Dans les élevages pratiquant la transformation fromagère à la ferme, le petit-lait constitue un déchet à traiter. En raison d’une importante concentration en matière organique, il est 20 fois plus polluant que les eaux blanches de la traite. Le petit-lait est pourtant utilisable comme source alimentaire. Plusieurs le cuisent à 85/90 °C pour en faire du breuil, greuil, brousse, brocciu, sérac, ricotta, les dénominations variant selon les régions. Ce sont les albumines, les globulines et les caséines non fromageables qui précipitent sous l’action de la chaleur, entraînant la matière grasse. « Seul le petit-lait de pâtes pressées de brebis permet la fabrication de breuil, précise Maïté Duhalde de l’association des producteurs fermiers du Pays basque. Le sérum de lactique, lui, n’est pas assez riche. Celui de vache donne peu de rendement et une texture souvent sèche. »
En alimentation animale, et plus spécifiquement porcine, le lactosérum est utilisable sur la ferme sous forme liquide, pour une alimentation en soupe, après intégration de la farine en mélangeuse ou tout simplement ajouté sur la farine distribuée. Aux Gaec Aozteia (Bunus) et Iruleia (Bustince-Irribery), producteurs d’Ossau-Iraty et de porcs basques Kintoa, le petit-lait est ajouté directement dans l’auge après la distribution d’aliment, dans les parcs. Les éleveurs commencent progressivement pour monter à 4-5 litres par jour et par porc au Gaec Aozteia et même jusqu’à 7-8 l/jour/porc au Gaec Iruleia. Dans ces deux fermes, la quantité de petit-lait est limitée par la capacité fromagère de l’exploitation et à la période de transformation. C’est pourquoi Guy Idiart, du Gaec Iruleia, fait entrer les cochons sur l’exploitation fin décembre au moment où commence la production fromagère. Au Gaec Aozteia, de juin à décembre, les cochons ne boivent pas de petit-lait.
Le petit-lait fermente et s’acidifie pour une meilleure digestion
Le lactosérum semble mieux convenir aux porcs charcutiers et aux verrats qu’aux truies. En effet, ces dernières nécessitent une alimentation spécifique à chaque phase du cycle (gestation/allaitante) et une alimentation plus fibreuse pour faciliter le transit. D’après Sébastien Astabie du Gaec Aozteia, il faut habituer les porcs jeunes mais la phase d’adaptation ne dure qu’une dizaine de jours. « La filière Porc basque conseille à ses éleveurs d’arrêter de nourrir au lactosérum deux mois avant l’abattage, craignant que le goût de la viande en soit altéré », relaye Guy Idiart. Il n’y aurait, en fait, aucune preuve gustative allant dans ce sens puisque, par exemple, les cahiers des charges de la saucisse de Morteau, la saucisse de Montbéliard et du Porc de Franche-Comté recommandent l’alimentation au petit-lait sans restriction en fin d’engraissement.
Riche en substances nutritives, le lactosérum constitue un milieu propice pour de nombreux germes, bactéries, levures ou moisissures. Afin de limiter ces proliférations, Sébastien Astabie est très rigoureux : il nettoie son système d’adduction à chaque utilisation et la cuve servant au transport et au stockage, tous les quinze jours. Au Gaec Iruleia, on se contente d’un nettoyage à grande eau une fois par mois. Sébastien est aussi attentif à ne pas proposer le lactosérum chaud. « Je transforme un matin sur deux. Donc, pour des raisons pratiques, je l’amène le lendemain et surlendemain matin ». Ce délai permet de favoriser les fermentations lactiques pour abaisser le pH et ainsi améliorer sa digestibilité.