En Gironde
L’agneau de Pauillac cherche de nouveaux éleveurs
Les éleveurs valorisent leurs agneaux de Pauillac au prix fixe de 8 euros le kilo. Avec un nouvel abattoir en construction, la filière recherche de nouveaux producteurs.
L’agneau de Pauillac a des débouchés mais il manque de producteurs. Cet agneau de lait à la viande blanche séduit les grandes tables bordelaises autant que les consommateurs avertis. Pourtant, avec seulement 1 500 agneaux labellisés en 2016, la filière reste une petite niche commerciale qui tourne grâce au Groupement des éleveurs girondins. Cette coopérative rassemble 120 éleveurs de bovins et une trentaine d’éleveurs ovins. Parmi eux, seule une vingtaine sont apporteurs d’agneaux de Pauillac.
Label rouge en 2002 et IGP en 2004, l’agneau de Pauillac doit son origine aux bergers qui n’avaient pas de terre et passaient l’été dans les Pyrénées avant de redescendre dans les plaines via la vallée de la Garonne. « Les troupeaux remontaient jusque dans les zones viticoles actives comme celle de Pauillac, explique Claude Dubedat, le président de l’ODG Agneau de Pauillac. Les troupeaux s’installaient l’hiver dans les châteaux où ils y laissaient une précieuse fumure. Pendant que les brebis nettoyaient les rangs de vignes, les agneaux restaient dans les bergeries pour ne pas manger les jeunes pousses. » Aujourd’hui, fruit de cette histoire, le cahier des charges impose que l’agneau soit né et élevé en bergerie, qu’il soit non sevré et qu’il soit essentiellement nourri au lait maternel.
Augmenter la prolificité avec trois agnelages en deux ans
Cédric Perez respecte ce cahier des charges. Installé en 2006 avec 70 brebis et 60 agnelles de race Tarasconnaise, l’éleveur de Saint-Yzans-Médoc a désormais 400 mères et 120 agnelles. En 2013, il a investi 180 000 euros dans un bâtiment fonctionnel de 1 000 m² pour remplacer ses bi-tunnels, souvent humides à 50 m de l’estuaire de la Gironde. Comme cela se fait beaucoup dans la région, il a un projet de bâtiment agricole avec un fournisseur de panneau solaire. Ce nouveau bâtiment de 2 200 m² abriterait le foin, le matériel et le chai de vinification.
Maintenant, Cédric Perez veut surtout augmenter la prolificité. Il remplace progressivement ses Tarasconnaises par des Blanches du Massif Central qu’il veut mener en trois agnelages en deux ans. « On renouvelle 20 % des brebis chaque année, mais dorénavant avec des BMC plus prolifiques que les Tarasconnaises ». Pour bien suivre la génétique, l’éleveur va s’équiper du logiciel Ovitel, notamment pour repérer et garder les mères qui donnent deux agneaux viables. Son objectif est de produire 1 200 agneaux en 2022 contre 528 en 2016. Les agnelages sont étalés de septembre à mars et en mai de façon à avoir des agneaux à peu près toute l’année. « Les anciens faisaient un peu de vigne, un peu de céréales et un peu d’élevages » explique l’éleveur qui exploite aussi 8 hectares de vignes. « Maintenant, même si l’agneau est payé correctement, à 8 euros du kilo de carcasse, c’est surtout la vigne qui me fait vivre ».
Un abattoir à taille humaine pour se rapprocher des éleveurs et des clients
Pour vendre ses agneaux, le Groupement des éleveurs girondins privilégie le circuit court. Environ la moitié des agneaux sont vendus via quatre grosses boucheries de Gironde qui appartiennent à la coopérative. « Nos boucheries emploient 25 à 30 bouchers et génèrent environ 5 millions d’euros de chiffre d’affaires par an » calcule Philippe Nompeix, le directeur général de la coopérative et des boucheries. Ce circuit court, de la fourche à la fourchette, permet à la fois de rémunérer l’éleveur au prix fixe de 8 euros le kilo de carcasse tout en maintenant des prix compétitifs. « Sans intermédiaire, nos prix se situent en dessous de ceux des grandes surfaces » apprécie Joël Lacourege, chef-boucher à la boucherie de Toulenne, en montrant les tranches de gigot à 23,50 euros le kilo.
