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Tricot
Elles transforment la laine de leurs moutons

Dans la Creuse, Catherine et Éliane exploitent la laine de leur troupeau. Rencontre avec deux éleveuses passionnées.

Pour Catherine Couturier, éleveuse de 500 Limousines à Gioux dans la Creuse, la valorisation de la laine commence après la tempête de 1999. « Il y avait des arbres déracinés et les moutons avaient leurs toisons sales, se souvient l’éleveuse installée depuis 1981 avec son mari. Le marché de la laine était en difficulté. Les lainiers ne la payaient plus mais la récupéraient gratuitement, pour débarrasser. Ça m’a mis hors de moi et j’ai commencé à chercher une alternative ». Première difficulté : convaincre les filateurs persuadés que « la laine de Limousine gratte et que personne n’en voudra ». À force de ténacité, Catherine Couturier parvient à faire un essai sur 60 kg de laines lavées (soit 120 kg de laines brutes) et soigneusement triées avec l’aide du tondeur, lui-même convaincu que « toutes les laines valent quelque chose à condition de trouver la bonne valorisation ».

Sans trop d’idées sur la façon dont elle va valoriser sa laine, elle tricote un pull tube à grosses mailles pour son fils puis se rend à la foire aux agnelles de Meymac, en Corrèze, sur le stand de la race Limousine. « Là, j’ai vu l’attrait du public, autant des jeunes que des plus âgés ». Elle part ensuite au Salon de l’agriculture et propose des modèles faciles à réaliser sur le stand des Limousines. « Maintenant, on ne tricote plus beaucoup pour s’habiller mais plutôt pour le plaisir de faire quelque chose soi-même ». Catherine crée donc des kits avec des grosses aiguilles en bois fabriquées par son père, des pelotes de laine et des explications écrites à la main et photocopiées. « Ça a marché du tonnerre et j’ai écoulé 200 kg de laine ! ».

"Le prix n'est pas forcément un frein"

Grâce au bouche-à-oreille, à des visites pédagogiques et des reportages, elle se fait connaître et court les foires de France avec ses pelotes, ses kits de tricot et des modèles de pulls et gilets qu’elle crée elle-même. « Je voulais être styliste, j’ai toujours aimé la création » avoue Catherine qui a aussi suivi une formation aux techniques de l’habillement. Avec des aiguilles toujours à porter de main, elle tricote et imagine des pièces uniques qui évoluent au fil des saisons. « J’ai dû tricoter pas loin de mille pulls, ponchos ou gilets depuis 2002, » estime l’éleveuse qui a créé sa propre marque "Laine du Limousin".

Plus tard, Catherine imaginera des coffrets de naissance comprenant un gilet de berger, un poncho ou des chaussons, et vendus de 22 à 50 euros la boîte. « Le prix n’est pas forcément un frein pour la clientèle aisée ou pour ceux qui économisent en vue de s’acheter un produit de qualité ». Si les kits pour faire soi-même sa première écharpe commencent à 50 euros, un pull fini en laine torsadée peut facilement monter à 200 euros pièce.

Quinze ans de foires et de bouche-à-oreille

L’aspect local de la laine est aussi un argument fort pour les touristes qui cherchent à ramener une production du plateau de Millevaches. Mais pour diversifier un peu sa gamme, l’éleveuse ne tricote plus uniquement la laine blanche de ses Limousines. « La teinture, chimique ou naturelle, ne m’emballait pas et je voulais garder les couleurs naturelles ». Pour se fournir en laine de Bizet, de noire du Velay ou de Solognote, Catherine se tourne alors vers la filature voisine de Felletin. Son site internet, www.elevagecouturier.com, propose aussi de la vente en ligne « mais les acheteurs ont souvent besoin de toucher la matière et d’essayer les vêtements avant d’investir ». Et il faut se faire connaître lors de foires plus ou moins grosses. « C’est au mois de mai que l’on vend le mieux, observe Catherine avec ses quinze ans de pratique des foires. Il fait encore un peu frais et on a encore besoin d’une petite laine. »

Être créatif et travailler en groupe

Possible de vivre de la laine ? Catherine reconnaît ne pas avoir accumulé un gros bas de laine avec cette activité. « Mais au moment de la crise ovine, l’atelier laine rapportait plus que l’atelier viande ». Aujourd’hui, l’agneau paye davantage et l’effectif de la troupe est redescendu à 320 brebis. À 62 ans, l’éleveuse-tricoteuse prépare maintenant sa prochaine vie de retraité avec le projet de partir découvrir l’Europe en camping-car.

Son conseil pour la jeune génération : « S’organiser pour travailler en groupe car le travail ne manque pas et l’on est plus fort en groupe. Il faut aussi être créatif et ne pas seulement copier les modèles trouvés sur internet. Je pense qu’il y a de la place pour chacun car tout le monde n’a pas les mêmes goûts. »

Les Journées nationales de la laine se tiendront du 26 au 29 octobre 2018 à Felletin dans la Creuse. Au programme : salon des créateurs, visites d’entreprises, stages, expositions… journeesdelalaine.wixsite.com/felletin

"Toutes les laines valent quelque chose"

Les mille usages des nappes aiguilletées d’Éliane

Installée dans la Creuse depuis 30 ans avec son mari et 350 brebis mères de race Charollaise, Éliane Merias en avait assez de brader la laine. Lors d’une formation sur la connaissance de la laine au lycée d’Ahun en 2007, Éliane apprend le secret des toisons, des mèches et des fils et se perfectionne dans le tri de la laine. Depuis, elle fait laver sa laine à Souvigny dans l’Allier et récupère chaque année 50 kg de fil et 150 à 200 kg de laine en nappe aiguilletée. Le reste, environ 250 kg de laine sale ou trop courte, part à l’exportation « mais ça pourrait convenir pour l’isolation ». La nappe aiguilletée se présente en gros rouleau de fibres de laine entremêlées par un piquetage.

Ces rouleaux de laine peuvent servir, selon leur grammage, d’isolants (pour porte, pour ruche…), de tapis (de yoga), de tissu pour confectionner des gilets (après feutrage), de surmatelas pour les lits, de semelles « bien chaudes qui isolent du sol », voire de couettes ou de plaids à condition de les recouvrir de tissu pour l’entretien. Éliane Merias vend ses rouleaux 25 euros le m² pour un grammage de 400 g/m² sur les marchés et salons locaux, par le bouche-à-oreille, et grâce à des boutiques éphémères ouvertes en décembre avec un collectif d’artisans. L’éleveuse a aussi progressivement diversifié ses couleurs grâce à des béliers Mérinos noirs, Avranchin blancs ou Romney noirs qui teintent plus ou moins les toisons.

« Je paye la tonte et ça me laisse environ 1 000 euros par an, estime l’éleveuse de 56 ans, mais j’y passe beaucoup de temps. Je suis toujours à imaginer d’autres valorisations ». Elle aimerait en faire un vrai complément de revenus mais rechigne à augmenter les prix afin de garder une clientèle locale. « J’aimerais que les éleveurs comprennent que notre laine a une valeur. C’est un matériau noble, naturel, renouvelable, avec des qualités de chaleur et de confort. Ce n’est pas pour rien que les manteaux de luxe sont en laine ! »

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