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DANS L'ESTUAIRE DE LA GIRONDE
Les éleveurs du marais valorisent en circuit court

Cinq éleveurs ont créé l'association des Moutonniers de l'Estuaire, pour faire reconnaître les spécificités de leurs élevages et mieux valoriser leurs agneaux auprès des bouchers et des particuliers.

littorales, parmi lesquelles les bords de l'estuaire de la Gironde. C'est sur ce territoire, au sud de Royan, qu'est née en 2005 l'association des Moutonniers de l'Estuaire. «La Charente-Maritime ne compte que 170-180 élevages ovins pour un potentiel de 12-13 000 brebis, explique Olivier Guillon, président de l'association. En majorité, les ovins sont complémentaires de céréales, bovins ou vigne. Et l'élevage ovin étant peu développé, le département ne dispose pas de groupement propre.» Si Vendée Sèvres Ovins, groupement de Vendée, collecte des agneaux au nord du département, Sur la façade atlantique, plus de 300 000 hectares constituent ce que l'on appelle les zones humides au sud les éleveurs doivent se tourner vers quelques grossistes et vers la vente directe. «Sur l'estuaire, nous vendons tous en direct, notamment grâce au tourisme qui y très développé, précise Olivier Guillon. Et nous produisons de façon traditionnelle, en valorisant les marais et les produits de l'exploitation. Mais l'utilisation des marais demande un certain savoir-faire, pour valoriser la flore, faire face à la montée des eaux, éviter les noyades et les problèmes pathologiques. Nous avons donc décidé de nous regrouper pour faire reconnaître les spécificités de nos élevages, mieux valoriser nos agneaux et développer l'élevage.»

Un élevage extensif avec une marque

L'association regroupe aujourd'hui quatre éleveurs de Charente-Maritime et une éleveuse de Gironde, pour un total de 850 brebis. Soutenue par l'Irqua (*) Poitou-Charentes et le Forum des Marais Atlantiques (voir sous-papier), elle a déposé la marque «Agneau de l'Estuaire», associée à un cahier des charges. «En pratique, c'est un mode d'élevage assez extensif, résume Olivier Guillon. Nous valorisons au maximum l'herbe et la flore des marais. Et le reste de l'alimentation est à base de luzerne, orge, triticale, féverole et pois. Les agneaux sont sevrés après 90 jours et vont dans les marais avec leur mère de fin mars à mi-juin.» La race n'est par contre pas définie.

Les agneaux sont abattus vers 4 à 4,5 mois, à un poids carcasse de 16 à 20 kg. Et grâce en partie à la diversité des races présentes sur les élevages, l'approvisionnement se fait sur presque toute l'année. L'abattage se pratique à l'abattoir municipal de Montguyon, situé à 80 km, le seul à abattre des ovins au sud du département. C'est Olivier Guillon, qui possède une bétaillère, qui transporte les agneaux pour tous les éleveurs. Ceux destinés à la vente directe sont ensuite repris par un découpeur situé à Courpignac (17), Patrick Symphor, qui les découpe et les conditionne en caissettes, éventuellement sous vide. Puis Olivier Guillon, qui s'est équipé d'un camion frigorifique, récupère l'ensemble des caissettes à l'occasion de ses tournées.

Vente aux particuliers et aux bouchers

«L'idée de départ de l'association était de valoriser des agneaux entiers ou des demi-agneaux auprès de restaurants souhaitant mettre en avant des produits de l'estuaire, indique Olivier Guillon. Vingt s'étaient engagés dans la démarche. Mais pour des raisons de main d'oeuvre, débouchés, recettes, la plupart ont vite arrêté.» Aujourd'hui, seuls quatre restaurants continuent à valoriser ces agneaux, dont le restaurant de l'Estuaire, à Talmont/Gironde, qui le faisait déjà avant la création de l'association. Le principal débouché des éleveurs est donc la vente aux particuliers. «Nous avons pour cela créé un dépliant publicitaire et nous organisons chaque année une fête de l'agneau de l'estuaire sur un élevage.» Les éleveurs respectent par ailleurs un prix de vente commun, de 9,50 €/kg découpé en caissette et 12 euros au kilo sous vide. Mais chacun s'occupe lui-même de sa commercialisation.