Pour maîtriser toute la chaîne, la coopérative construit actuellement un abattoir à Bègles. La fermeture de l’abattoir de Bordeaux fin 2011 a imposé d’emmener les animaux à celui de Bergerac, 120 kilomètres plus loin. Trop loin pour les coopérateurs qui veulent garder cette image locale et limiter les frais de déplacement. L’abattoir de Bègles, dont les travaux ont démarré cet été, couvrira 1 700 m² et devrait produire jusqu’à 650 tonnes de viande bovine et ovine. « Cet abattoir à taille humaine sera doté des dernières technologies pour le bien-être des animaux, explique Philippe Nompeix. Par exemple, les agneaux seront amenés par un couloir de largeur adaptable en fonction de leur gabarit et l’anesthésie électriques sera en trois points. »
Situé face à un grand hypermarché, l’abattoir sera adossé à une salle de découpe et à un espace de vente de type magasin d’usine. « Nous avons placé de nombreuses vitres pour les visiteurs car nous voulons montrer et expliquer notre travail, développe Philippe Nompeix. Nous voulons communiquer le plus possible au grand public, aux professionnels ou aux écoles ».
Des partenariats avec la vigne et le photovoltaïque à construire
L’approvisionnement en agneaux reste cependant insuffisant. « Nos producteurs partent en retraite sans que la relève soit là, regrette Claude Dubedat, le vice-président de la coopérative, lui-même âgé de 74 ans. Nous voulons installer des jeunes mais ils se trouvent confronter au manque de foncier, surtout dans les zones viticoles où les terres sont particulièrement chères. Or le département est pratiquement couvert de vigne et, avec la viticulture, les revenus et l’astreinte ne sont pas les même… Poser le sécateur le vendredi soir et plus facile que de se relever la nuit pour aller voir les bêtes… »
Malgré ces difficultés, des pistes émergent pour installer des éleveurs. Notamment en profitant, à la marge, des richesses du département de la Gironde, à savoir le soleil et le vin. Le soleil en trouvant des accords avec les gestionnaires de panneaux solaires. C’est le cas par exemple dans le Médoc où des éleveurs céréaliers ont placé des brebis pour l’entretien paysager d’une centaine d’hectares de panneau solaire. Cependant, l’accord avec les investisseurs n’est pas toujours facile à trouver car « les investisseurs n’ont pas toujours conscience que pour installer un éleveur, il faut lui offrir une visibilité à long terme » note Claude Dubedat.
Un bon soutien du département et du monde viticole
Les vignes peuvent aussi offrir une opportunité pour l’agneau de Pauillac. Des châteaux prestigieux sont par exemple intéressés pour avoir des moutons, autant pour des questions d’image que de diversification ou de fumure. « Je peux mettre une vingtaine de brebis dans les vignes à l’automne mais je n’ai pas les moyens ni le temps de les garder », note Cédric Perez. Là aussi, des solutions pérennes restent à construire. D’autant plus que les relations avec la ville de Pauillac ou sa maison des vins restent bonnes. Cela se voit fin juin lors de la Fête de l’agneau de Pauillac où une quinzaine d’agneaux sont servis chaque année. « Au moment de la mise en place du label et de l’IGP, les rapports avec les syndicats viticoles étaient tendus car il fallait se partager l’image de Pauillac, se souvient Claude Dubedat. Mais ils ont été rassurés car nous faisons, nous aussi, un produit de qualité ». Des projets d’installation en pâturant les landes girondines, en valorisant les carottes hors calibre ou par l’écopastoralisme urbain sont aussi évoqués.
La filière Agneau de Pauillac bénéficie d’un important soutien du conseil départemental de la Gironde. Le département subventionne ainsi l’achat d’agnelles à hauteur de 2 500 euros par an et 5 000 euros pour les nouveaux producteurs. Les investissements dans les barrières, les herses, les bétaillères ou les remorques sont aussi cofinancés à hauteur de 40 %. Bien que léger en Gironde, l’accompagnement technique ovin n’en est pas moins efficace avec Jean-Pierre Dugat à la chambre d’agriculture et Thomas Constant à la coopérative. De quoi accompagner les projets de production d’agneaux rémunérateurs aux débouchés assurés.
Un abattoir pour se rapprocher des consommateurs
L’essentiel du cahier des charges Agneau de Pauillac
Non sevré, nourri essentiellement au lait maternel et âgé de 75 jours maximum
Poids de carcasse compris entre 11 et 15 kg
Femelles de race Lacaune viande, Blanche du Massif central ou Tarasconnaise
Mâles de race Berrichon du Cher, Charollais, Suffolk ou Rouge de l’Ouest