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De la brouette au robot d’alimentation

Le Gaec de Ronnaguet dans l’Aveyron est passé directement de l’âge de la brouette à l’ère du robot. Un investissement coûteux mais des conditions de travail autrement plus confortables.

À cette saison, le matin, on se lève pour aller voir si les brebis sont toujours dans la bergerie », lancent en boutade Guillaume et Thierry Rudelle, éleveurs à Flavin, dans l’Aveyron. Nous sommes début novembre. La traite, terminée depuis un mois, ne reprendra que début février. Même si le troupeau (530 brebis pour une production de 176 000 litres de lait) est en stand by, il faut le nourrir. Sauf qu’ici, c’est un robot d’alimentation qui s’en charge plusieurs fois par jour. Le système, en service depuis un an, est composé d’une cuisine de préparation des rations, d’un poste de commande et d’un automate qui distribue dans les couloirs d’alimentation. Cette installation modulaire est conçue par le constructeur Jeantil à partir de machines mobiles de distribution (distributrice, pailleuse, bol mélangeur). Les différents éléments sont actionnés par des moteurs électriques.

La station de préparation comprend deux cellules de 22 m3 pour la réception du foin en vrac et deux cellules plus petites avec démêleur pour les bottes (foin, enrubanné, paille). Les fourrages sont déposés avec la griffe de l’installation de séchage du foin. Ils sont pesés puis amenés dans un bol mélangeur à poste fixe (8 m3) par un tapis convoyeur. Les concentrés, les compléments minéraux et autres additifs sont réceptionnés via des vis souples dans une trémie peseuse, à partir de cellules ou big-bags, avant d’être mélangés puis expédiés dans le bol.

Distribution trois fois par jour

Après coupe des fourrages dans le bol et mélange des différents ingrédients, l’automate (4 m3) est chargé par le biais d’un autre tapis convoyeur. Le mélangeur est entièrement vidangé à chaque fois. L’automate se déplace dans les couloirs par filoguidage : il est guidé par des fils enterrés dans le béton.

L’ensemble du système d’alimentation automatisée est piloté par un ordinateur. « Nous créons les recettes par brebis, nous indiquons l’ordre de chargement des aliments, le temps de coupe, la vitesse de rotation, le nombre de brebis, les horaires et les zones de distribution… », détaillent les éleveurs. En hiver, l’automate distribue trois fois par jour avec deux passages à chaque fois. Des puces numérotées, insérées dans le béton des couloirs, délimitent des zones. Au moment de la mise bas, les éleveurs peuvent ainsi programmer des rations par lots de brebis (gestantes, allaitantes, laitières). Ils peuvent même distribuer une ration identique à deux lots de brebis séparés physiquement dans la bergerie. En cas de dysfonctionnement, ils reçoivent une alerte. Le robot fait aussi le raclage des couloirs et le paillage. Le tapis est actionné à pleine vitesse pour lancer la paille derrière l’auge, les brebis se chargeant de la disperser.

Une solution de mécanisation s’imposait

Le coût d’une telle installation est élevé : 250 000 euros. Mais, Guillaume et Thierry Rudelle ont bien pesé avantages et inconvénients des différentes solutions qui s’offraient à eux. La distribution de l’alimentation était manuelle et nécessitait la présence de trois personnes, dont leur père âgé de 70 ans. Une solution de mécanisation s’imposait. D’autant plus que l’un des deux frères gère aussi une entreprise de travaux agricoles. Ils ont envisagé l’achat d’une mélangeuse. « Avec le foin en vrac, il fallait une machine de très grand volume. Elle ne rentrait pas dans la bergerie. Il aurait fallu faire des transformations importantes et installer des tapis devant les auges », argumentent Guillaume et Thierry Rudelle. Bref, le coût aurait très élevé également. L’installation du robot n’a pas nécessité de grosses transformations. Le stockage a été allongé en prolongement du séchage pour pouvoir charger les cellules avec la griffe et un appentis a été construit pour loger la cuisine. Le tout pour un coût de 40 000 euros.

Les essais préalables réalisés par le constructeur sur la distribution du foin en vrac, la motivation de l’équipe technique et la relation de confiance qui s’est établie, ainsi que la présence d’un concessionnaire (Agritech) et service après-vente sur leur commune, ont fini d’emporter la décision. Le système peut aussi être pris en main à distance.

« De faibles volumes sur de longues distances »

Développé pour des vaches laitières, ce robot d’alimentation était le premier à voir le jour en ration sèche et petits ruminants. « Nous distribuons de faibles volumes sur de longues distances alors que pour les vaches, c’est l’inverse, relèvent les deux frères. De plus, en période de traite, il fallait pouvoir distribuer à toutes les brebis en un seul passage. » Ce qui a nécessité certaines adaptations. Notamment une fréquence de passage plus importante à cause du volume de la ration. Le fait de n’avoir rien modifié dans la bergerie les a également rassurés : « En cas de panne, on peut donner à la main ».

L’achat du robot d’alimentation avait aussi pour but d’améliorer la précision du rationnement et, par conséquent, les performances laitières. Au départ, la campagne laitière a pourtant démarré plus bas. Par manque d’expérience, reconnaissent les éleveurs. « On n’avait pas programmé suffisamment de refus. La ration consommée n’était pas assez riche en protéines. Après avoir rectifié le tir, les brebis se sont très bien maintenues bien qu’elles aient démarré plus bas. Nous avons fait une très bonne campagne, en volume et surtout en taux. » Quant aux conditions de travail, plus rien à voir avec la situation antérieure : « Il n’y a plus que la traite en travail d’astreinte. Pendant la période de pâturage, à l’heure du déjeuner, quand on voit que le temps ne permettra pas de sortir les brebis, on programme une distribution en bergerie sans se déplacer, à partir du smartphone. » Qui n’en a pas rêvé ?

Avis d’expert

« Un impact économique assez modéré »

« L’impact de cet investissement sur les résultats de l’exploitation est assez modéré. D’autant plus que le prix du lait a nettement augmenté en 2016 (de 888 à 950 €/ 1 000 l). Dans l’ancien système de calcul du prix du lait, le Gaec de Ronnaguet était pénalisé par un volume individuel de référence assez faible. En prenant en compte le prix du lait 2016 et l’amortissement du robot d’alimentation, la rémunération de la main-d’œuvre, calculée selon la méthode coût de production de l’Institut de l’Élevage (sur la base des charges de 2015), passerait de 1,9 à 1,7 Smic par unité de main-d’œuvre. Un niveau qui reste encore au-dessus de la moyenne du rayon de Roquefort (1,2 Smic). La situation économique de l’exploitation est très saine. Elle est autonome à 98 % sur le plan alimentaire : elle n’achète que le concentré des agnelles. Les frais des surfaces, notamment la mécanisation, sont très maîtrisés. Les éleveurs font beaucoup de travail simplifié du sol et de semis direct. L’exploitation avait la capacité à supporter cet investissement et ce choix est cohérent avec la configuration de leurs installations. »

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