Un autre débouché est celui des bouchers. «Nous fournissons six bouchers, qui sont très demandeurs de nos agneaux. Nous les leurs vendons comme agneaux traditionnels, à 7-8 euros par kilo. Mais ils ne peuvent mettre en avant l'origine du produit et ses particularités. Aussi, nous avons décidé de développer notre démarche en leur faveur, par un travail marketing, des affiches... Nous allons aussi revoir notre cahier des charges, conçu surtout pour les particuliers. En terme de poids notamment, si les particuliers préfèrent des agneaux légers, de 18 kg, les bouchers recherchent plutôt des agneaux de 20-22 kg.»

Un autre objectif de l'association est de développer l'élevage. Dans le cadre du plan de relance ovine, un stage va ainsi être organisé sur le département, avec une dizaine de participants. «En 2007-2008, 7 à 8 jeunes se sont installés ou vont s'installer en ovin en Charente-Maritime, indique Olivier Guillon. Et parmi eux, il y en a un au moins sur les bords de l'estuaire, qui devrait rejoindre l'association.» Une réflexion est également menée pour créer sur le secteur un atelier de découpe multi-espèces, ce qui devrait encore faciliter le développement de la démarche.

Véronique Bargain

(*) Institut Régional de la Qualité Agro-alimentaire

Forum des Marais Atlantiques : en soutien aux éleveurs

Le Forum des Marais Atlantiques est un syndicat mixte associant des partenaires des façades atlantique, Manche et Mer du Nord et déclaré Pôle Relais de l'action gouvernementale en faveur des zones humides. «Depuis 50 ans, les zones humides ont beaucoup diminué, constate Gilbert Miossec, du Forum des Marais Atlantiques. Or, ces zones sont essentielles comme lieux de nourrissage et reproduction des espèces marines, halte pour les oiseaux migrateurs, épuration des eaux. Elles créent aussi une diversité de paysages favorable au tourisme et favorisent la production de produits de qualité qui permettent le maintien d'un tissu rural dans ces zones.» Dans ce contexte, et dans le cadre d'un programme Equal sur la transmission des savoir-faire et l'égalité des chances, le Forum a donc soutenu dès le début l'initiative des Moutonniers de l'Estuaire. Un objectif était notamment de définir des méthodes permettant de dynamiser des filières de vente directe et transposables à d'autres zones humides. En pratique, plusieurs réunions par an sont organisées entre les éleveurs et le Forum, pour préciser notamment les orientations à prendre. Le Forum leur apporte aussi un appui pour la communication, la réalisation d'affiches et plaquettes, l'organisation des portes-ouvertes, le contact avec les collectivités...

Avis d'éleveurs Olivier Guillon (Mescher-sur-Gironde)

Après 12 ans passés comme technico-commercial, Olivier Guillon s'est installé en 2001 à la suite de ses parents. «J'ai toujours été attiré par le mouton, explique-t-il. Et l'orientation vente directe m'a plu car elle me permet de maîtriser le produit de sa production à sa commercialisation.» Aujourd'hui, l'éleveur exploite 102 ha, dont 62 ha d'herbe, 40 ha de cultures, 400 brebis à dominante Charolaise, un camping à la ferme et, depuis 2007, une activité de ferme pédagogique. 100 brebis sont dédiées à la vente de reproducteurs, 300 à la vente directe d'agneaux. Pour avoir des agneaux le plus longtemps possible dans l'année, les brebis sont réparties en quatre lots, avec utilisation d'éponges sur certaines d'entre elles et mise bas en septembre-octobre, novembre, janvier-février et mars-avril. Dans le même objectif, l'éleveur a acquis 50 brebis de race Grivette, une race rustique et se désaisonnant bien. Hormis les animaux vendus comme reproducteurs, Olivier Guillon écoule tous ses agneaux en vente directe, auprès de 6 bouchers, 4 restaurants et des particuliers.

