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Après la tonte
Le lavage est essentiel pour les laines locales

Le lavage européen est menacé par la concurrence asiatique et les exigences environnementales. Pourtant, c’est un maillon indispensable pour valoriser les laines locales.

En novembre 2015, 150 professionnels européens de la laine se sont réunis pendant trois jours à Saugues en Haute-Loire. Ces rencontres ont permis de rappeler que le lavage est un passage obligatoire entre le monde de l’élevage qui fournit les toisons et le monde de l’industrie et de l’artisanat. « Sans lavage de laine, pas de costumes haut de gamme, ni de cape de berger ou de matelas douillet… », résumait Marie-Thérèse Chaupin, coordinatrice de l’Atelier-Laines d’Europe.

Or, le gros de l’industrie du lavage a quitté l’Europe pour s’installer en Asie. Il revient moins cher d’envoyer la laine en Chine, où les salaires sont bas et les exigences en matière de traitement des eaux moins élevées. Envoyer un container de laine à Shanghai depuis la France coûte ainsi un tiers moins cher que de l’expédier par camion à Bradford en Angleterre où se situe une grosse unité de lavage.

Une dizaine d’ateliers en France, une cinquantaine en Europe

Il reste en Europe une cinquantaine d’unités de lavage, plus ou moins importantes. En France, il n’en reste qu’une dizaine dont deux sont des unités semi-industrielles de lavage : Laurent Laine à Saugues en Haute-Loire et le Lavage de laines de Souvigny dans l’Allier.

L’entreprise Laurent Laine lave 80 tonnes de laines en suint par an, pour ses articles de literie et, à façon, pour une petite centaine d’éleveurs ovins. Depuis 2015, elle a entrepris, sous le nom de « Lavage de laines du Gévaudan » une rénovation de son installation, avec un projet de station d’épuration écologique adaptée.

À Souvigny, l’entreprise de quatre personnes collecte environ 500 tonnes de laine brute par an. L’atelier a la possibilité de laver des lots à façon pour des personnes souhaitant valoriser leur laine, ainsi que de la laine issue d’élevages biologiques. Avec le soutien de sa société mère Laroue à Mazamet dans le Tarn, elle a investi pour pouvoir traiter 9 à 10 tonnes de laine lavée par semaine.

Mais, pour ces deux entreprises, les autorisations administratives et les subventions promises sont lentes à se concrétiser. Ces difficultés mettent l’ensemble de la filière française en danger. « Les petites unités n’ont pas seules les moyens d’assumer la dépollution », justifie Éric Rouanet du Lavage de laines de Souvigny. « L’aide des autorités est essentielle pour préserver les structures qui permettent de laver de petites quantités pour les petites filatures et les artisans ».

Un lavage qui demande beaucoup d’eau

Car le lavage de la laine est une activité potentiellement très polluante. « En anglais, on ne parle pas de laver la laine mais plutôt de la récurer, ce qui donne une bonne idée de la tâche à accomplir », commente Marie-Thérèse Chaupin, coordinatrice de l’Atelier-Laines d’Europe. Pour séparer les fibres de la graisse, des crottes et des végétaux qui se sont nichés dans les toisons, il faut de l’eau, de la chaleur, de la soude et du mouvement. Le rendement de l’opération varie de 35 % pour les laines Mérinos à 60 % pour les laines plus grossières de plein air. En moyenne, 50 % du poids initial est un résidu de lavage. Ces impuretés (matières organiques, végétales, minérales, graisses…) et les quantités d’eau mise en jeu (lavage, rinçage et traitement) sont importantes. « J’ai apporté 800 kilos de laine des Mérinos de Rambouillet, témoigne Antoine Brimboeuf de la Bergerie nationale. Après lavage, il ne restait que 294 kilos de laine propre. »

Du fait de sa teneur en graisse, le lavage de 1 000 kilos de laine brute en une journée requiert un traitement des effluents équivalents à celui des eaux domestiques produites en une journée par une ville de 1 250 à 4 000 personnes. Des tests et expérimentations, plus ou moins avancés, sont en cours pour tenter de laver la laine de façon plus écologique : lavage à sec, par fermentation, microbien, à l’eau de mer, dans les eaux thermales et même aux ultrasons.

Une valorisation locale qui crée du sens

Pourtant, le lavage est un maillon essentiel pour mettre en valeur les laines locales. « Si ce maillon fragile se brise, les éleveurs verront leur toison voguer au bout du monde et les industriels et artisans s’approvisionneront en fibres et fils d’origine incertaine » regrette Marie-Thérèse Chaupin de l’Atelier-Laines d’Europe. En effet, depuis plusieurs années, de nouvelles initiatives de valorisation de laine apparaissent. Elles représentent certes de petites quantités mais cela permet de tisser des liens entre producteurs ovins et transformateurs. Le grand public, demandeur de produits naturels et tracés, est prêt à payer davantage pour un produit dont il connaît l’origine. C’est aussi souvent l’occasion de valoriser le local ou les races à petits effectifs.

C’est par exemple le cas d’une vingtaine d’éleveurs de brebis Raïole dans les Cévennes qui tentent de valoriser leur laine avec l’appui du Parc national des Cévennes. La tonte et le tri collectif ont lieu de février à mai. « Quatre tonnes de laine ont été triées selon quatre classes : laines longues, laines courtes, laines de couleur, laines jarreuses » explique Mathilde Schlaeflin du Parc national des Cévennes. Ensuite, des nappes, des couettes, des tapis ont été fabriqués.

La laine, c’est aussi un patrimoine culturel, émotionnel et social

Autre exemple avec l’association Mérilainos qui cherche à valoriser la laine Mérinos d’Arles. Depuis 2013, elle envoie chaque année environ trois tonnes de laine brute à Biella, entre Turin et Milan. Les lots de laine sont ensuite triés selon la finesse puis les fibres sont lavées, peignées et filées pour obtenir un fil de base qui, selon la demande de chacun des quinze éleveurs, sera traité anti-feutrage, retordu, teint, mis en écheveaux, en pelotes et étiqueté. « Il existe un marché de niche pour transformation de petits lots de laine », confirme Nigel Thompson président du Consorzio Biella the Wool company.

En Ariège, l’association Laines paysannes collecte de la laine du département pour la transformer en fil à tricoter, chaussettes, bonnets, coussins ou couettes. « La mise en place d’une filière locale nous permet d’acheter la laine triée aux éleveurs à un prix juste », explique Olivia Bertrand qui a dernièrement fait appel au financement participatif pour investir dans une caravane boutique.

« Pour que les éleveurs se sentent concernés par le lavage, il faut qu’ils se sentent concernés par la laine via le négoce ou une démarche de valorisation locale. Leur implication ne doit pas être abordée qu’en terme économique. La laine, c’est aussi un patrimoine culturel, émotionnel et social », conclut Mathilde Schlaefin en reprenant les réflexions du groupe de travail sur l’implication des éleveurs.

Un maillon à préserver pour garder le local

En savoir plus

L’Atelier-Laines d’Europe a édité un beau recueil de témoignages, Laver la laine, de 146 pages en français et en anglais vendu 20 euros (+ frais de port) - Tél. 04 92 25 71 88 - atelier5@orange.fr - atelierlainesdeurope.eu 

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