prix du lait. « Cette participation régulière des éleveurs, c’est ce qui fait notre force de cohésion » analyse Peio Elgoyhen, directeur de la coopérative.

Quant à la Coopérative laitière du Pays basque, très médiatisée, elle était initialement une coopérative de collecte de lait de vache et brebis. Elle a voulu créer, en 2012, son outil de transformation pour prendre son indépendance vis-à-vis des gros collecteurs. Sa filiale Fromagerie des Aldudes a donc ouvert en 2014 grâce à un investissement de six millions d’euros, puis récolté un an plus tard 403 000 euros grâce à un financement participatif. Sa gamme, très large, se veut non concurrentielle par rapport aux autres acteurs déjà présents : du beurre au succès inattendu au lait labellisé Bleu blanc cœur, en passant par trois types de fromages (pâtes pressées, pâtes molles, lactiques) et, depuis cet automne, du bio. Les associés coopérateurs ont redoublé d’efforts, en assurant bénévolement de nombreuses animations en grandes surfaces. Cependant, cette phase de démarrage est longue. La coopérative enregistre un million d’euros de retards de paiement vis-à-vis de ses éleveurs. 28 éleveurs ovins ont donc suspendu leurs livraisons, ces deux dernières années. L’unité de fabrication est dimensionnée pour 2,5 millions de litres en brebis et 4,5 millions de litres de lait de vache, mais n’en travaille que 1,3 million, le reste est vendu aux autres laiteries du territoire. Un moment difficile à passer, mais prometteur puisque le chiffre d’affaires n’était que de 400 000 euros en 2014 et devrait atteindre 4 millions en 2017.

(1) Lactalis et Savencia ont refusé de répondre à notre enquête.

Les multinationales collectent les trois quarts du lait

Chiffres clés

Le bassin des Pyrénées-Atlantiques

1 386 livreurs de lait de brebis
61 millions de litres de lait livrés
76 % du lait en AOP
83 millions de litres de lait utilisés pour la fabrication des fromages dont 23 % en AOP
Données 2015-2016

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