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De nouvelles présentations pour l’agneau de lait corse

En surgelant l’agneau de lait ou en le proposant en découpe, les éleveurs et la filière corses veulent s’adapter aux habitudes de consommation des locaux et des touristes.

La Corse est réputée pour ses fromages au lait de brebis. Mais, au côté de cette production, les élevages fournissent aussi des viandes moins connues. Comme dans d’autres régions méditerranéennes, les agneaux de lait sont des coproduits de la production laitière. Bien que symboles identitaires porteurs de cultures alimentaires, l’agneau de lait a perdu de la place au sein des filières qui se sont essentiellement organisées autour de la valorisation fromagère. Aujourd’hui, les éleveurs corses veulent redonner un nouvel élan aux quelque 65 000 agneaux de lait produits par les 400 éleveurs de l’île.

L’Office du développement agricole et rural de la Corse (Odarc) et l’Inra de Corte ont organisé en septembre dernier une journée de réflexion sur la valorisation de l’agneau de lait. Les échanges entre des acteurs des filières Corse, Sarde et du Pays Basque a montré que les problématiques sont partagées malgré les différences structurelles entre bassins.

Deux questions émergentes y sont apparues centrales, celle de la saisonnalité et de son articulation au marché, et celle de la découpe et du conditionnement vis-à-vis des nouvelles cultures de consommation. Historiquement, en Corse, les agneaux de lait étaient principalement vendus sous forme de carcasses entières, directement à la ferme et abattus quelques jours avant leur consommation pendant les périodes de fête. Cet échange de type domestique s’inscrivait aussi dans une tradition alimentaire où l’agneau était consommé à Noël et à Pâques au sein du cercle familial. « Aujourd’hui, le produit et sa commercialisation doivent être repensés pour trouver un lien nouveau entre producteur et consommateur » explique Nicolas Lacombe qui a réalisé sa thèse à l’Inra de Corte sur le sujet. « D’un produit connu, l’agneau de lait est devenu confidentiel au fil du temps » regrette Antoine Ottavi, le président de l’interprofession laitière ovine et caprine corse.

Surgeler pour reporter un produit très saisonnier

La surgélation apparaît comme une technologie mobilisée dans chaque bassin afin de reporter la consommation, notamment vers la période estivale. « L’an dernier, aucun de nos agneaux de lait corse n’a été exporté en Sardaigne, explique un éleveur de l’association corse des éleveurs ovins. Sur 6 000 agneaux collectés, 4 000 ont été surgelés pour être revendus aux restaurants locaux ». La surgélation permet de reporter la consommation puisque la saisonnalité des naissances, aujourd’hui plus précoce, ne permet plus d’accéder au marché local à Noël et à Pâques ou à la consommation touristique estival. Cependant, "grâce à l’allongement de la saison touristique, comme cette année où la fréquentation a été accrue jusqu’à la Toussaint, il est possible d’éviter la surgélation, coûteuse, en commercialisant en frais les agneaux précoces d’octobre et novembre », note Nicolas Lacombe.

Face à l’évolution du marché, il apparaît aussi indispensable de reconsidérer les carcasses, la vente d’animaux entiers étant aujourd’hui rendue difficile. « La carcasse entière ne se vend plus, il faut proposer de la découpe pour rendre le produit attractif », explique Sébastien Rossi, président du groupement des producteurs de la Société fromagère corse qui collecte des agneaux de lait sur l’île. Le conditionnement en barquette est aujourd’hui devenu un format de commercialisation répandu. Il est destiné à commercialiser des assortiments individualisés en grandes surfaces, composés de pièces telles que le gigot et le carré. Il permet aussi de cibler le format de vente selon les préférences des consommateurs qui, de plus en plus, sont réticents à consommer certaines parties comme les abats ou la tête.

Plats précuisinés sous vide et restauration collective

En Sardaigne, la confection de plats précuisinés sous vide est elle aussi une innovation. Il s’agit-là de portions individuelles vendues en barquettes et assorties d’une date limite de consommation plus étendue grâce à l’usage de l’atmosphère modifiée. Les produits sont préparés en valorisant des recettes locales et sont facilement consommables au travers de la possibilité de cuisson au micro-ondes. Ils répondent à l’évolution des pratiques alimentaires, leur individualisation, et permettent de faire entrer le produit dans une consommation plus habituelle, à toute période de l’année.

Cependant, le petit gabarit de l’agneau de lait (4,7 à 7 kilos de carcasse) ne le rend pas propice à la découpe. « Plutôt que de conférer ce travail de la carcasse aux consommateurs comme auparavant, où des savoirs étaient mobilisés à l’échelle familiale, il y a un enjeu à déléguer cette responsabilité à d’autres opérateurs », observe Nicolas Lacombe. Dans cette perspective, une mise à niveau des ateliers de découpe et de conditionnement est envisagée par le syndicat mixte des abattoirs de Corse.

Pour perpétuer les cultures alimentaires locales, il a été aussi rappelé, lors de ces rencontres, l’importance de proposer l’agneau de lait dans les circuits de restauration collective, notamment scolaire. Pour cela, les Sardes mettent en avant ses qualités diététiques et nutritionnelles par rapport à celles de l’agneau lourd. Par contre, le petit format des carcasses impose la présence d’os qui rebutent certains gestionnaires de cantine.

Enfin, la filière corse veut protéger ses agneaux de lait par un signe d’identification de la qualité et de l’origine. Si cette protection ne semble pas faire spontanément et collectivement sens pour tout le monde en Corse, les représentants des autres bassins font remarquer qu’il s’agit d’un outil indispensable, notamment pour l’affichage ou la visibilité du produit.

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