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Prédation
La prédation, une véritable charge pour la production ovine

Lors des Assises de la prédation, organisées par la fédération nationale ovine les 1er et 2 juin dans les Hautes-Alpes, de nombreux éleveurs n'ont pas manqué de témoigner de l'impact de la prédation. C'est à la fois une charge physique, financière et émotionnelle. Mais elle a aussi des répercussions sur l'installation.

La problématique de la prédation ne se résume pas à l'indemnisation. Même le ministre de l’agriculture Marc Fesneau l'a reconnu. "On a tous pensé que l'indemnisation réglait le problème. Ce n'est pas une affaire d'indemnisation, même si c'est important. Quand on est prédaté, il y a quand même une détresse, un stress auquel il faut répondre autrement que par l'indemnisation", a-t-il mentionné. Une position également partagée par les éleveurs. L'indemnisation existe, soit. Mais la perte d'animal dévoré par un loup, c'est aussi un véritable traumatisme pour les éleveurs. Et un stress continu pour éviter la prédation.

Joris Payan, 30 ans, est éleveur à Chorges, dans les Hautes-Alpes. Il s'est installé le 1er janvier 2016, représentant ainsi la troisième génération de la famille sur l’exploitation. "J'élève 450 Mérinos d'Arles, croisées Île-de-France. Le débouché, c'est la coopérative Agneau soleil et le label rouge Agneau de Sisteron", précise-t-il. L'exploitation s'appuie sur 100 hectares, dont 50 de parcours. "Ce sont des parcours boisés, escarpés et vallonnés. Les bêtes y sont du 20 mai au 15 juin, et du 9 septembre au 1er novembre. L'été, je les monte en alpage à La Grave."

"Ça prend aux tripes"

Son troupeau a été prédaté pour la première fois dans la nuit du 30 au 31 octobre 2022. Et ce, malgré la présence de deux chiens de protection et de clôtures électrifiées, à seulement sept kilomètres de l'exploitation. Bilan : 10 bêtes mortes et trois qui ne seront jamais retrouvées. "J'ai mis trois jours pour récupérer les cadavres et retrouver les survivantes. Quand une attaque survient chez un voisin, ça n'impacte pas de la même façon. Là, ça prend aux tripes. J'étais écœuré, dégoûté." Aujourd'hui, les animaux sont désormais gardés par quatre chiens de protection.

Malgré ces événements, sa passion pour l'agriculture reste intacte. "Si on n'est pas passionné, il faut vite changer de métier, surtout avec le problème de la prédation." Ce que Joris Payan aime, c'est produire des agneaux de qualité. Et pour ça, l'élevage extensif pastoral n'est pas négociable. C'est à la fois son souhait, mais c'est également inscrit dans le cahier des charges du label rouge et dans celui de l'Indication géographique protégée (IGP). "Mes bêtes doivent être dehors, je ne vois pas des bêtes toute l'année dans un bâtiment. Aujourd'hui, il est essentiel que les éleveurs aient droit à des viseurs thermiques pour défendre correctement et en toute sécurité les troupeaux. La simplification des tirs, c'est très bien. Mais il faut que ce soit désormais accepté."

Les Hautes-Alpes, un département fort prédaté

Le département des Hautes-Alpes est aujourd'hui l'un des départements les plus prédatés de France. La prédation reste en hausse, et 98% des attaques surviennent alors que les troupeaux sont protégés. "On compte 1300 chiens de protection sur notre territoire. On se rend compte des limites des moyens de protection actuels. Ils ne suffisent pas. Il nous faut prélever afin de faire baisser le niveau de prédation", prévient Édouard Pierre, président des Jeunes agriculteurs (JA) des Hautes-Alpes et responsable du dossier prédation chez JA.

Avant de poursuivre : "Joris s'est installé seul. On n'imagine pas assez la charge de travail liée à la prédation. C'est à la fois une charge physique et financière. Un chien, il faut le former au préalable et ça prend du temps. On en viendrait presque à dégoûter un agriculteur qui aime son métier".  Et force est de constater que la prédation a aujourd'hui un impact sur les installations. Car si ce département peut se targuer de compenser un départ à la retraite pour une installation, il n'en reste pas moins que le profil des porteurs de projets évoluent. "Il y a sept ou huit ans, 75% des installations concernait l'ovin viande. Aujourd'hui, nous avons une filière bovin lait qui se reconstruit, des installations caprin lait qui augmentent. Ça, c'est le résultat de la prédation. Les agriculteurs se tournent vers des ateliers zéro pâturage ou vers la possibilité de laisser des bêtes près des bâtiments. On va vers une intensification des systèmes. Certaines prairies naturelles passent en sorgho et maïs pour laisser les animaux en stabulation. On voit bien que l'on va de moins en moins vers l'ovin viande extensif et c'est dommage".

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