Régine Boisseau (Mortagne-sur-Gironde)

Eleveuse en agriculture biologique, Régine Boisseau exploite 60 ha, dont 80% de prairies, et 150 brebis de race vendéenne. Elle propose aussi un camping à la ferme, des gîtes et la location d'ânes bâtés, sous le label «Accueil paysan». Installée voici dix ans, l'éleveuse a eu du mal à trouver des prairies. «Il y a une forte pression sur le foncier, du fait du développement des grandes cultures et du tourisme» constate-t-elle. Pour faire pâturer ses brebis, Régine Boisseau a donc dû louer avec un autre éleveur 20 ha sur l'île d'Ambès, située sur la Gironde. Les deux éleveurs y pratiquent désormais la transhumance de mai à septembre. «Mais c'est assez complexe et coûteux. Il faut transporter les brebis en camion sur 80 km, puis les faire traverser en bateau. Nous avons aussi dû acheter un petit bateau pour aller surveiller les animaux.»

En terme de commercialisation, l'éleveuse est en revanche bien organisée. Elle a notamment investi dans un laboratoire de découpe à la ferme, qui lui permet de vendre 70% de ses agneaux en direct à des particuliers, le reste en RHF et dans des fêtes. «Grâce à ce laboratoire et au réseau bio, je n'avais pas de problème de commercialisation, précise-t-elle. Mais l'association des Moutonniers de l'Estuaire m'intéresse en tant que démarche collective au sein d'un territoire et pour montrer qu'on peut vivre du mouton dans le marais, avec de petits troupeaux.»

Maurice Gruget (St-Saurin d'Uzet)

Maurice Gruget exploite 220 brebis Suffolk et Hampshire, 30 bovins allaitants et 120 ha, dont 60 ha de prairies, le reste en cultures. 60% de ses agneaux sont vendus à des grossistes, le reste à des particuliers et depuis peu à quelques bouchers. Son principal problème aujourd'hui est celui des prairies. «Sur les 60 ha de prairies dont je disposais, la moitié a aujourd'hui pratiquement disparu, explique-t-il. Depuis quelques années, l'eau monte en effet de plus en plus haut, du fait peut-être du réchauffement climatique. De plus, la tempête de 1999 a détruit une digue qui protégeait une partie des prairies. Cette digue n'a pas été reconstruite et aujourd'hui, les prairies sont régulièrement envahies par les eaux.» Pour faire pâturer ses animaux, Maurice Gruget doit donc aujourd'hui jouer avec les marées. Il pratique aussi la transhumance l'été sur l'île d'Ambès, avec Régine Boisseau. «Mais je manque encore de prairies et si je n'arrive pas à en trouver, je devrais envisager de réduire mon troupeau» conclut-il.

Richard Mas (Mortagne-sur-Gironde)

En matière de vente directe, Richard Mas est un privilégié. Son exploitation est en effet située tout au bord du petit port de Mortagne-sur-Gironde, site très touristique avec ses 200 places de voiliers et ses centaines de campings-cars chaque année. L'éleveur, qui exploite 47 ha et 100 brebis Charolaises, Texel et Mouton vendéen, peut ainsi vendre en direct la plus grande partie de ses agneaux. Dans sa maison, sur le port de Mortagne, il a mis en place une chambre d'hôte, une table d'hôte et la vente aux particuliers, le tout sous le label «accueil paysan». «20% des agneaux que je produis passent dans la table d'hôte, précise-t-il. Ils sont transformés à 80% en couscous, 15% en tagine et 5% en brochettes.»

Les principaux points du cahier des charges :

- agneau né et élevé sur l'exploitation

- exploitation dont le siège et les terres sont situés sur les communes jouxtant l'estuaire

- agneau élevé sous la mère jusqu'à au moins 60 jours puis nourri avec les fourrages et céréales de l'exploitation

- alimentation provenant à 70% au moins de l'exploitation

- absence d'OGM.

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