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Des arguments pour défendre l’élevage

Avec des ateliers à taille humaine qui façonnent une mosaïque de paysages, produisent de la viande de qualité et génèrent des emplois sur tout le territoire, l’élevage ovin n’a pas à rougir de ses apports à la société et à l’environnement. Pourtant, se sentant attaqués, les éleveurs ont besoin de recréer du lien avec la société en réaffirmant certaines vérités. Inventaire des bienfaits de l’élevage ovin à rappeler à nos concitoyens.

Tous les Français ne sont pas des végans abolitionnistes de l’élevage. Loin de là. Seuls 2 % de la population partage les points de vue anti-élevage selon les enquêtes menées dans le cadre du projet Casdar Accept, piloté par l’Ifip-Institut du Porc. Pour ces 2 % là, la mise à mort de l’animal pose un vrai problème. Un quart des Français seraient, eux, contre les systèmes intensifs mais pas contre l’élevage dans son principe. Ces « alternatifs » ont tendance à diminuer leur consommation de viande et sont plutôt attirés vers le bio, les produits sous signe de qualité ou les circuits courts. Plus de la moitié (51 %) des citoyens est classée dans les « progressistes », c’est-à-dire qu’ils sont intéressés par le sujet et attendent des progrès dans les pratiques d’élevage en production standard. Enfin, 10 % pensent plutôt que l’élevage français doit d’abord être compétitif dans une économie de marché. 3 % n’ont pas d’avis précis sur l’élevage et 10 % ne peuvent être statistiquement classés dans aucun groupe. Dans un autre sondage réalisé par l’Ifop pour l’Institut de l’Élevage en juin 2016, en plus des 2 % des végétariens, végétaliens ou vegans, 14 % déclarent envisager de cesser leur consommation de viande (dont 26 % des moins de 25 ans). 18 % déclarent envisager de diminuer leur consommation carnée. Mais les deux tiers des Français ne pensent ni réduire ni arrêter de manger de la viande.

Des messages qui tendent à réduire la consommation

Pour Elsa Delanoue, agronome et sociologue de l’Institut de l’Élevage qui a mené une thèse sur les controverses en élevage, « quatre thématiques liées à l’élevage font l’objet de débat au sein de la société : l’impact sur l’environnement, la condition animale, le risque sanitaire et le modèle socio-économique de développement. » Dans l’impact sur l’environnement, on retrouve des désaccords sur l’émission de gaz à effet de serre, la pollution des eaux, l’alimentation des animaux avec du soja ou des OGM, l’utilisation des ressources (eau, terres…) ou les nuisances (odeur, bruit…). La condition animale regroupe, elle, des débats sur le bien-être animal, les conditions de vie, la prise en charge de la douleur ou l’éthique animale. Dans les questions sanitaires, ce sont surtout les antibiotiques ou les risques d’épizooties ou de zoonoses qui sont pointés du doigt. Enfin, les systèmes intensifs ou la concentration des élevages dans une zone peuvent être débattus.

Renouer le contact avec ces concitoyens

Pour les anti-élevage, toutes ces controverses sont transformées en arguments contre la consommation de viande ou de produits animaux. Il s’agit alors de rallier le public à sa cause en argumentant ou en montrant des images chocs qui cherchent à faire croire que des pratiques inacceptables sont la norme. « La plupart des Français, les 51 % de progressistes, connaissent mal l’élevage et ne le voient que par les médias qui sont plutôt critiques envers les élevages en ce moment », regrette Elsa Delanoue. Et ces controverses commencent à pénétrer l’ensemble de la société en infusant des messages tendant à réduire la consommation de protéines animales.

Les citoyens veulent de l’air libre et pas de douleurs

D’après les résultats d’un sondage conduit auprès de plus de 2000 Français en 2016, l’attente principale du grand public concerne le plein air : pour une grande majorité de citoyens, tous les animaux doivent avoir un accès à l’extérieur. Pour eux, c’est lorsqu’ils sont dehors que les animaux peuvent, au mieux, exprimer leur comportement naturel : se déplacer librement, brouter l’herbe, fouiller le sol, etc. S’ils sont élevés en bâtiment, la paille ou la litière sont perçues comme moins artificielles et plus confortables pour les animaux que le caillebotis. L’accès à la lumière du jour est également une demande sociétale forte. Ensuite, les citoyens ne tolèrent pas les pratiques douloureuses pour les animaux : coupe des queues des porcelets, écornage, épointage du bec des volailles, castration, etc. Ils souhaitent l’arrêt de ces pratiques dans le cas où des alternatives existent ou, dans le cas contraire, une suppression ou une forte atténuation de la douleur (par anesthésie par exemple).

