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Accords commerciaux
L’agneau français dans la mêlée face à l’Océanie

L'Union européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont officiellement entrées en négociation en vue d'accords de libre-échange. Des accords qui présentent des risques considérables pour la filière ovine française...

La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a annoncé l’ouverture officielle des négociations autour des accords de libre-échange (ALE) entre l'Union européenne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, le 18 juin. Ces négociations font partie de la stratégie de l’Union européenne de multiplier les accords commerciaux, tels que le CETA (UE-Canada), JEFTA (UE-Japon), UE-Mercosur ou le TTIP avorté entre UE et États-Unis. Ces accords sont à chaque fois périlleux pour les filières agricoles françaises qui sont malheureusement souvent traitées comme les variables d’ajustement. Les syndicats agricoles français et européens doivent faire preuve de persévérance pour essayer de protéger au maximum leurs productions. Dans le cas des ALE UE-Océanie, les filières laitière, bovine et ovine sont particulièrement en danger face aux deux géants mondiaux que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande. L’Australie est le premier exportateur mondial de viande ovine et la Nouvelle-Zélande le deuxième. L’Europe représente pour les kiwis un débouché important puisqu’elle incarne 47 % de la valeur de ses exportations. L’Australie mise moins sur l’Europe puisque celle-ci ne correspond qu’à 6 % de son marché export. Les marchés asiatiques, notamment la Chine, très dynamiques et demandeurs en viande ovine, ont aujourd’hui détourné une bonne part des exportations néo-zélandaises. Les contingents de viande ovine néo-zélandaise à destination de l’Europe ne sont aujourd’hui complétés qu’à 75 %, selon une étude d'Abcis de juin 2018.

Des exportations saisonnières qui envahissent le marché à Pâques

Ces contingents bénéficient d’une exonération totale de droits de douane, qui sont normalement prohibitifs sur la viande ovine. Néanmoins, en cas de fermeture ou de perte d’un marché asiatique, il faut s’attendre à ce que la Nouvelle-Zélande se tourne à nouveau vers ces contingents pour écouler ses stocks d’agneaux et ainsi inonder les marchés européen et français. D’autant plus que les importations européennes de viande ovine proviennent très largement d’Océanie avec 86 % d’origine néo-zélandaise et 9 % d’origine australienne. Les importations néo-zélandaises suivent le rythme de la production, basée sur un pâturage à 100 %. Les ovins sont donc tous abattus durant l’automne dans l’hémisphère sud, soit le printemps chez nous. Les agneaux néo-zélandais débarquent donc en France pour Pâques, concurrençant la production nationale qui, sans cela, parviendrait à fournir les consommateurs à cette période. L’agneau néo-zélandais est extrêmement compétitif par rapport à l’agneau français, il faut compter que le prix à la production française est en moyenne 1,5 à 2 fois supérieur au prix néo-zélandais (et 1,5 à 3 fois supérieur au prix australien). Cela s’explique en grande partie par le très faible coût de l’alimentation dans les deux états insulaires qui misent tout sur le pâturage.

De nouveaux contingents plus contraignants

Les éleveurs ovins français ont vu d’un très mauvais œil cette ouverture des négociations et la FNO œuvre depuis septembre 2017 pour tenter d’enrayer le processus. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne avait alors annoncé son intention d’ouvrir et de conclure ces ALE avec l’Océanie avant la fin de son mandat en 2019. Malgré la situation instable en Europe avec la sortie du Royaume-Uni, les accords vont commencer à être négociés cet été. Le flou qui entoure les futures relations entre l'UE à 27 et le Royaume-Uni d'une part et entre le Royaume-Uni et l'Océanie d'autre part rend les négociations très instables. D’autant que le Royaume-Uni est le principal pays européen importateur de viande ovine océanienne. « Malgré nos efforts, les négociations sont ouvertes. Nous nous battons pour que la viande ovine soit classée parmi les produits sensibles et bénéficie en ce sens de protections supplémentaires », expose Michèle Boudoin, présidente de la FNO et de la section ovine du Copa-Cogeca, le syndicat agricole européen majoritaire. « Ce que j’ai noté lors du dernier groupe de travail européen, c’est que les intérêts de chaque État membre rejoignent les intérêts de la communauté, à savoir : pas de négociations avant la fin du Brexit ! » Ce que les syndicalistes veulent à tout prix éviter, c’est l’augmentation des contingents néo-zélandais et australiens, aujourd’hui libres de droits de douane. « Si les volumes importés par les deux pays d’Océanie doivent augmenter, ce sera via de nouveaux contingents, plus restrictifs que les actuels », martèle la présidente du syndicat ovin français.

Pas de décisions avant la conclusion du Brexit

En effet, la menace australienne est bien réelle, car les wallabies remplissent à 100 % leur contingent actuel, plus petit que celui de la Nouvelle-Zélande. Il est donc très probable que les Australiens demandent une augmentation de volume, ce à quoi la FNO est fermement opposée. « Il va être compliqué de leur refuser un nouvel accès. Néanmoins, nous pouvons peser pour des restrictions plus importantes avec des droits de douane abaissés mais non nuls, une limitation des volumes ou encore une répartition des importations sur l’année. » Michèle Boudoin souhaite également que le contingentement soit plus clair et s’abolisse de l’historique existant dans les relations commerciales. « Nous manquons de visibilité sur les produits importés, car aujourd’hui la viande fraîche et la viande congelée sont comprises dans le même volume. Et ce volume a été décidé il y a 40 ans. Il est temps de remettre les choses à plat afin que ces importations suivent les évolutions de la consommation », argumente-t-elle. Les volumes et les tarifs douaniers ne sont pas les seuls écueils sur lesquels négociateurs et éleveurs européens risquent de s’accrocher ; les barrières non tarifaires sont également à prendre en compte. Cela concerne les critères qui ne sont pas chiffrables tels que la traçabilité, qui est bien moins poussée en Australie et en Nouvelle-Zélande qu’en France. Les deux pays océaniens fonctionnent à l’identification de lots et non pas des individus. par ailleurs, le traitement chimique des carcasses à l’abattoir est autorisé dans les deux États océaniens alors que cela est interdit en Europe. Enfin, la prise en compte de l’environnement et du bien-être animal peut constituer un frein dans la recherche d’accords. Les premiers rounds de négociations auront lieu cet été, mais la présidente de la FNO est confiante. « Rien ne devrait être décidé avant la fin du Brexit, on a donc encore deux à trois ans devant nous. » Les directions générales de l'Agriculture et du Commerce de la Commission européenne ont été également rassurantes sur ce point, avançant que la commission ne bougerait pas avant d’y voir plus clair dans les futures relations avec les Britanniques.

"Pas d'accord avant la fin du Brexit"

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