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Comment lutter contre l’émergence de résistance aux antiparasitaires chez les ovins

Il est possible de limiter l’apparition de parasites gastro-intestinaux résistants en portant une attention rigoureuse aux traitements administrés à son troupeau ovin.

Une résistance aux anthelminthiques chez les strongles digestifs d’un élevage peut être d’origine endogène ou exogène. En effet les résistances émergent parfois localement, dans une exploitation, en raison d’une utilisation non raisonnée d’une famille de molécules, ou peuvent être introduites depuis l’extérieur par l’achat de nouveaux animaux ou les mélanges de troupeaux (pension, estive…). « La première mesure préventive à adopter consiste donc à respecter les périodes de quarantaine des nouveaux arrivants et de leur administrer un voire plusieurs traitements antiparasitaires avec différentes familles de molécules », préconise Philippe Jacquiet, enseignant chercheur à l’École nationale vétérinaire de Toulouse.

​​​​​Les bonnes pratiques de traitements

Le point central d’une utilisation raisonnée des anthelminthiques réside dans l’alternance des familles de molécules au cours d’une même année. Chacune des cinq familles agit de manière distincte, ciblant différentes caractéristiques des parasites. « Il faut tout de même faire attention car plusieurs produits utilisent la même molécule ou la même famille de molécule. Si par exemple en début d’année j’utilise du lévamisole qui est un imidazothiazole, la fois suivante je peux utiliser un salicylanilide comme le closantel », illustre le vétérinaire. « Il est fortement recommandé de respecter les dates de péremption et les instructions de stockage ainsi que d’utiliser du matériel d’administration fonctionnel et propre », ajoute-t-il. Pour éviter tout sous-dosage, les éleveurs sont incités à traiter en fonction du poids de l’animal le plus lourd du lot plutôt que du poids moyen.

Un traitement ciblé sélectif

Contrairement à l’approche traditionnelle du traitement systématique, la préconisation actuelle recommande des traitements uniquement lorsque nécessaire. Pour traiter au bon moment, deux méthodes se complètent : l’œil de l’éleveur et la coproscopie. L’état général des animaux est un bon indicateur de la présence de parasites. « La baisse de production laitière, le ralentissement de la croissance des agneaux, les diarrhées et les signes de la bouteille doivent alerter l’éleveur, explique Philippe Jacquiet. On peut lui adjoindre la coproscopie de mélange, un outil intéressant de monitoring du troupeau qui permet de poser le diagnostic de strongylose digestive. » Lorsque l’on décide de traiter, il est judicieux de laisser une partie du troupeau sans exposition aux anthelminthiques. L’objectif est de constituer un « refuge » pour les parasites sensibles. Ainsi, à la génération suivante de parasites, ceux qui sont sensibles seront toujours présents en grande proportion ce qui diluera les allèles de résistance. « Dans tous les élevages étudiés, il y a une grande variabilité d’excrétion au sein du troupeau. Il faut donc repérer les brebis les plus susceptibles d’être fortement excrétrices, comme les primipares et parmi les multipares, celles qui présentent un mauvais état général ou des signes cliniques. » L’éleveur peut par exemple laisser 15 % à 30 % de brebis non traitées qui serviront de « refuge » aux parasites sensibles. Les résultats des essais de traitements ciblés sélectifs en brebis laitière comme en brebis allaitante sont encourageants. Dans de nombreux cas où les traitements ciblés sélectifs ont été mis en place, la sensibilité aux antiparasitaires, notamment à l’éprinomectine dans les élevages ovins laitiers, a été conservée.

La coprologie, un outil de pilotage du parasitisme

Il s’agit d’une mesure indirecte du taux d’infestation parasitaire par recherche et comptage au microscope des œufs de parasites excrétés dans les fèces des animaux. Cette estimation du nombre de parasites internes présents va aider à la décision de mettre en place ou non un traitement. C’est un examen facile à mettre en place, peu coûteux et réalisé sur animaux vivants. La collecte et le conditionnement (dans un gant ou un sac plastique) de matière fécale doivent être individuels et s’appliquer à une dizaine d’animaux d’un lot. L’acheminement au laboratoire se fait à 4 °C par envoi express. Le mélange des matières fécales et les analyses sont ensuite effectués au laboratoire ou à la clinique vétérinaire. L’intensité d’excrétion d’œufs (OPG) obtenue à partir de ce mélange est une estimation pertinente de l’excrétion moyenne d’un lot et donc également du nombre de vers présents chez les animaux.

Un test simple pour détecter les résistances dans son élevage

Un examen simple pour déceler la résistance aux benzimidazoles a été élaboré dès les années 1980. Ce test d’évaluation s’applique à l’ensemble des anthelminthiques et peut être déployé dans les élevages où des soupçons de résistance persistent.

L’évaluation de la résistance à une molécule au sein d’une exploitation se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, l’éleveur sélectionne deux lots d’une dizaine de brebis chacun. Un groupe est traité tandis que l’autre constitue le groupe témoin. Le jour du traitement, des échantillons de matière fécale sont prélevés dans les deux lots. Deux semaines plus tard, de nouveaux échantillons sont recueillis, dans les deux lots permettant ainsi d’évaluer le pourcentage de réduction du nombre d’œufs excrétés post-traitement.

Hypothèse de résistance et résistance avérée

Au-dessus de 95 % de réduction d’excrétion, la molécule est considérée comme efficace. En deçà de ce seuil, l’hypothèse d’une résistance est émise. Parfois, une efficacité inférieure à 20 ou 15 % est observée, dissipant tout doute : l’efficacité de la molécule en question s’est effondrée. Ce test est facile à mettre en place bien qu’un peu fastidieux. Deux conditions doivent être respectées pour garantir la fiabilité de l’évaluation : le protocole doit être réalisé sur des animaux suffisamment excréteurs (plus de 200 œufs par gramme de matière fécale) et la répartition des animaux doit être aléatoire dans les groupes témoins et traités. La puissance de ce test réside dans son adaptabilité à toutes les molécules antiparasitaires. Pour réduire les coûts d’analyse, il est possible de procéder à des coprologies de mélange plutôt qu’à des coprologies individuelles.

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