Ils se montrent également choqués par les douleurs psychologiques qu’ils considèrent comme ressenties par les animaux, par exemple lors de la séparation des vaches et des veaux en élevage laitier ou l’isolement d’animaux. Enfin, il ressort que les citoyens connaissent assez mal les pratiques et les conditions d’élevage. Ils en ont une image globalement plus négative que la réalité, surtout pour l’élevage porcin ou laitier.

50 litres pour faire un kilo, pas 15 000 litres

Les Français connaissent mal l’élevage ovin. Ils en ont une image hyperidéalisée et ne l’imaginent souvent qu’en extensif et en montagne. Si le fromage au lait de brebis ou la laine sont plus éloignés de l’animal, la viande d’agneau peut ramener certains consommateurs à l’image de la mort d’un animal jeune et mignon… Cependant, la viande d’agneau étant souvent perçue comme festif ou gastronomique (Pâques, gigot du dimanche…), ces considérations passent, comme pour le foie gras, après la tradition et l’envie de consommer un bon produit.

La réponse à toutes ces visions biaisées reste la communication à différentes échelles, nationale autant que locale. Au niveau national, la filière fait passer des messages via ses actions Inn’ovin ou via les communications d’Interbev. Dernièrement, c’est le rapport de Terra Nova La viande au menu de la transition alimentaire publié le 21 novembre qui a irrité la filière de la viande. La fondation propose de diviser par deux la part de protéines animales au profit des protéines végétales d’ici 20 ans. Une attitude moralisatrice qui irrite souvent les Français. Dans un sondage Ipsos pour Interbev réalisé cet été, ils sont en effet 63 % à se dire lasser des discours sur ce qu’ils doivent ou ne doivent pas manger.

Dans leurs accusations, les anti-élevages oublient souvent de préciser que l’élevage herbivore peut stocker du carbone dans les sols de ses prairies et ainsi compenser une partie de ses émissions. Autre absurdité souvent entendue, le chiffre de 15 000 litres d’eau nécessaire pour produire 1kg de viande. Cette quantité d’eau virtuelle inclut en effet l’eau de pluie tombée sur les prairies. Or, selon la méthode « empreinte eau consommative » définie par la norme ISO14046, la quantité d’eau réellement consommée pour produire 1 kg de viande bovine en France se situe plutôt aux alentours de 50 litres d’équivalent eau.

Communiquer sur le lien affectif avec l’animal

Si la société a plutôt perdu confiance dans l’industrie agroalimentaire, nos concitoyens croient encore à la sincérité des éleveurs qui travaillent au contact de la nature. Pour cela, ouvrir sa ferme au grand public peut parfois être plus efficace qu’un spot de publicité qui peut être perçu comme une propagande du lobby de la viande. « Il faut montrer aux citoyens ce qu’est vraiment l’élevage, suggère Elsa Delanoue. Et pour cela, il faut être irréprochable, notamment sur la douleur animale et l’accès à l’extérieur ».

Accueillir du public sur sa ferme demande du temps et de la patience. Il faut savoir répondre simplement aux questions sans rentrer dans trop de technicité. « Répondre en parlant du taux de mortalité à une question sur la séparation du jeune et de sa mère est contre-productif », explique Elsa Delanoue. Il est plus efficace de mettre en avant sa vie d’éleveur en comparant si besoin la vie de l’animal à la sienne. Ce qui plaît le plus, c’est de voir un éleveur, sourire aux lèvres, au milieu de ses animaux qui parle avec passion de sa relation avec les bêtes. « Il faut appuyer sur ce lien avec l’animal, recommande Anne-Charlotte Dockés, chef du département sociologie de l’élevage à l’Institut de l’Élevage. Dans l’esprit des gens, ce contact avec l’animal est ce qui fait l’essence du métier d’éleveur ».

Ces efforts de communication n’arriveront sans doute pas à inverser la tendance générale de la baisse de consommation de viande. Par contre, ils peuvent amoindrir la baisse et servir surtout à ce que l’éleveur se sente moins en porte à faux vis-à-vis du reste de la société. Une meilleure image de l’élevage aidera aussi à ce que, demain, des jeunes aient encore envie de devenir éleveurs.

 

Quiz sur l’élevage herbivore et l’environnement sur http://limesurvey2014.idele.fr/index.php/637831/lang-fr

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